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Chapitre 3
Revenu, emploi, foresterie et sécurité alimentaire

Dans le dernier chapitre, nous avons étudié les contributions directes qu'apportent les forêts à la sécurité alimentaire. Mais les forêts participent aussi indirectement à la sécurité alimentaire des ménages, en générant des emplois et des revenus basés sur la vente et l'échange des produits forestiers collectés et transformés, comme le bois de feu, le rotin, le bambou et les fibres. Les forêts fournissent les matières premières sur lesquelles s'appuient de nombreuses petites entreprises rurales, par exemple, le bois pour la fabrication de meubles et d'instruments divers. En outre, le bois de feu est la principale source d'énergie pour les activités artisanales de transformation alimentaire, comme le séchage du poisson ou le brassage de la bière.

Les produits forestiers commercialisables permettent de compléter le revenu des ménages, et sont une ressource que l'on peut mettre à contribution en cas de pénurie saisonnière ou de besoin urgent de vivres ou d'espèces. Le rôle de ces activités, basées sur la forêt, varie selon les autres possibilités d'emploi (notamment dans les travaux agricoles), la disponibilité saisonnière des produits forestiers, les besoins de revenu en espèces, l'accès aux ressources forestières, l'état de ces ressources et l'accès aux marchés.

Aucune étude n'analyse directement le rapport entre les activités forestières génératrices de revenu, et la sécurité alimentaire. On a peu traité de la façon dont est dépensé le revenu tiré de la forêt, ou de qui en dispose. Dans certains cas, ce revenu provenant de la forêt servira à acheter des vivres, dans d'autres, il sera investi en terres agricoles ou en bétail, ou encore en intrants, en semences par exemple. Les revenus que la forêt permet de générer ont donc un lien bien réel avec la sécurité alimentaire, lien qu'il convient d'étudier sans pour autant perdre de vue qu'ils ont aussi une part dans d'autres aspects de la sécurité globale des ménages, notamment dans le logement, l'éducation ou l'habillement.

CARACTERISTIQUES DES PETITES ENTREPRISES FAMILIALES DE COLLECTE ET DE TRANSFORMATION DE PRODUITS DE LA FORET

Si le commerce basé sur les produits forestiers se présente différemment d'une région à l'autre en fonction des marchés, des populations locales, des possibilités d'emploi dont celles-ci disposent et des différents écosystèmes dans lesquels elles vivent, certaines caractéristiques sont communes à de nombreuses entreprises forestières. Ces points communs peuvent se résumer comme suit:

Entreprises de collecte

La collecte et la vente de produits forestiers sont des activités économiques importantes pour beaucoup de ruraux. Une multitude de produits sont collectés pour être vendus sur le marché local, mais aussi sur les marchés urbains, voire pour l'exportation. La plupart des études semblent axées sur les produits destinés aux marchés urbains ou à l'exportation, bien que ces aspects puissent ne pas être les plus importants du point de vue de la satisfaction des besoins élémentaires quotidiens. Il n'existe pas de synthèse des données disparates que l'on possède sur les activités de collecte de produits de la forêt, et les aspects économiques de ces activités font à vrai dire l'objet de fort peu de travaux spécifiques. Les éléments exposés ci-après, sont tirés de monographies qui ne portent pas directement sur les liens entre collecte en forêt et sécurité alimentaire. Ce que l'on peut en déduire a donc une valeur plus indicative que probante. Toutefois, les informations dont on dispose illustrent la nature, les ordres de grandeur et l'importance du revenu tiré de ces activités forestières par les ménages ruraux.

Plusieurs travaux illustrent l'importance du commerce des produits forestiers pour les habitants de la forêt et les groupes tribaux (par exemple IDRC 1980, Weinstock 1983, Connelly 1985, Endicott 1980). Or, bien des ménages d'agriculteurs dépendent eux aussi du revenu que procurent les activités de collecte des produits forestiers. Siebert et Belsky (1985) ont constaté que, dans des villages de plaine des Philippines, 73 pour cent des ménages ne parviennent pas, par leur seule activité agricole, à produire suffisamment de vivres ou de revenu en espèces pour satisfaire leurs besoins de base. Tous les ménages villageois ont recours aux produits forestiers pour compléter leur revenu et faire face à l'imprévu. En outre, plus de la moitié des ménages dépendent de la cueillette du rotin et du travail salarié dans les entreprises d'exploitation forestière, en tant que moyen premier de subsistance (voir Tableau 19). Ce sont, en général, les hommes des ménages les plus pauvres qui sont les plus actifs dans la collecte du rotin, même si, à mesure que les conditions dans lesquelles se pratique l'agriculture se détériorent, de plus en plus de ménages se livrent à cette activité et au commerce qui l'accompagne.

Siebert et Belsky (1985) concluent que la forte intensité de main-d'œuvre et la structure commerciale décentralisée des activités de collecte du rotin et de divers produits forestiers autres que le bois, procurent aux économies locales plus d'avantages économiques que le secteur du bois. La majeure partie du rotin est collectée pour répondre à la demande du marché local (81 pour cent du total est vendu à des fabricants locaux de mobilier). Les prix varient, en général, selon la période de l'année et la qualité de la canne. Dans la région étudiée, la qualité du rotin et son abondance sont en déclin, en raison de la forte exploitation des ressources et du défrichement de la forêt à des fins agricoles.

La cueillette des noix et le pressage de l'huile du palmier babassou (Orbignya martiana) dans le nord-est du Brésil est un autre exemple d'activité de cueillette forestière génératrice de revenu, pratiquée par les agriculteurs (May et al. 1985a). Les auteurs affirment que plusieurs millions d'agriculteurs de subsistance de la région dépendent du revenu en espèces que leur procure la vente des amandes et de l'huile de ce palmier. Les cultivateurs de la région sont, en grande majorité, des paysans sans terre (exploitants pour le compte d'autrui), et la cueillette des fruits du babassou est leur seul moyen de se procurer un revenu en espèces. Le collecte et la vente des amandes tombent au moment de la morte-saison agricole, et donc des plus gros besoins de revenu en espèces. Hommes et femmes y participent, mais ce sont surtout les femmes qui extraient l'huile. Ce palmier donne aussi une multitude d'autres produits, notamment du chaume, des fibres de vannerie, du charbon de bois et des produits comestibles (voir Tableau 2).

Le commerce du bois de feu est une source de plus en plus fréquente de revenu pour les agriculteurs, et notamment pour les femmes. La plupart des études consacrées au bois de feu sont axées sur la consommation et les disponibilités de biomasse. On ne s'est intéressé que récemment au revenu que génère ce commerce pratiqué par les ménages ruraux. Dans une étude détaillée sur la production, la commercialisation et l'utilisation par les ménages dans trois zones (rurales et urbaine) du Sierra Leone, Kamara (1986) a constaté que le marché rural du bois de feu est actif surtout dans les villages proches des routes conduisant à la ville. La plupart des marchands vendent du bois, à temps partiel, pour compléter le revenu familial. Ce sont surtout les femmes qui ramassent le bois et le vendent, tant à la campagne qu'en ville, mais les hommes des zones rurales fournissent environ 20 pour cent du bois de feu commercialisé. Les revenus en espèces dérivant de cette activité jouent un rôle important dans le cycle agricole: ce sont, en fait, les premières recettes que procurent les terres défrichées pour y cultiver le riz; par la suite, la collecte du bois de feu destiné à la commercialisation est concentrée dans les périodes creuses de l'activité agricole, procurant ainsi un revenu dans la période où les réserves vivrières sont en général au plus bas.

TABLEAU 2 Pourcentage des familles rurales qui utilisent le babassou pour différents usages dans les Municípios de Maranhão

MunicípioPourcentage des familles interrogées (n = taille de l'échantillon)
chaumevanneriecharbon de boislaithuilecoeur de palmier
       
Bacabal
(n=104)
8696964453nd
Lima Campos
(n=64)
94839270668
São Bento
(n=57)
767249727416
Chapadinha
(n=98)
869096899142
Moyenne868583697122

Source: May et al., 1985a

De façon générale, le bois de feu fait l'objet d'un commerce des zones rurales vers les zones urbaines. Il est cependant aussi acheté en milieu rural, dans certaines zones rurales gravement déforestées ou lorsque des entreprises locales de transformation ont de gros besoins de bois. En général, l'accès au marché est libre, il y a beaucoup d'acheteurs et beaucoup de vendeurs, peu ou pas d'intervention des pouvoirs publics sur les prix, et les coûts de transport sont élevés en regard du prix auquel se négocie le bois. Le transport se fait par les moyens les plus divers, de la charge portée sur la tête au charroi en camions de grande capacité.

Entreprises de transformation

Il existe une large gamme de produits de la forêt et des arbres qui subissent une transformation simple à l'échelon de la famille ou de la petite entreprise rurale. Les informations sur les entreprises de transformation que nous donnons ici sont basées sur une étude résume les données en provenance de six pays sur la nature, l'ordre de grandeur et la contribution des petites entreprises forestières au revenu et à l'emploi rural (Fisseha 1987). L'auteur a constaté que la majorité des entreprises produisent du mobilier, des instruments agricoles, des pièces de véhicules, des paniers, nattes et autres articles de vannerie faits à partir de cannes, roseaux et tiges grimpantes. Elles desservent au premier chef les marchés agricoles et les ménages ruraux, et sont habituellement leur première source d'approvisionnement. La production d'objets artisanaux est, quant à elle, surtout destinée aux marchés urbains, et parfois aux marchés d'exportation. Les principaux types d'activités de transformation sont récapitulés au Tableau 3.

La plupart de ces entreprises sont de très petite taille: plus de la moitié des unités recensées dans les six pays pris en considération sont individuelles, et basées au domicile du ménage. Leur taille moyenne, en nombre de personnes y participant, va de 1,7 à 3,8 personnes, et moins de 10 pour cent emploient 10 ouvriers ou plus. La plupart des entreprises sont la propriété des personnes (ou des membres de la famille) qui y travaillent. Neuf travailleurs sur dix sont propriétaires de l'entreprise (eux-mêmes ou leur famille), les autres étant “employés” à titre d'apprentis, de gré à gré. Les femmes occupent la première place parmi les propriétaires, comme parmi les employés (voir Tableau 4). A la Jamaïque, par exemple, 32 pour cent des entreprises appartiennent à des femmes; en outre, leur main-d'œuvre est féminine à 30 pour cent.

Une nette distinction se dessine entre les entreprises féminines et les entreprises masculines. Les données relatives à la Zambie résumées au Tableau 5 en sont une illustration. La sculpture et la vannerie sont surtout des activités pratiquées à domicile; les femmes sont à la tête d'une grande part des entreprises de fabrication de balais, de ficelle et de corde et de transformation du bambou et de la canne, mais elles sont peu représentées dans le secteur de la menuiserie et de l'ébénisterie. Cette distinction a des conséquences importantes du point de vue de la sécurité alimentaire. comme on le verra plus loin; en effet, les activités à prédominance féminine sont en général moins rémunératrices, alors que le revenu des femmes est d'une importance cruciale pour la stabilité des approvisionnements vivriers du ménage.

TABLEAU 3 Composition du groupe des petites entreprises de transformation de produits forestiers1

 Pourcentage du nombre total des entreprises
Type d'entreprises1JamaïqueHondurasZambieEgypteSierra LeoneBangladesh
Sciage/ sciage de long  0,8  3,2  5,6    -  0,1  0,9
Menuiserie/ ameublement23,171,414,323,866,827,2
Sculpture sur bois/ bambou/cannage12,5  0,211,9    -  5,911,6
Vannerie: paniers/ nattes/chapeaux63,510,660,370,423,832,4
Autres2  0,114,6  7,9  5,8  3,427,9

1 De nombreuses petites entreprises du groupe visé ne sont pas spécialisées dans la fabrication d'un type d'article; aussi la classification dépend-t-elle de l'activité dominante ou la plus importante.
2 La catégorie “autres” comprend des activités comme la fabrication de balais au Honduras, la manufacture d'outillage agricole en Egypte, et de récipients ou sacs et d'outillage agricole au Bangladesh, ainsi que la vente du bois de feu en Zambie.
Source: Fisseha, 1987

TABLEAU 4 Résumé des caractéristiques fondamentales des petites entreprises forestières (PEF)

CaractéristiquesJamaïqueHondurasZambieEgypteSierra LeoneBangladesh
Part dans le total des PEBF (en % du total)      
Entreprises d'une personne58  596969-36
Production à domicile, pas en atelier52  728176--
Implantation rurale:      
• entreprises8810096809997
• emploi79100956596-
Part des femmes:      
• propriété32  101265-(3)
• main-d'œuvre30    61231-21
% de main-d'œuvre familiale dans:      
• m.o. totale82  518689(41)   73
• heures de travail68  57-8934-
Valeurs moyennes      
Nombre de travailleurs par entreprise2,2   2,21,71  1,9  1,8 3,8  
Investissement total (dollars E.-U.)3 030     1 055    --431  255   
Heures de travail par an et par travailleur990  1 247    1 205     1 712     2 004     836   
Valeur de la production annuelle par entreprise (dollars E.-U.)4 979    2 536    -1 501     1 384     2 362    

1 Le nombre d'heures de travail par travailleur a été estimé, dans le cas de la Zambie, sur la base d'une seule visite
Source: Fisseha. 1987

TABLEAU 5    Distribution (en pourcentage) de la main-d'œuvre dans le groupe des petites entreprises forestières (PEF), en Zambie

Sous-groupe d'entreprisesPart de la main-d'œuvre totale (%)2 Part des femmes (%)2
PropriétaireMembres de la famille1Ouvriers salariesApprentis OuvrièresPropriétaires
Sciage de long421928  11     5  4
Menuiserie/ébénisterie592313  5  1  1
Sculpture/vannerie6920391615
Autres activités manufacturières6033623948
Total activités manufacturières6421781212
Vente au détail811513  5  6
Commercialisation6025693831
Total, services6224683531
Total général6422781413

1 Les propriétaires ne sont pas inclus dans les “membres de la famille”; mais propriétaires et membres de leur famille sont désignés par l'expression “main-d'œuvre familiale”.
2 Les chiffres sont arrondis, aussi le total des pourcentages peut ne pas être égal à 100.
Source: Fisseha, Y. et J. Milimo, 1986

L'IMPORTANCE DES ENTREPRISES FORESTIERES POUR LES MENAGES RURAUX

Les informations disponibles sur la collecte et le rôle des produits forestiers sont axées soit sur les produits qui font l'objet d'échanges à l'échelon national ou international, soit sur l'inventaire des espèces ou essences utiles aux plans de la cueillette ou de la transformation. La première approche nous renseigne peu sur l'importance des produits dans l'économie des ménages ruraux. Les Tableaux 6 et 7 indiquent la valeur des productions forestières en Corée. Si les chiffres indiquent bien l'importance relative des “produits forestiers secondaires”, ils ne disent rien du nombre de personnes en pratiquant le commerce et les utilisant, ni quel revenu et quel profit les ruraux tirent de leur exploitation. En outre, ces chiffres indiquent une production minimum, les produits faisant l'objet d'un commerce strictement local échappant, en général, à la comptabilisation. Par ailleurs, les études axées sur les utilisations des produits forestiers ne fournissent presque toujours que de longues listes d'espèces qui renseignent peu les planificateurs de l'aménagement forestier.

A l'exception de l'étude réalisée par Fisseha, on ne dispose guère de données sur l'ordre de grandeur et la portée des activités génératrices de revenu basées sur la forêt. Aussi n'établissons-nous pas de comparaisons directes ni ne donnons de chiffres globaux, car les estimations, même les plus grossières, n'auraient aucune validité (on ne saurait tirer une estimation à l'échelle nationale d'une monographie réalisée au niveau de quelques villages). Ce qui suit n'est donc qu'une “mosaïque”, faite de pièces et de morceaux empruntés à la documentation, qui donne une idée générale de l'importance et de l'ordre de grandeur des activités liées à la forêt dans les économies rurales, et par conséquent dans les économies nationales.

TABLEAU 6 Valeur des produits forestiers en République de Corée, 1976

CodeClassificationValeur
(millions de Won)
Production
(pourcentage)
A.Produits primaires    
1. Bois d'œuvre et d'industrie23 130 14,73 
2. Bambou4410,28
3. Bois de feu28 15117,92
 Total A51 722 32,93 
B.Produits secondaires    
1. Fumure64 176 40,85 
2. Affouragement16 11210,26
3. Noix et fruits7 6805,00
4. Champignons4 4532,83
5. Résines3580,23
6. Liège300,02
7. Terre et pierres9 5716,09
8. Autres2 8071,79
 Total B105 367 67,07 
 Total A+B157 089 100,00 

N.B.: 1 dollar E.-U. valait sensiblement 476 Won en 1976
Source: L.W.M. Meulenhoff et Toga M. Silitonga, 1978

TABLEAU 7 Principaux sous-produits forestiers en Corée, 1967–1972, production en milliers de kilogrammes

Produit19671968Années197019711972
1969
Térébenthine1 5681 189611519689459
Liège, brut1 0301 0001 000   973768772
Champignons des pins    59   118119192  65170
Champignons des chênes  108   139160187208263
Fibre d'arrow-root1    58   174233381274204
Châtaignes1 2011 7931 734   2 333   2 789   2 905   

1 fibre “kouzou”
Source: FAO, 1982a.

Ampleur des activités génératrices de revenu basées sur la forêt

Grand nombre de produits forestiers sont collectés, transformés et commercialisés. Nous retiendrons ici quelques exemples, comme le commerce du bois de feu, la collecte du rotin, et la transformation des produits du palmier afin de mettre en lumière l'importance généralisée des activités qui dépendent des ressources de la forêt.

La caractéristique la plus importante des activités liées à la forêt est sans doute le rôle qu'elles jouent en tant que sources d'emploi rural. Dans la plupart des pays examinés par Fisseha, le groupe des activités de transformation de produits forestiers est la deuxième source d'emploi parmi les activités manufacturières rurales. L'activité manufacturière représentant à son tour la part la plus importante de l'ensemble des entreprises rurales (de 32 à 63 pour cent dans les six pays visés), les activités de transformation de produits de la forêt comptent apparemment parmi les sources de revenu non agricole les plus largement accessibles dans les zones rurales (voir Tableau 8).

Bien qu'en chiffres absolus l'effectif participant aux activités des petites entreprises forestières ne soit pas très élevé en regard de la population rurale totale, il représente une part importante des personnes ayant une activité extra-agricole. Par exemple, le chiffre estimatif de l'emploi dans le secteur informel de la transformation de produits de la forêt en Zambie (équivalant à 80.000 personnes-années) est à mettre en regard du chiffre total de l'emploi déclaré dans le pays, à savoir 365 000 personnes-années (voir Tableau 9).

Le plus grand volume d'informations sur l'importance économique des entreprises de collecte et de transformation de produits forestiers provient de l'Inde; il en ressort majoritairement que, dans la majeure partie des cas, dans les zones rurales, le revenu dérivant de la collecte et la transformation de produits forestiers est un élément clé de l'économie rurale. Le Tableau 10 donne une idée de l'effectif qui participe à la cueillette et au commerce des produits forestiers autres que le bois. Globalement, on estime qu'en Inde, plus de 30 millions de personnes prennent part à ces activités (Cecelski 1984).

Parmi ces entreprises, celles qui consistent à cueillir et transformer les graines et noix oléagineuses figurent en bonne place dans de nombreuses régions du monde. Dans les zones rurales du nord-est du Brésil par exemple, ce sont environ 450 000 ménages, soit 2 millions de personnes, qui dépendent du revenu produit par la collecte et la transformation de l'amande du palmier babassou (May et al. 1985a). De même, en Sierra Leone, dans la région de Bo, Engel et al. (1985) ont noté que 93 pour cent des agriculteurs participaient aux activités d'extraction de l'huile de palme. Les fruits du palmier à huile sont collectés dans la nature à la morte-saison agricole.

TABLEAU 8 Principales contributions économiques des petites entreprises forestières (PEF)1

ContributionsJamaïqueHondurasZambieEgypteSierra LeoneBangladesh
Emploi total (milliers)
       10,2       -137,4    -  18,0  -
Travailleurs formés (nombre)
1 663       -4 647         -  -  -
Part des PEF dans le secteur des PE:
      
• valeur ajoutée (%)    47    16-  182318
• valeur de la production (%)
    49    14-  1927  -
Rémunération nette des apports de main-d'œuvre familiale (dollars E.-U.)
2 4941 221-495371 308  
Salaire moyen en pourcentage de la rémunération de l'heure de M.O. familiale dans les PEF2
    61    64-  856362
Taux d'amortissement des investissements dans les PEF (%)
      33,0       41,7-     27,5   32,2   54,2

1 Les montants (tous exprimés en dollars) et le nombre d'apprentis formés sont indiqués sur une base annuelle.
2 La “rémunération de l'heure de main-d'œuvre familiale dans les PEF” est calculée avant déduction du coût d'opportunité de la main-d'œuvre familiale.
Source: Fisseha, 1987

TABLEAU 9 Distribution des entreprises et de l'emploi dans le groupe des petites entreprises forestières, en Zambie1

Type d'entrepriseEntreprises Emploi
NombrePourcentageNombrePourcentageEmployés/ entreprise
1. Vannerie31 474 56,6  52 041 54,7 1,65 
2. Menuiserie/ébénisterie7 46713,412 78313,51,71
3. Sculpture6 21711,27 5487,91,21
4. Sciage de long2 9375,39 92510,43,38
5. Bois de feu2 1473,94 3504,62,03
6. Extraction forest.1410,21410,21,00
7. Garnissage50    50    1,00
8. Scieries20    20    1,00
9. Autres activités manufacturières1 8193,32 8063,01,54
Total activités manufacturières52 209 94,0  98 606 94,3 1,72 
10. Commerce de détail410 0,7  514 0,5 1,25 
11. Vente2 9475,34 9135,21,67
Total services3 357 6,0  5 427 100 1,62 
Total général55 566 100  95 033 100 1,71 

1 A compter de la section «Définition des liens entre foresterie et nutrition humaine» l'étude sur les petites entreprises forestières regroupe vente et commerce de détail en une seule catégorie. “services”.
Source: Fisseha, Y. et J. Milimo, 1986

Le commerce du rotin brut offre un autre exemple d'activité basée sur les produits forestiers autres que le bois; la valeur estimative des échanges se monte à 50 millions de dollars par an pour l'Asie du Sud-Est (IDRC 1980). La collecte du rotin et sa transformation sont des activités importantes à l'échelon villageois dans toute la région. Le nombre effectif des personnes y participant n'est pas connu, mais on l'estime à au moins un demi-million (IDRC 1980). En Malaisie, le Département des forêts tire plus de 100 000 dollars par an des taxes et redevances qu'il perçoit sur l'extraction de rotin (Salleh Modh. Nor 1987). Le rotin est une source de recettes en devises, et en tant que tel il est abondamment exploité dans beaucoup de régions (en Thaïlande par exemple, il est considéré comme le produit forestier le plus important [Poudyal 1985]).

A mesure que les populations urbaines croissent et que le bois de feu se fait plus rare au voisinage des villes, son commerce gagne en importance pour beaucoup d'habitants ruraux. Agarwal (1986) estime qu'en Inde, 2 ou 3 millions de personnes dépendent économiquement du commerce du bois de feu, et gagnent en moyenne 5,50 roupies par jour pour une charge de 20 kg, transportée sur la tête. La collecte de bois de feu est aussi une activité commerciale importante dans certaines zones rurales de Sierra Leone. Chez les Bo par exemple, plus de la moitié du bois collecté est vendue, soit 122,8 tonnes par an sur un total de 229,7 tonnes (Kamara 1986) (voir Tableau 10).

TABLEAU 10 Distribution en pourcentage des quantités de bois de feu collectées, consommées et vendues annuellement par ménage et par catégorie de main-d'œuvre

Catégorie de main-d'œuvreMoyenne annuelle des journées par ménageQuantité totale collectée par ménage (kg)Pourcentage de la quantité totale collectéeQuantité totale consommée par ménage (kg)Pourcentage de la quantité totale consomméeQuantité totale vendue par ménage (kg)Pourcentage de la quantité totale vendue
1. Bo, milieu rural
Hommes9,5 1 283,7 16,8 274,4 7,4 1 009,4 24,7 
Garçons2,0186,52,460,41,7126,13,1
Femmes35,25 566,172,72 809,778,92 756,567,3
Filles5,7619,58,1418,511,7201,04,9
Ensemble52,47 655,8100,03 562,9100,04 092,9100,0
2. Makeni, milieu rural
Hommes10,3 1 282,5 16,2 225.8 6,5 1 056,7 23,9 
Garçons2,0261,33,3228,86,632,50,8
Femmes40,25 497,369,62 296,365,93 201,072,5
Filles6,7858,310,9734,421,0123,82,8
Ensemble59,37 899,3100,03 485,3100,04 414,1100,0

Source: Kamara 1986 (adaptation)

On dispose de peu de données comparatives sur l'emploi dans les petites entreprises forestières. Néanmoins, nombreux sont les auteurs qui ont tenté de quantifier la participation des populations au commerce et à la transformation des produits forestiers autres que le bois. Un choix de données est présenté ci-après au Tableau 11.

Une étude portant sur les petites entreprises de la région de Rufiji, en Tanzanie, illustre l'importance des activités basées sur la forêt dans cette zone et met en évidence les différents revenus que procurent ces diverses activités (Havnevik 1980). Dans cette région, plus de la moitié des personnes travaillant au sein de petites entreprises, ont une activité en rapport avec la forêt (voir Tableau 12). Au total 9 417 personnes prennent part à des activités d'extraction ou de cueillette, comme la collecte de miel ou la coupe de mangroves, tandis que 26430 personnes travaillent dans des entreprises de transformation ou de fabrication artisanale, comme la confection de nattes ou la menuiserie.

Les données relatives à l'emploi dans les activités basées sur la forêt suggèrent qu'un fort pourcentage de la population y trouve une part appréciable de ses moyens d'existence. En revanche, si l'on examine la rémunération de la main-d'œuvre par catégorie d'activité (voir Tableau 13), on constate que pour beaucoup de personnes ce travail est une solution de dernier recours. On estime que les revenus de la menuiserie et de la sculpture représentent près du double du salaire minimum agricole, tandis que la rémunération de la construction fabrication de canots et du sciage lui est à peine supérieure. Dans les activités comme la vannerie (nattes et paniers) et la fabrication de lits, la rémunération est d'environ un tiers du taux minimum agricole (voir Tableau 13).

TABLEAU 11 Estimations de la participation des ménages aux activités d'origine forestière

Source (pays)Effectif estimatif des personnes participant à des entreprises forestières
Van Buren, 1982 (Inde)25 pour cent du bois de feu utilisé est vendu dans le commerce, et non moins de 15 millions de personnes s'adonnent à plein temps à ce commerce.
Agarwal, 1986 (Inde)2 à 3 millions de personnes dépendent économiquement du commerce du bois de feu, et gagnent en moyenne 5,50 roupies/jour/20 kg.
Surin et Badhuri, 1980 (Chotanagpur, Inde)Les ventes de bois de feu sont une source de revenu importante pour 70 pour cent des ménages vivant dans les zones forestières.
Hunter, 1981 (Madhya Pradesh)La collecte des feuilles de Tendu (Diospyros melanoxylon) pour la confection des gaines des cigarettes “bidies” emploie 10 millions de personnes à temps partiel à la morte-saison des travaux agricoles, et procure à l'Etat quelque 40 millions de dollars de recettes.
Tewari, 1982 (Inde)La collecte des feuilles de Tendu assure environ 90 jours de travail à 7,5 millions de personnes: trois autres millions de personnes participent à la manufacture des bidies; trois millions de personnes participent à la production de laque (résine); 735 000 personnes tirent un revenu de la sériciculture (élevage du ver à soie); 550 000 personnes travaillent dans les entreprises de transformation du bambou.
Jha et Tha, 1985 (Inde)126 000 ménages (dont 100 000 du Bihar) participent à la production de soie naturelle Tassar.
Blair, 1983 (Kerala)Plus de 300 000 personnes font de la vannerie à partir de roseaux.
Jalal-ud-Din, 1984 (N.-O. du Pakistan)Plus de 3 000 familles s'adonnent à la sériciculture, et la vente des cocons produit plus de 3 millions de roupies (la majeure partie de la récolte est achetée par le Département des forêts).
Fisseha, 1987 (Zambie)25 000 personnes participent au commerce du bois de feu. On compte plus de 52 000 petites entreprises de transformation basées sur la forêt, qui emploient 137 400 personnes.
(Sierra Leone)
(Jamaïque)
18 000 personnes sont actives dans les PBF.
10 200 personnes sont actives dans les PBF.
Marks et Robbins, 1984 (Zambie)48 000 personnes participent à la production de charbon de bois (dont 36 000 à temps partiel, comme fabricants ou marchands);
11 500 personnes pratiquent l'apiculture;
96 000 personnes tirent un revenu de la fabrication d'objets d'artisanat.
Johnson et Blair, 1985 (N.-E. du Brésil)La collecte de produits forestiers s'inscrit dans le cycle de l'activité agricole. En 1980, on a cueilli 18 300 tonnes de noix de cajou et récolté 18 000 tonnes de cire des feuilles du palmier carnauba.
Saadallah, 1978 (Tunisie)Le commerce des produits forestiers secondaires procure 270 000 journées de travail par an.
Chetty, 1985 (Kolar, Inde)La collecte de gomme représente 300 000 journées de travail par an. On compte environ 50 000 petites entreprises de transformation basées sur la forêt.
20 000 personnes participent à la cueillette du bambou pour les PBF locales.
Jambulingam, 1986 (Tamil Nadu, Inde)La collecte, la transformation et le commerce des produits du palmier Borassus flabelliformis (sucre, vin et produits artisanaux) sont le fait de 28 000 ménages et produisent 120 millions de roupies/an.
Kulkarny, 1983 (Inde)On estime que 30 millions de personnes tirent une partie de leur revenu des produits forestiers.
Rao et al., 1978 (Inde)Plus de 80 000 tonnes de fruits de myrobalan (pour la production de tannin) sont cueillies annuellement par les agriculteurs et les groupes tribaux, et 150 000 tonnes d'autres produits à tannins sont aussi collectées. Les travailleurs gagnent de 0,25 à 0,50 roupies/kg pour le fruit, et de 0,25 à 0,40 roupies/kg pour les écorces à tannin.
Moby-Etia, 1982 (Bos-Wouri, Cameroun)La production de vin de palme apporte un revenu à quelque 20 000 personnes de la région (environ 6000 tonnes par mois commercialisées)
Service des forêts, 1982 (Sénégal)Environ 700 000 litres de vin de palme sont commercialisés chaque année.
Engel et al., 1985 (Bo, Sierra Leone)60 pour cent des ménages agricoles de la région transforment le fruit et l'amande du palmier à huile pour la vente.
Kaye, 1987 (Côte d'Ivoire)Environ 65 000 personnes pratiquent la vannerie en rotin à temps partiel, et 1500 à plein temps.
Shiembo, 1986 (S.-O. du Cameroun)3 600 personnes participent à la transformation du raphia et du rotin dans la région.

Source: compilé par les auteurs

TABLEAU 12 Distribution de l'emploi dans les entreprises artisanales de transformation ou d'extraction du district de Rufiji, en Tanzanie

Type d'activitéHommesFemmesTotal pour la région
 
Transformation      
 
Menuiserie et travail du bois2 761 - 2 761 
Construction de canots881-881
Vannerie: nattes78912 17712 966
paniers
9787371 715
Huile de coco4204 2954 715
Travail du chaume2 6441622 806
Raphia57610586
 
Extraction      
 
Collecte de miel450 - 450 
Coupe de mangroves3 098-3 098
Extraction de bois262-262
Carbonisation5 0115965 607
Total activités basées sur la forêt17 87017 97735 847
Autres activités artisanales110 3484 53214 880
Total, activités artisanales28 21822 50950 727

1 Y compris toutes les activités non basées sur la forêt, comme forge, maçonnerie, couture, fabrication de sucre, production de sel, meunerie, réparation de bicyclettes et pêche.
Source: Havnevik, 1980

Les activités les plus rémunératrices sont celles qui sont les mieux intégrées au marché. L'auteur estime que les activités les moins bien rémunérées sont celles qui répondent à des besoins domestiques de base. Il est particuliérement important de noter que la majorité des femmes participant au secteur de la transformation travaillent dans les branches les moins bien rémunérées, comme la confection de nattes. En outre, dans les activités à participation tant masculine que féminine, les hommes ont tendance à produire pour le marché, tandis que les femmes se cantonnent à la production pour les besoins du ménage (leur main-d'œuvre est donc moins bien rémunérée).

Dans le District de Rufiji, les entreprises d'extraction (carbonisation, coupe de mangroves) sont génératrices d'une rémunération relativement élevée de la main-d'œuvre, signe qu'elles sont essentiellement à vocation commerciale. De fait, ces deux activités comptent parmi les six sources principales de revenu provenant des petites entreprises (voir Tableau 14). En 1979, les recettes de la production de charbon de bois dans le District ont été égales à celles des ventes de produits agricoles aux différents bureaux d'achat des récoltes. L'importance relative des différentes activités varie d'une zone à l'autre, en fonction de l'accès aux marchés.

Il convient de souligner que les activités basées sur la forêt ont un potentiel de génération de revenu très variable. Dans bien des cas, la rentabilité n'est que marginale. Les constatations de Liedholm et Mead (1986) font écho aux observations basées sur la situation à Rufiji. Les rares observations dont on dispose sur la question suggèrent que la rémunération des apports de main-d'œuvre familiale est en général supérieure en menuiserie que dans des activités comme la confection de nattes et de paniers (voir Tableaux 13 et 15). En outre, la mesure dans laquelle la production est liée au marché semble modifier sensiblement la rentabilité des opérations (voir Tableau 14). Ainsi. l'accès au marché apparaît être un déterminant essentiel de la rentabilité des différentes activités basées sur la forêt.

TABLEAU 13 Distribution des activités artisanales par catégorie de rémunération de la main-dœuvre, District de Rufiji, Tanzanie

 Catégories de rémunération de la main-d'œuvre et classement des activités artisanales
I
jusqu'à 1 sh.
II
de 1 à 2 sh.
III
de 2 à 3 sh.
IV
3 sh. et plus
Productions artisanales:lits en bois mortier nattes vannerie (paniers)sciage canots maçonnerie poterie sel cordonnerie filets de pêcheforge menuiserie sculpture canots couture huile de coco réparation cyclesréparation horlogère autres activités spécialisées
Rémunération horaire moyenne de la catégorie0,48 sh1,51 sh2,45 sh5,91 sh
Revenu mensuel potentiel (8 heures par jour), 26 jours (208 heures/mois)99,84 sh314 sh510 sh1 229 sh
Nombre de participants effectifs16 0725 8666 30560
Pourcentage du total des participants effectifs56,820,722,30,2

Source: Havnevik, 1980 (adaptation)

TABLEAU 14 Intégration au marché des activités d'artisanat et d'extraction des diverses zones agro-économiques du district de Rufiji, en Tanzanie

 Activités d'extraction Artisanat
Zone agro-économiquePêcheCharbon de boisNoix de coco Coupe de mangrovesArtisanats diversSelMenuiserie et sciage
Mont du Nord-1- 3--
Vallée Ouest2-----
Plaine inondable Nord23----
Plaine inondable Sud1----5
Delta intérieur Nord36524-
Delta intérieur Sud25---4
Delta Nord4-215-
Delta Sud6-412-

Les chiffres indiquent des chevauchements entre le groupe des principales activités génératrices de revenu en espèces pour l'ensemble du district (pêche, charbon de bois, coupe de mangroves, huile de coco, sel, et menuiserie/sciage) et celui qui réunit les activités les plus importantes au plan de la participation, dans chaque zone agro-économique. Les rangs 1 à 6 sont attribués en fonction de la participation (proportion de la population se consacrant à l'activité). Le rang l est donné à l'activité la plus importante sous l'angle de la participation. Les chevauchements nombreux et le rang élevé des activités en chevauchement marquent un degré élevé d'intégration de la zone dans le marché.
Source: Havnevik, 1980

Les conséquences pour la sécurité alimentaire des ménages ne sont pas claires. Comme les femmes sont majoritaires dans les activités artisanales, il apparaît que l'alimentation des ménages pourrait souffrir, car c'est le revenu des femmes qui est le plus étroitement lié au bien-être nutritionnel. Par ailleurs, les avantages tirés de la production d'articles répondant à des besoins ménagers (ce qui est souvent le cas des fabrications artisanales) peuvent permettre de consacrer les recettes en espèces du ménage à d'autres produits de première nécessité, aux vivres notamment. Quoiqu'on ne dispose pas d'assez d'éléments pour en évaluer les effets sur la sécurité alimentaire, il est évident que certaines activités d'origine forestière sont plus rémunératrices et plus sûres que d'autres.

TABLEAU 15 Rémunération horaire nette de la main-d'œuvre familiale et rentabilité dans les petites entreprises1 (dollars E.-U./heure)

SECTEURJamaïque Honduras Egypte Sierra Leone Bangladesh
Rémun.RentRémun.Rent.Rémun.Rent.Rémun.Rent.Rémun.Rent.
 
Bois3,68+ 0.60+ 0.39+ 0.63+ 0,16+
Mobilier4,55+0.60+0.96+0.63+0,16+
Artisanat0,21-  SOSO  0.04-  SOSO    SOSO  
 
Alimentation0,50- 0.64+ 0.48+ 0,81+ 0,15+
Boulangerie2,34+0.64+  SOSO  0.81+0,45+
Autres-0,42 -  SOSO  0.48+  SOSO  0,11-
 
Textiles1,14+ 0,21- 0.22+ 0,52+ 0,10-
Confection0,92+0.78+0.55+0,50+0,21+
Vannerie/nattesSO2SO     SOSO  0.11-  SOSO    SOSO  
 
Minéraux non métalliques5,98+ 1,58+ 9.87+   SOSO     SOSO  
Réparations5,40+2,54+  SOSO  +1,45+  SOSO  
 
Ensemble des petites entreprises$2,71  + $0,51  + $0,38  + $0,57  + $0,16  +
 
Rénumération horaire virtuelle3$0,84    $0,36    $0,18    $0,17    $0,12   

1 La rémunération horaire nette de la main-d'œuvre familiale a été calculée en soustrayant de la valeur ajoutée les coûts de la main-d'œuvre extérieure salariée, ainsi que l'amortissement annuel du capital évalué au taux d'intérêt virtuel (soit un facteur de reconstitution du capital). Ces taux d'intérêt virtuels sont les suivants: Jamaïque 20%, Honduras 20%, Egypte 10%, Sierra Leone 20% et Bangladesh 20%. Le numérateur a ensuite été divisé par le nombre total d'heures de travail de la main-d'œuvre familiale. La rémunération horaire qui en résulte est donc à comparer au coût virtuel de la main-d'œuvre, et met en relief sa valorisation eu égard à sa rareté. Si la rémunération est supérieure au coût virtuel de la main-d'œuvre, alors l'activité peut être considérée comme économiquement viable. La rentabilité s'obtient en soustrayant de la rémunération familiale nette la valeur imputée aux apports de main-d'œuvre familiale, évalués à leur coût virtuel. Une activité marginale générerait un profit économique nul.
2 SO = sans objet (aucune entreprise dans la classe)
3 La rémunération “virtuelle” correspond au salaire horaire dominant des ouvriers des petites entreprises.
Source: MSU Survey Data (Liedholm et Mead, 1986)

La contribution du revenu des activités basées sur la forêt au budget des ménages

L'un des principaux avantages de ces petites entreprises, par rapport aux entreprises de plus grande taille (et notamment de celles qui sont tournées vers l'exportation), est que les bénéfices en reviennent directement aux ménages ruraux, leur fournissant des revenus en espèces d'une importance capitale. Souvent, un pourcentage significatif du revenu total du ménage (ou du moins du revenu en espèces) provient des activités basées sur la forêt. Dans le nord-est du Brésil par exemple, May et al. (1985a) constatent que pendant la saison où l'on récolte les fruits du babassou, c'est en moyenne 34,8 pour cent du revenu total du ménage (revenu en nature compris) que procurent les activités de collecte et de transformation de l'amande de ce palmier (voir Tableau 16).

Une étude réalisée dans les zones rurales du Sierra Leone fournit un autre exemple de l'importance des activités basées sur la forêt pour les ménages ruraux: 18,6 pour cent des agriculteurs considèrent les activités non agricoles (y compris transformation, collecte du bois de feu, chasse, pêche, fabrication de vin de palme, artisanat et construction) comme les plus importantes sous l'angle des apports de main-d'œuvre et des bénéfices pour le ménage. Quatorze pour cent des autres personnes estiment que ces activités viennent au deuxième rang après l'agriculture (Engel et al. 1985).

TABLEAU 16 Revenu hebdomadaire par personne en fonction de la source: moyenne sur 75 ménages de trois Municípios du Maranhão, octobre-décembre 1983

SourceEspèces Autre qu'en espèces Total
cruzeiros1%cruzeiros%cruzeiros%
Babassou59739,7 21726,0    814  34,8
Autre que babassou90660,361774,01 523  65,2
Total1 503    64,383435,72 337100,0

1 Au cours de la période considérée le taux de change moyen était de 1000 cruzeiros pour 1 dollar E.-U.
Source: May, P.H. et al., 1985 a. Agroforestry Systems 3.

L'étude faite par Kamara dans les zones rurales du Sierra Leone fait apparaître que la collecte et le commerce du bois de feu sont des sources importantes de revenu pour les agriculteurs. Les recettes moyennes des ménages provenant des ventes de bois de feu s'établissaient à 56 Le dans une région, et à 27,5 Le dans une autre. Ces chiffres sont à comparer au revenu de la riziculture mixte de plateau, à savoir respectivement 123,5 et 126,3 Le (voir les Tableaux 17 et 18). En pays Bo, où les ventes de bois de feu sont plus lucratives, le revenu de l'équivalent journée de travail pour le ramassage du bois de feu (1,07 Le) n'est que légèrement inférieur à celui de la riziculture de plateau (1,64). Il est évident que dans ces régions, les ventes de bois de feu contribuent notablement au revenu global des ménages.

Le revenu procuré par les activités de collecte et de transformation des produits forestiers est d'une importance particulièrement critique pour les populations rurales pauvres. Dans ces ménages, le revenu tiré de la forêt a souvent une part notable dans le budget total (voir Tableau 19). Cecelski (1984) conclut qu'au Botswana, les activités de cueillette sont plus importantes pour les pauvres au plan économique que ne l'est l'agriculture. Au Ghana, dans les zones frappées par la sécheresse aux environs d'Accra, la carbonisation du bois des terres agricoles en jachère est la seule source de revenu de certains ménages (Cecelski 1984).

Une enquête réalisée dans des villages des Philippines par Siebert et Belsky (1985) a montré que plus de la moitié des villageois tirent un revenu de leurs ventes de bois d'œuvre et de rotin. Pour le tiers le plus pauvre des villageois, les ventes de rotin constituent une source majeure de revenu (voir Tableau 19). Le revenu des activités de cueillette des produits forestiers est d'autant plus important que les ménages sont plus pauvres; 79 pour cent des ménages les plus pauvres ont des activités basées sur la forêt, contre 41 pour cent des ménages plus aisés. Les collecteurs de rotin gagnent presque deux fois plus que les ouvriers agricoles (20 à 25 pesos par jour, contre 10 à 15). Sur une année, Siebert et Belsky estiment que les villageois ont extrait de la forêt 48 000 perches, soit la contrevaleur de 72 000 pesos (6 400 dollars).

TABLEAU 17 Analyse comparative de la rémunération des apports de main-d'œuvre pour la collecte du bois de feu et la conduite des exploitations mixtes traditionnelles de riz de plateau (Bo rural)

 BO, MILIEU RURAL
Collecte du bois de feu  Exploitation mixte traditionnelle de riz de plateau
Nombre de ménages 30    Taille moyenne exploitation(acres)5,52
Equivalent total en heures travail de M.O. familiale 12 580,5  Equivalent heures de travail de M.O. familiale/acre 602    
Investissement par ménage  Investissements  
Outillage(Le)1,93Outillage(Le)4,00
Terre(Le)-     Terre(Le)-     
Total partiel(Le)1,93Total partiel(Le)4,00
Coûts d'exploitation par ménage  Coûts d'exploitation  
Coûts totaux(Le)1,93Semences et M.O. salariée(Le)72,86
   Coûts totaux(Le)72,86
Produits  Produits  
Quantité totale BDF collecté(tonnes)229,7  Valeur tot. product.1(Le)200,36
Quantité BDF vendu(t)122,8  Valeur totale nette prod.(Le)123,50
Quantité BDF consommé(t)106,9  Valeur nette/acre(Le)22,37
Valeur BDF vendu(Le)1 682,22Valeur nette/jour(Le)1,64
Valeur totale nette BDF vendu(Le)1 600,29Valeur nette/heure(Le)0,21
Valeur nette des ventes/ménage(Le)56,00   
Valeur nette des ventes/équiv. jour. travail(Le)1,07   
Valeur nette des ventes/équiv. heure travail(Le)0,13   
Valeur nette des ventes par tonne(Le)13,68   

1 Comprend la valeur des autres productions associées au riz
BDF = bois de feu
Source: Kamara, 1986

Dans une autre étude sur les Philippines, Connelly (1985) constate que le revenu tiré de la collecte du rotin et du copal (résine d'Agathis dammara) était régulièrement supérieur à celui du travail salarié agricole (en moyenne 15 pesos par jour, contre 10 pesos). Connelly rapporte que la collecte du rotin et du copal, qui était auparavant saisonnière dans la zone considérée, se pratique désormais toute l'année et absorbe chaque jour plus de 10 pour cent du temps de travail des hommes (soit l'équivalent de 40 journées de travail par an).

Dans un travail intéressant sur les Batek, habitants de la forêt en Malaisie, Endicott (1980) rapporte que la collecte du rotin est l'activité qui absorbe la majeure partie du temps des hommes, et fournit le principal produit échangé contre le riz. Le commerce du rotin procure plus de nourriture (si l'on mesure la quantité de vivres obtenue par unité de temps consacré à chaque activité) que la chasse ou la cueillette (voir Tableau 20). Dans certaines zones de l'Indonésie, Weinstock (1983) a constaté que le rotin avait été intégré dans les systèmes de jachère des agriculteurs itinérants. Les jardins, longtemps tenus en jachère, donnent environ 3 tonnes de rotin (soit l'équivalent de plusieurs milliers de dollars de revenu), mais les pressions économiques poussent les agriculteurs à vendre leur rotin prématurément, malgré le manque à gagner que cela représente.

TABLEAU 18 Analyse comparative de la rémunération des apports de main-d'œuvre pour la collecte du bois de feu et la conduite des exploitations mixtes traditionnelles de riz de plateau (Makeni rural)

MAKENI, MILIEU RURAL
Collecte du bois de feu  Exploitation mixte traditionnelle de riz de plateau
Nombre de ménages 30    Taille moyenne exploitation(acres)5,97
Equivalent total heures travail de M.O. familiale 14 230,0 Equivalent heures de travail de M.O. familiale/acre 706     
Investissement par ménage  Investissements  
Outillage(Le)1,60Outillage(Le)3,40
Terre(Le)-     Terre(Le)-     
Total partiel(Le)1,60Total partiel(Le)3,40
Coûts d'exploitation par ménage  Coûts d'exploitation  
Coûts totaux(Le)1,60Semences et M.O. salariée(Le)68,70
   Coûts totaux(Le)72,10
Produits  Produits  
Quantité totale BDFcollecté(tonnes)237,0  Valeur tot. product.1(Le)198,40
Quantité BDF vendu(t)132,4  Valeur totale nette prod.(Le)126,30
Quantité BDF consommé(t)104,6  Valeur nette/acre(Le)21,15
Valeur BDF vendu(Le)825,00Valeur nette/jour(Le)1,43
Valeur totale nette BDF vendu(Le)823,40Valeur nette/heure(Le)0,18
Valeur nette des ventes/ménages(Le)27,45   
Valeur nette des ventes équiv. jour. travail(Le)0,46   
Valeur nette des ventes équiv. heure travail(Le)0,06   
Valeur nette des ventes par tonne(Le)6,22   

Comprend la valeur des autres productions associées au riz
BDF = bois de feu
Source: Kamara, 1986

TABLEAU 19 Utilisation des produits forestiers par classe d'autosuffisance en riz1 (en pourcentage)

 Utilisation par classe d'autosuffisance en riz du ménage3
Activité forestière2Faible
(n-14)
Moyenne
(n-17)
Elevée
(n-22)
Total
(n-63)
Collecte du rotin5737  932
Emploi comme ouvrier forestier43333637
Soit rotin, soit ouvrier forestier79484152

1 L'autosuffisance en riz mesure l'aptitude d'un ménage à satisfaire ses besoins de consommation par la riziculture (irriguée ou pluviale, comme propriétaire-exploitant ou métayer).
2 Au moins un adulte du ménage (15 ans et plus) collecte du rotin chaque semaine ou s'embauche comme ouvrier salarié quand l'occasion se présente.
3 Faible: pas de production de riz: Moyenne: autosuffisance jusqu'à 50 pour cent: Elevée: autosuffisance supérieure à 50 pour cent. L'autosuffisance en riz permet d'evaluer la situation économique du ménage.
Source: Siebert et Belsky, 1985

TABLEAU 20 Contribution des hommes et des femmes aux apports énergétiques au sein des ménages

 Valeur énergétique par grammeApport énergétique fourni par les hommesApport énergétique fourni parles femmes
Chasse, à la sarbacane1,9784 698,1     0      
Chasse, autre1,9227 614,3    5 606,9  
Rat des bambous1,97 690,0792 070,24
Poisson1,018 305,28  16 384,86
Tubercules1,0695 414,5    1 373 917,5  
Autres végétaux0,327 069,75  41 840,64
Miel 2,86661 568,10  95 175,65
Vivres achetés13,62 490 907,30  880 124,4  
Total-4 913 267,2    2 415 120,0  

1 Les vivres achetés proviennent en totalité de la collecte du rotin.
Source: Endicott, 1980

Rats de Gambie géants (Cricetomys gambianus)

La chasse et le commerce du gibier sont des activités forestières très lucratives. Au Pérou, un chasseur de lièvres gagne facilement 1 350 dollars par mois, alors que le salaire de l'ouvrier agricole n'est que de 100 dollars. Au Ghana, l'aulacode (un gros rongeur) se vend au moins 200 cedis dans les zones rurales, mais atteint entre 700 et 3 400 cedis à Accra (à titre de comparaison, le salaire minimum journalier est de 90 cedis); l'agriculteur-chasseur peut gagner davantage en chassant qu'en cultivant. La production agricole vaut par la diversité de ses produits et par la sécurité que représentent les terres cultivables (elles peuvent par exemple garantir des emprunts) (Asibey 1986). Ntiamoa-Baidu (1987) note que beaucoup de femmes rurales du Ghana tablent sur le commerce de détail de la viande de brousse. Ainsi, les activités basées sur la forêt, la chasse notamment, sont souvent des sources de revenu essentielles pour beaucoup de ménages.


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