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3. Préparation d'une évaluation rapide

C'est là une étape capitale de l'évaluation rapide, mais elle est souvent bâclée. Seul le travail sur le terrain doit être “rapide”; il ne saurait en être de même de sa préparation. L'évaluation doit être programmée plusieurs mois à l'avance et quelqu'un, consultant ou membre du département des forêts, doit être chargé (et rémunéré en conséquence) de s'assurer que la collecte de renseignements préalable au travail de terrain est faite dans les règles. Cette précaution améliore grandement la qualité de l'évaluation.

CHOIX DE LA ZONE D'EVALUATION: REPRESENTATIVITE FONCIERE

L'évaluation rapide doit nécessairement se borner à une zone pouvant être couverte en quelques semaines, et aussi représentative que possible. La zone d'évaluation peut ne s'étendre que sur quelques kilomètres carrés aux abords d'une communauté déjà choisie comme zone pilote, ou porter sur plus de 250 km2. Lorsque l'évaluation a pour objet de sélectionner un lieu où entreprendre des activités de projet, on évitera tout d'abord de la confiner à un site atypique ou trop spécifique, non représentatif de la zone où doit être conduit le projet. En foresterie communautaire, la zone évaluée doit être représentative du point de vue écologique ou agroclimatique. Mais elle doit aussi être représentative au plan foncier. L'est-elle vraiment? En général, si la zone est ethniquement uniforme et si un système d'exploitation agricole à peu près standard domine partout, il y a de bonnes chances que les règles de tenure y soient raisonnablement uniformes. Mais si la zone visée présente plusieurs groupes ethniques, il faut prendre pour hypothèse de travail que les systèmes fonciers présenteront des variations marquées. Ces systèmes sont un produit culturel autant qu'une donnée écologique, et l'effort d'évaluation doit porter sur chacune des zones ethniques. De même, si plusieurs systèmes de production agricoles sont représentés dans une zone de projet par ailleurs uniforme, leur diversité peut être un indice de variations dans les phénomènes fonciers. Par ailleurs dans une zone apparemment uniforme, l'accès aux marchés peut avoir un effet diversificateur, les terres les plus proches d'un marché pouvant être traitées différemment des autres. Cette variabilité peut être décelée en axant l'évaluation sur une bande prenant son origine à proximité du facteur décisif de l'accès aux marchés - ville, route ou ligne ferroviaire - et s'étendant vers une périphérie de plus en plus lointaine. Ces questions sont d'un maniement plus facile pour les projets forestiers d'ampleur relativement modeste, comme ceux qu'exécutent souvent les ONG. Elles sont en revanche plus complexes à traiter à l'échelle d'un programme géographiquement plus ambitieux, portant sur plusieurs provinces, comme ceux qu'administre la FAO. Dans ce dernier cas, la tâche est immense pour ne serait-ce que découvrir toute la diversité que recèle la zone du projet, et les questions soulevées ici doivent être élucidées dans un échantillon de communautés particulières.

Il est parfois extrêmement difficile de parvenir à une représentation valable de la situation foncière. Bien que le fait soit inhabituel, il arrive que des différences foncières importantes se manifestent entre villages voisins, en raison de la date d'installation des occupants sur les terres (par exemple clan installé relativement récemment sur les terres d'un clan voisin et ne jouissant de ce fait que de droits subsidiaires), ou de l'adoption non uniforme d'un système de droit religieux, ou encore parce que certaines collectivités locales ont “légiféré” pour régler des problèmes ou des besoins nouveaux. Il faut toujours être conscient de l'éventualité de telles différences, et ne jamais postuler l'uniformité.

SOURCES POSSIBLES D'INFORMATIONS SUR LES SYSTEMES FONCIERS

Admettons que les systèmes fonciers soient relativement uniformes dans la zone d'évaluation. L'intérêt du dépouillement de la documentation existante sur les systèmes fonciers peut être immense, mais les résultats seront souvent aussi inégaux que la qualité de la littérature en la matière. Bohannan écrivait voici quelques dizaines d'années que rien n'avait donné lieu à autant de mauvaise prose que les systèmes fonciers. Déclaration bien générale mais pas sans fondement, surtout en ce qui concerne les régimes fonciers dans les pays en développement, qui ont fait l'objet de travaux de qualité fort inégale. Si la documentation offre parfois des références spécifiques aux droits sur les arbres - voire des joyaux comme l'ouvrage de T.A. Leach sur les droits se rapportant aux palmiers dattiers en bordure du Nil dans le nord du Soudan (1919), dont nous donnons un extrait plus loin-, ce n'est pas habituellement le cas. Le plus souvent on cherchera à commencer par une bonne description anthropologique ou ethnologique du système foncier, si elle existe. Quel âge une bonne référence peut-elle se permettre d'afficher? Cela dépend beaucoup de sa qualité. Certains classiques vieillissent bien, mais la “coutume” n'est pas statique, et si des changements importants dans l'environnement économique et social sont intervenus, il conviendra de se montrer prudent vis-à-vis de tous les travaux datant de plus de dix ans. Bien entendu aucune source ne saurait être acceptée sans discrimination, et sans vérification sur le terrain. Mais si on trouve des sources qui paraissent fiables, on pourra échapper à un gros handicap et commencer à sérier les questions à contrôler avant de se lancer sur le terrain.

Les rapports de projets antérieurs dans la zone peuvent aussi être utiles, mais ils sont parfois difficiles à obtenir. Il est de plus en plus rare qu'une équipe d'évaluation rapide soit la première à faire ce genre de travail dans une région quelconque. Souvent des rapports poussiéreux subsistent sur les rayonnages des ministères concernés. Parfois une administration tenace soumet une idée de projet à un deuxième ou un troisième donateur potentiel, et des documents très récents établis par d'autres bailleurs d'assistance sont là, prêts à servir. Toute cette documentation devrait être réunie à l'avance par l'organisme local qui monte l'évaluation rapide ou la commandite.

LEGISLATION NATIONALE ET REALITE

L'écart qui sépare ce que suggère la législation nationale et la situation de fait sur le terrain est souvent considérable. Le passage suivant, emprunté à Noronha et Lethem, illustre parfaitement ce fait. Nombreuses sont les lois agraires de pays du tiers monde à avoir eu des effets bien différents de ceux qu'escomptaient leurs auteurs. Ailleurs, la loi peut être restée lettre morte et n'a d'autre réalité que d'avoir un jour paru au Journal officiel. C'est là en général le résultat d'un excès d'ambition: l'Etat affirme ses droits sur la terre sans avoir l'autorité voulue pour les faire valoir, en laissant donc le contrôle au pouvoir coutumier, dont l'autorité est néanmoins réduite. Parfois un système juridique tiers, comme le droit coranique, intervient en sus. La confusion qui règne au plan normatif peut ouvrir une brèche à l'innovation, mais elle est plus souvent source d'insécurité. Le problème que posent les conflits de régimes juridiques a récemment été mis en évidence dans le rapport d'un groupe de travail sur l'agroforesterie et les régimes fonciers en Asie, dont nous donnons plus loin un extrait.

Il est néanmoins important d'être au courant des dispositions fondamentales de la législation nationale pertinente: lois de base sur la propriété, sur l'enregistrement des terres au cadastre, et code forestier. D'une part, nonobstant ce qui vient d'être dit, cette législation peut avoir exercé des effets dans la zone concernée, surtout si celle-ci est proche d'un grand centre urbain ou a déjà fait l'objet d'efforts de développement. Nombre de pays ont promulgué dans les années 60 des réformes foncières qui ont une incidence sur les droits fonciers et forestiers, et qui peuvent être en passe de devenir applicables, si elles ne le sont déjà, dans la zone du projet. Celui-ci même est susceptible d'attirer l'attention de ceux qui sont chargés d'appliquer les réformes. Par ailleurs, la législation foncière peut avoir des effets partiels, ou des effets totalement inattendus quand les individus et les groupes utilisent ses dispositions à des fins bien différentes de celles que prévoyaient les auteurs des textes. Cette législation touche en outre souvent très différemment les divers groupes sociaux. Par exemple Brokensha et Riley (1987) ont constaté que la privatisation des terres à Mbere (Kenya) encourageait les plus gros exploitants à planter des arbres sur leur domaine, mais n'avait guère d'effet en ce sens chez les agriculteurs dont l'exploitation suffisait tout juste, en superficie, pour les cultures classiques. D'autre part, même si la loi n'est pas vraiment appliquée, elle reste la loi, et les agents locaux, ministériels ou administratifs, doivent s'efforcer de la respecter ou du moins d'en dévier aussi peu que possible. Les décisions qu'impose la définition d'un projet ne se prennent pas ex nihilo: elles doivent s'inscrire dans les orientations préalablement définies, comme l'illustre l'extrait que nous donnons à la page suivante.

Propriété multiple des palmiers dattiers dans la province de Halfa, au Soudan
On peut se demander naïvement comment un dattier pourrait être divisé en parts, ou quel est l'intérêt de posséder par exemple les 3/16 de l'entité indivisible qu'est un palmier.
Le principe est simple, car il ne s'applique que lorsqu'on récolte les fruits, et ce sont eux qui sont divisés chaque année par les copropriétaires … Les dattes sont par exemple réparties en trois tas qui représentent les trois parts égales des propriétaires initiaux. L'un de ces tiers revient peut-être aux divers héritiers du copropriétaire initial, et devra par exemple être subdivisé en onzièmes …
Mais d'où vient ce système compliqué de divisions successives? Pourquoi un homme ne planterait-il pas un arbre pour son propre compte, et n'en resterait-il propriétaire, du moins jusqu'à sa mort? …
Il faut savoir que la méthode classique pour planter un palmier-dattier est la suivante: A se procure un jeune plant et le met en place; B, à qui appartient la terre sur laquelle le palmier est planté, devient propriétaire pour un tiers; C, qui arrose l'arbre tant que celui-ci est jeune, sans quoi il mourrait, reçoit le troisième tiers, le premier restant tout de même à A. Or B (le titulaire de la parcelle), quand toutes les “sagia” ou champs sont la propriété collective de plusieurs associés, n'est souvent pas une personne physique, mais l'ensemble des copropriétaires de la sagia. Dans ce cas, le 1/3 de B doit être subdivisé entre tous les associés proportionnellement à leur part dans le bien foncier.
Pour en revenir maintenant à la plantule originelle, plantée par A sur la terre de B, et arrosée par C, il serait facile de la reconnaître au fil du temps et d'en conter l'histoire si elle restait seule; mais en poussant elle devient mère d'une touffe ou bouquet (en arabe bura ou hufra). Les pousses qui rejettent de sa racine sont rarement coupées par l'éleveur local, qui recherche davantage le nombre des arbres que l'application de sains préceptes d'arboriculture. La pousse originelle peut donc devenir un bouquet d'une dizaine de tiges, les droits sur le bouquet restant subdivisés sur le modèle de ceux qui s'appliquaient à la tige-mère. Le nombre des arbres du bouquet varie d'ailleurs en permanence, à mesure que de nouvelles tiges poussent et que les plus vieilles meurent…
Il demeure, en fin de compte, que ce système procure une assurance contre la perte complète de la récolte en répartissant les risques, et que les gens ne souffrent guère des inconvénients de la division du bien, puisque ce qui les préoccupe, c'est de répartir équitablement des dattes…
T.A. Leach, “Date-Trees in Halfa Province”' in Whose Trees?: Proprietary Dimensions of Forestry, Louise Fortmann et John W. Bruce ed. (Boulder: Westview Press, 1988), p. 44–47.

Conception des projets; de la loi agraire à la réalité
Il n'y a souvent aucun lien entre la législation officielle et ce qui se passe effectivement sur le terrain.
Les concepteurs de projets se préoccupent davantage des schémas réels de comportement que de la théorie. En Haïti par exemple, conformément au code Napoléon, tous les héritiers sont censés recevoir la terre en parts égales; mais en pratique, compte tenu de l'exiguïté des terres et de la pression démographique, les fils ont accès à la terre par avance sur l'héritage; pas les filles. Le résultat en est que les filles ne retirent qu'un bénéfice minime de leur héritage, quand elles héritent effectivement de la terre, car elle est occupée par des fermiers ou métayers; elles ne peuvent donc en obtenir la possession, et peuvent tout au plus faire valoir leurs droits à leur part de la récolte en leur qualité de propriétaires foncières. De même, en Syrie, bien qu'en théorie, de par le droit coranique, la moitié de la part auquel aurait droit l'héritier mâle revient à la femme, “cette disposition n'est en fait que rarement observée dans la pratique. A l'inverse, les héritiers mâles s'approprient cette part en compensation du soutien apporté à une soeur”. Cette pratique est courante là où se pratique le droit coranique. Chez les Shona du Zimbabwe, la loi sur la gestion des terres a été promulguée pour prévenir la fragmentation des terres et pour gouverner leur transmission par héritage. Mais en raison des très considérables obligations créées par la parenté chez les Shona, là où une pièce de terre “pourrait passer aux yeux de l'administration comme appartenant à une seule personne, on constate que plusieurs familles y sont installées, chacune exploitant une parcelle. Si en droit un seul fils peut recevoir tout l'héritage de son père, en pratique ses frères déshérités sont autorisés à continuer de vivre sur la terre comme s'il n'y avait pas eu de testament”. Quand l'enregistrement des titres de propriété est rendu obligatoire, comme à Desmay (la Trinité), de nombreux colons ne parviennent pas à obtenir un titre officiel. De fait, “même quand un titre authentique a été délivré, les héritiers omettent d'en signaler la transmission ou la passation. En 1972 encore, de nombreux impôts fonciers étaient payés au nom du propriétaire originel”. L'enregistrement des titres ne permet donc pas toujours à ceux qui préparent un projet de connaître de façon concluante ce qui se passe sur le terrain. Ailleurs encore, à Mubi (Etat de Gongola, au Nigéria), bien que le gouvernement local ait essentiellement visé par sa loi de réforme de 1976 à venir à bout du pouvoir des instances locales de gouvernement et à réduire à l'impuissance le chef Fulani (ardo), dans l'esprit de la majorité de la population locale le système traditionnel continue de régner et demeure de facto le vrai pouvoir politique.
Raymond Noronha et Francis J. Lethem, “Traditional Land Tenures and Land Use Systems in the Design of Agricultural Projects”, World Bank Staff Working Paper, No. 561 (Washington, World Bank, 1983), p. 23.

Le code forestier est un composant du cadre juridique qu'il convient d'examiner attentivement avant de se lancer sur le terrain. Il contient souvent des dispositions spécifiques visant les droits d'utilisation des arbres. Dans certains pays, ces dispositions sont appliquées avec enthousiasme par le service des Eaux et Forêts, surtout quand les amendes infligées aux contrevenants viennent alimenter les caisses de ce même service. Avant de se rendre sur le terrain, veiller à discuter avec le personnel forestier local, avec les donateurs et avec le personnel des projets, des effets de dispositions particulières que pourrait comporter le code forestier.

Il est une activité qui met très souvent en contact les programmes de foresterie communautaire et la législation foncière nationale: l'exploitation de pépinières. Si elle ne touche en général qu'une superficie relativement restreinte, elle peut avoir quand même une grande importance. Imaginons que le projet vise à soustraire un périmètre donné au système foncier local pour y établir une pépinière. On peut tenter de prendre la terre à bail auprès du chef, ou de s'assurer des droits d'exploitation sur les modèles classiques dans le monde occidental, mais qui n'ont guère de précédents dans le droit coutumier local. L'objectif est en général de donner à la pépinière un statut foncier sûr, mais il n'est pas certain que cette précaution soit utile dans tous les cas. C'est une question qu'il convient d'élucider au cours de l'évaluation; elle est liée aux impératifs techniques d'échelle, aux investissements dans l'irrigation, etc. Lorsqu'il apparaît nécessaire d'assurer le statut foncier de la pépinière, le droit coutumier est rarement le meilleur outil; il faudra sans doute recourir à la législation nationale et obtenir des pouvoirs publics que l'Etat se rende propriétaire de la terre par achat ou en fasse valoir la domanialité, ou trouver un entrepreneur privé, un organisme bénévole privé ou quelque autre personne morale pour acheter ou prendre à bail la superficie nécessaire. Mais l'achat ou la location de terres régies par un système foncier coutumier est parfois un acte illégal. Il est souvent impossible de parvenir à une certitude juridique absolue sur ces situations. Il sera alors préférable de ne pas céder à la tentation de se donner l'illusion d'une sécurité factice en plaquant une forme juridique occidentale familière sur le projet, même si les lois nationales le permettent. Un arrangement écrit, résultat d'un consensus avec les intéressés et signé par les administrateurs locaux de la terre a plus de chances de durer. Bien sûr, un tel arrangement doit être autorisé par les lois nationales. Il conviendra de prendre des avis juridiques sur place.

Intégrer le droit coutumier dans la législation nationale
Le groupe a estimé qu'il était important d'intégrer le droit coutumier notamment en ce qui concerne les droits traditionnels sur les terres forestières, dans le système juridique national. Les points de vue quant à la primauté de l'un ou l'autre de ces systèmes semblent souvent inconciliables. Le point de vue officiel selon lequel les paysans occupent illégalement les terres appartenant à l'Etat sans s'en rendre compte a son image inversée dans l'opinion des paysans, qui pensent que l'Etat s'approprie illégalement de leurs terres sans s'en douter.
Là où les textes réglementaires officiels ont été modifiés, l'agroforesterie a été gagnante; aux Philippines par exemple, un groupe tribal sylvicole a conduit les autorités à admettre qu'il était gardien d'une partie de la forêt, et a mis au point un système très fécond d'agroforesterie de sa propre initiative. Au Népal, des baux de 99 ans sur des terres forestières domaniales ont donné à des cultivateurs autrefois itinérants des incitations suffisantes pour participer activement à la remise en état des terres grâce aux techniques d'agroforesterie.
La réforme agraire et la redistribution des terres sont parfois un facteur souhaitable pour les projets d'agroforesterie, mais il faut veiller à en prévoir toutes les conséquences éventuelles. On notera à ce propos qu'au Népal encore, un programme de réforme agraire stipulait que les non-propriétaires qui cultivaient trois années consécutives une parcelle obtenaient des droits sur celle-ci. La conséquence, semble-t-il, inattendue de ce programme fut que les propriétaires préférèrent laisser en jachère toutes les terres qu'ils ne pouvaient cultiver eux-mêmes. Cette intervention, qui aurait pu se traduire par la mise en place à grande échelle de cultures arbustives exigeant peu de main-d'oeuvre, provoqua la dégradation rapide des terrasses sur les parcelles laissées hors culture.
Le groupe de travail a conclu sur ce point en faisant deux suggestions: premièrement, qu'une instance juridique spéciale soit établie pour statuer sur les problèmes fonciers résultant du développement agroforestier; et deuxièmement, que les pouvoirs publics cessent d'employer des désignations péjoratives (comme “groupe minoritaire” ou “tribus étrangères”) vis-à-vis des nationaux à mode de vie sylvicole.
“Rapport du groupe de travail régional sur l'Asie”, dans Land, Trees and Tenure, John B. Raintree ed. (Madison and Nairobi: Land Tenure Center and International Council for Research in Agroforestry, 1987), p. 345–346.

Evolution sociale et institutionnelle dans un environnement prédéterminé par des options politiques
La plupart des projets résultent d'une approche conceptuelle qui subsiste hélas, et qui sert ses propres buts, lesquels sont étroitement assujettis à la structure de carrière de leurs auteurs dans les organismes donateurs ou gouvernementaux. Chaque agence a sa propre stratégie de développement, résultant de sa propre évolution historique, et les projets eux-mêmes ont un cycle de vie qui n'a pas grand-chose à voir avec le rythme de maturation des plantes ligneuses. A l'échelon international, les organismes d'aide sont parfois mandatés pour travailler sur un mode intergouvernemental, et les ministères auxquels ils auront affaire doivent se conformer strictement à leurs attributions.
Tout cela pour rappeler que le cadre institutionnel et les orientations dans lesquels s'élaborent les projets sont en grande partie prédéterminés par le passé, et donc limités par des facteurs aussi réels et présents pour le projet que les caractères physiques ou biologiques du terroir.
Pour ce qui concerne la composante foncière des projets, le groupe est convenu que le cadre institutionnel et les orientations dans lesquels ils s'inscrivent déterminent sur quelles catégories de terres ils doivent porter, à savoir les terres des ménages, les terres communautaires ou les terres domaniales. De façon générale, il a été admis que plus on s'éloigne de l'échelon des ménages dans la définition des projets, plus le risque de produire des effets négatifs sur les droits à la terre des bénéficiaires et sur les ressources foncières s'aggrave. Ont été cités des cas où les élites étaient parvenues à siphonner la majorité des bénéfices de projets à leur profit. La meilleure façon d'éviter ce risque est de faire participer toutes les instances - gouvernementales, donatrices et locales - à la définition du projet. Le groupe a cependant reconnu que les projets s'élaborent le plus souvent dans un environnement déjà circonscrit par des orientations et des politiques déjà arrêtées.
“Report of the Working Group on Agroforestry Project Design”, in Land, Trees and Tenure, John B. Raintree ed. (Madison et Nairobi: Land Tenure Center et International Council for Research in Agroforestry, 1987), p. 371 372.

UTILISATION DES CARTES

Les cartes de la zone à étudier sont d'une utilité évidente: cartes routières, cartes indiquant les villages et les pistes, mettant en évidence les caractères physiques et écologiques pertinents-précipitations, altitude, sols et végétations. Il appartient à nouveau à l'organisme responsable localement de réunir cette documentation cartographique; si cela n'a pas été fait, il est utile de se rendre à l'Institut géographique national ou son équivalent, dans la capitale, pour s'assurer de l'existence de cartes et en prendre connaissance.

L'imagerie par satellites est accessible auprès de divers centres régionaux, mais aux échelles actuellement disponibles elle est utile surtout pour s'orienter dans une grande étendue, bassin hydrographique ou zone écologique. Les images elles-mêmes et le traitement qu'il faut opérer pour qu'elles soient utilisables sur le terrain reviennent cher, surtout s'il existe déjà d'autres sources cartographiques.

Il est en général préférable d'utiliser des photographies aériennes de la zone, s'il en existe à une échelle appropriée. On peut s'en procurer auprès de la Direction du territoire, ou du département de géographie d'une université locale, ou par l'intermédiaire de donateurs ou d'entreprises qui auraient déjà opéré dans le secteur. Les photographies au 1:20 000ème font apparaître les routes et les constructions, et permettent de cartographier les trois types de niches foncières. Une carte de ce type, empruntée à Fox, est reproduite à la page suivante. Le 1:5 000ème ou une échelle inférieure est reproduite à la page suivante. Au 1:5 000ème, on obtient une excellente résolution: un millimètre sur la carte représente un mètre sur le terrain.

Cette échelle est habituellement utilisée pour les cartes établies à partir de photographies servant au cadastrage des exploitations quand les parcelles sont de petite taille, mais elle risque d'être peu commode sur le terrain, par multiplication des feuilles. Quand les limites des champs sont visibles, les cartes permettent d'établir des croquis des exploitations une fois sur le terrain. Comme on le verra dans la section suivante, ces croquis sont commodes dans les entrevues avec les ménages, pour cartographier l'utilisation des ressources et les droits fonciers et forestiers. Bien sûr la photographie aérienne d'un terrain agroforestier ne permet pas de discerner les limites des champs; mais même au sol, les limites sont tellement peu visibles souvent qu'il faut se les faire montrer une à une.

Quand il est possible d'affréter un avion léger, et de développer puis de tirer les pellicules sur place, des photographies prises à main levée par une fenêtre de l'avion avec un appareil 24×36 et un objectif de 35 mm rendront de grands services, en raison de la petite échelle et de la fidélité des couleurs. L'opérateur ou un des ses compagnons doit être familier de la zone. Après quelques vue générales, il faut choisir ce que l'on va photographier de plus près: c'est pourquoi il faut reconnaître ce que l'on voit. On peut apprécier sommairement l'échelle d'après la mesure au sol de certains éléments caractéristiques, une piste par exemple.

Village de Ciramaeuwah Girang, Java occidentale (Indonésie):
terres en régime de propriété privée

Emprunté à Jeff Fox, “Aerial Photography and Thematic Maps for Social Forestry”, ODI Social Forestry Network Paper No. 2c (London: Overseas Development Institute, mai 1986), p. 13.

Faute de disposer d'un avion, ou pour compléter la collection de clichés, on pourra aussi prendre des photos depuis une éminence ou un escarpement.

Les cartes, il faut le répéter, ne doivent pas seulement permettre à l'équipe d'évaluation de s'orienter, ou illustrer un rapport. Elles sont d'authentiques outils de communication, et doivent servir de base à la discussion sur les utilisations de la terre et les régimes fonciers lors des entrevues sur le terrain.


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