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Améliorer la gestion et les aptitudes à la gestion des petites entreprises

par

Ake Sahlin
Management Development Branch
Organisation internationale du travail (OIT)
Genève

Introduction

Malgré de nombreuses caractéristiques positives, la petite entreprise moyenne doit souvent lutter pour survivre dans un milieu hostile. En Afrique, par exemple, le cadre politique est souvent contraire aux intérêts du petit entrepreneur. Des études récentes ont révélé qu'au Nigeria les tarifs d'importation avantagent les grosses industries et encouragent l'emploi de technologies avancées. Dans un cas en particulier, ces industries payaient des droits de douane ne dépassant pas 10 pour cent de la valeur de l'importation alors que les petites entreprises devaient débourser entre 30 et 65 pour cent pour des biens identiques ou analogues.

Le résultat de cette politique est que de nombreux entrepreneurs sont tentés d'utiliser une technologie inappropriée. En outre ils se trouvent bien souvent piégés dans une situation sur laquelle ils n'ont aucune contrôle. Des aptitudes techniques limitées se traduisent par un entretien bâclé et la probabilité que les machines se détériorent. L'absence de pièces détachées et, dans certains cas, de matière première pour le procédé de production, due à des restrictions sur les devises, pourrait immobiliser totalement l'opération.

Beaucoup de chefs d'entreprise se trouvent confrontés à des limitations de capital, bien qu'elles ne s'appliquent pas aux investissements en machines et équipement. Au contraire, les fonds destinés à l'investissement en biens fixes sont souvent faciles à obtenir et, en fait, la capacité de maintes petites entreprises est en grande partie inutilisée. La contrainte majeure pèse sur le capital d'exploitation. En effet, il existe bien peu de sources disposées à fournir au petit entrepreneur l'argent nécessaire à acheter des matières premières et des intrants intermédiaires, à payer les salaires des ouvriers, etc.

Pour les petites entreprises du secteur forestier, le commerce est rarement la seule activité principale du propriétaire/gérant; la petite opération commerciale constitue une occupation à temps partiel réalisée souvent en complément d'activités agricoles. Dans bien des cas les actifs servent à financer plus d'une opération. Dès lors il est difficile de mesurer l'importance et la productivité réelle du secteur ou de fournir un appui à la seule activité forestière. On note également que ces petites entreprises sont souvent situées à proximité de la source de matière première. Par rapport aux autres secteurs de production, elles tendent à être plus dispersées ce qui les rend moins accessibles aux approches et aux appuis conventionnels tels que la formation à la gestion et les services de vulgarisation.

La plupart des petites entreprises de traitement des produits forestiers emploient des méthodes et du matériel de production très simples. Il semble que la majeure partie d'entre elles tend à exécuter des travaux sur commande plutôt que de constituer des stocks pour approvisionner un marché lointain. Bien que ce système permette de réduire le volume de capital d'exploitation immobilisé dans la production ou les stocks, il limite également les chances d'améliorer la productivité.

Fait intéressant, les résultats préliminaires d'une étude en cours de l'OIT indiquent que les caractéristiques susmentionnées ne s'appliquent pas seulement au secteur formel mais également aux entreprises forestières du secteur informel. La conclusion qu'on pourrait tirer de cette observation est qu'en examinant les besoins d'amélioration de la gestion et ceux d'assistance, il n'est pas nécessaire de séparer l'analyse des petites entreprises du secteur formel de celle du secteur informel.

Gestion des petites entreprises

Pour éviter tout malentendu, la gestion telle qu'elle est définie ici est tout simplement la manière dont est organisée une activité industrielle. Avant d'examiner le secteur forestier, quelques aspects généraux relatifs à la gestion des petites entreprises seront analysés ci-après. Bien qu'il soit reconnu que dans les petites industries cette gestion est personalisée plutôt qu'institutionalisée, celles-ci peuvent encore améliorer leur position à l'égard de leurs concurrents en adoptant des pratiques qui confèrent une solidité et une viabilité à l'administration de l'entreprise.

Le seul fait de posséder une industrie suscite souvent une attitude d'élitisme et d'égocentrisme. Il en résulte une vision unilatérale qui limite la capacité de la firme de répondre positivement et dynamiquement aux occasions de marché et aux conditions changeantes de ce dernier. Un propriétaire qui adopte un comportement autoritaire vis-à-vis de ses subordonnés peut procurer des bénéfices à son entreprise aussi bien que lui attirer des inconvénients. De plus, si tout en étant un bon entrepreneur il se montre mauvais gérant, son attitude dominatrice pourrait empêcher l'entreprise de se procurer les aptitudes et d'introduire les méthodes nécessaires à son essor. Un clivage se creuserait entre la perception qu'a le gérant/propriétaire de la situation et de ses propres capacités d'une part, et les besoins effectifs de la firme de l'autre.

Souvent les petites entreprises n'ont recours qu'à un minimum de formalisme. La production est réalisée sans qu'il y ait de différences notoires entre les tâches. Cette absence de formalisme permet de supporter plus facilement de petites interruptions mais elle risque de créer en même temps un prétexte pour éviter d'établir et appliquer des normes de fonctionnement correct. En raison de ce manque de formalisme et du fait que la plupart des petites entreprises ont de courts cycles de production, le gérants/propriétaires ne conçoivent pas leur activité en termes d'occasions de marché, de capacités techniques ou de force. Dès lors, l'entreprise pourrait fort bien prendre des décisions sur la base d'hypothèses fallacieuses ou d'une incompréhension de la situation.

La discipline sur lieux de l'activité est souvent compromise par le fait que la main-d'œuvre est formée en grande partie des parents du propriétaire ou gérant; s'il s'agit de personnes âgées notamment, il est difficile et parfois même impossible dans de nombreuses cultures de les réprimander ou de leur donner des ordres. Le système de la famille élargie exige, là où il est appliqué, qu'en recrutant des employés pour une entreprise familiale de ce type on tienne compte des parents du propriétaire/gérant avant tout autre critère d'emploi.

Beaucoup de petits entrepreneurs commencent leur carrière sans aucune expérience de gestion; ils ont donc tendance à subordonner leurs décisions et leurs actions à leurs espoirs et à leurs rêves plutôt qu'à des faits tangibles. Il existe de nombreux cas d'entreprises ayant fait faillite simplement parce qu'elles n'ont pas su établir un prix pour leurs biens ou leurs services. Dans ces cas, inculquer des principes de gestion aussi élémentaires soient-ils pourrait améliorer la performance des entreprises.

Pour résumer, les aspects suivants caractérisent l'organisation et la gestion des petites entreprises:

- l'entrepreneur réussit dans ses opérations grâce à ses aptitudes techniques mais non à sa capacité de concevoir les occasions de marché ou d'établir à l'avance une stratégie;

- contrairement aux grandes industries qui peuvent normalement payer les services de spécialistes, le petit entrepreneur est relativement isolé et doit affronter simultanément des questions de politique à long terme et des problèmes opérationnels quotidiens;

- les petits entrepreneurs opèrent souvent sans disposer de données quantitatives ou d'autres informations, préférant adopter la stratégie d'autres entrepreneurs ayant réussi;

- en raison de la modicité des salaires offerts, d'une sécurité limité dans son travail et du faible prestige que lui confère la gestion d'une petite unité, l'entrepreneur ne peut facilement recruter et conserver des employés qualifiés.

A cause de ces inconvénients, de nombreuses petites entreprises ne parviennent pas à s'adapter aux changements de leur environnement, à l'introduction de nouvelles technologies et à d'autres développements quels qu'ils soient. Lorsque les aptitudes et l'expérience du propriétaire/gérant se font démodées, la stagnation s'empare de l'entreprise.

Compte tenu des caractéristiques des petites entreprises œuvrant dans le secteur forestier, où de nombreuses unités situées à la frontière entre le secteur formel et le secteur informel complètent le revenu familial de l'entrepreneur, la nécessité d'améliorer la gestion s'impose. Il faudra toutefois tenir compte du fait qu'elle sera différente de celle qui s'applique aux autres lignes de production. Ce mode informel et irrégulier de conduire les opérations, qui souvent viennent s'ajouter aux travaux agricoles, empêche que les fonds propres à l'entreprise soient séparés de ceux de la famille. Il est rare que les petits entrepreneurs tiennent des registres et les biens de l'entreprise ne sont" normalement pas assurés.

La vannerie, une affaire de famille

De nombreux entrepreneurs du secteur forestier dépendent d'occasions de marché limitées et ne fabriquent que quelques produits de qualité assez médiocre (parfois un seul), ce qui tend à les exclure des marchés d'exportation. La qualité souvent inférieure des produits est essentiellement le résultat de l'emploi d'outils et d'équipement rudimentaires. Ce problème est aggravé par la participation de membres de la famille et d'ouvriers faiblement spécialisés et mal payés. Il faut cependant reconnaître qu'il est difficile, notamment en zones rurales, de trouver des ouvriers qualifiés.

Enfin, outre les faibles salaires, beaucoup de petites entreprises comme celles du secteur forestier offrent des conditions de travail inadéquates et ignorent les mesures les plus élémentaires de sécurité. Ce fait tend à amplifier le problème de l'exode des ouvriers spécialisés vers les grandes industries des zones urbaines.

Développement de l'esprit d'entreprise et de la gestion dans le secteur de la petite entreprise

L'aide à la gestion fournie au secteur de la petite entreprise couvre la gamme tout entière des domaines s'y rapportant et va de l'identification/selection des entrepreneurs, à la formation préliminaire à la gestion, aux services de vulgarisation, à l'appui fonctionnel pour renforcer les organismes de développement de la petite entreprise, à la mise au point de politiques nationales de promotion des petites industries.

Beaucoup de pays disposent de programmes de formation pour le secteur des petites entreprises mais manquent d'une politique d'éducation et de formation spécifique visant leur développement. De nombreux problèmes devront être résolus avant que de telles politiques puissent être formulées au plan national. Tout d'abord, il faudra identifier des entrepreneurs potentiels. Même lorsqu'on a recours à des procédures de sélection, seul un nombre relativement limité de candidats établissent leur propre entreprise et sont capables de la gérer avec succès. Certains experts sont de l'avis que le meilleur moyen d'éviter le gaspillage des efforts et les pertes financières est de soumettre les candidats à un procédé d'autosélection et à des exercices rigoureux avant le programme de formation, afin qu'ils puissent juger de leurs propres capacités d'entreprise.

Une autre question qui se pose est de savoir quel niveau de formation choisir. En admettant que l'on puisse acquérir l'esprit d'entreprise, le point de départ du développement devrait-il se situer au niveau de l'enseignement primaire, secondaire, post-secondaire ou universitaire? La réponse à cette question dépendra dans une certaine mesure du type et du niveau de formation du personnel engagé dans l'aide au développement des petites industries. Il a quelquefois été objecté qu'introduire la formation à la gestion dans le programme d'études de écoles primaires ou secondaires signifiait accorder moins d'attention à des spécialisations fondamentales telles que les langues, les mathématiques et les sciences. Cette opinion est opposée par ceux qui soutiennent que les qualités d'entrepreneur prennent du temps pour se développer et devraient, par conséquent, être inculquées dès que possible. L'une des raisons qui militent en faveur de l'enseignement du concept d'emploi autonome aux enfants des écoles primaires réside dans le fait que beaucoup ne poursuivront pas leurs études jusqu'au niveau du secondaire. Le coût en est négligeable mais les jeunes auraient ainsi l'occasion d'envisager l'emploi autonome comme une possibilité de faire carrière. Une question qui devra être éclaircie est celle de savoir si la formation des futurs entrepreneurs devrait être orientée vers un secteur particulier, afin de les guider vers un domaine d'activité en expansion, ou bien si elle devrait être d'ordre général.

Dans certains pays industrialisés, les établissements d'enseignement post-secondaire dispensent des cours de formation spéciale pour entrepreneurs potentiels. Dans ceux en développement, également, il existe quelquefois des programmes de formation au niveau universitaire visant les besoins spécifiques des petits entrepreneurs. Les gouvernements doivent maintentant décider s'il convient de modifier le système éducatif et offrir un enseignement et une formation industrielle pour différents groupes d'âge.

Le financement des programmes de développement de l'esprit d'entreprise revêt également une grande importance. Dans certains pays, le coûts de la formation sont entièrement à charge du gouvernement, dans d'autres ils incombent aux participants. La décision dans ce domaine dépend largement du type d'entreprise envisagée (petites entreprises modernes, artisans, entrepreneurs du secteur informel, femmes travaillant indépendamment, etc.). Les avis sont partagés sur la question de savoir si c'est le gouvernement ou le secteur privé qui devrait être responsable de ces programmes; les uns soutiennent que pour coordonner la formation un contrôle public global est nécessaire alors que d'autres estiment que le gouvernement ne devrait pas intervenir dans le programme qui peut être entièrement réalisé par le secteur privé. Dans certains cas, des cours de formation de ce type sont offerts conjointement par le gouvernement et des organisations du secteur privé. Fortement débattue est également la question de savoir si le programme devrait se limiter à la création de l'activité, laissant les participants mettre en place leurs propres entreprises une fois leur formation initiale terminée ou si, au contraire, des conseils de suivi ou d'autres formes d'aide tels que le crédit devraient suivre, en tant que composante du programme, pendant une ou deux années après le démarrage.

Etant donné les caractéristiques propres au secteur des petites entreprises forestières, formées de petites unités familiales disséminées en zones rurales, des programmes d'aide performants différeront sans doute considérablement de la plupart des méthodes adoptées jusqu'ici. Un autre point qui mérite d'être examiné est s'il vaut mieux concentrer les efforts sur les candidats les plus prometteurs, en partant du principe que la communauté locale en tirera par la suite des avantages, ou bien utiliser les maigres ressources disponibles pour appuyer des activités ne produisant qu'un revenu d'appoint avec de faibles possibilités d'expansion. S'il est vrai que, du point de vue individuel, de petites entreprises productrices de revenus non seulement sont importantes mais contribuent également à l'emploi et à la production nationale, il n'en demeure pas moins que, en raison de l'irrégularité des activités, la rentabilité de l'appui fourni à ces petites unités est bien inférieure à celle de l'aide dispensée à des entreprises de plus grande taille et plus stables.

Dans le domaine des sciences sociales, une recherche approfondie a été menée au cours des 50 dernières années en vue de définir par quels moyens les êtres humaines apprennent et acquièrent des aptitudes. Bien que le processus d'apprentissage soit désormais bien connu, rares sont les projets de recherche qui ont tenté d'approfondir de quelle manière les hommes d'affaires réussis ont appris à gérer leurs entreprises. Les preuves existantes confirment que le développement de ces aptitudes est un procédé très différent de celui de l'apprentissage dans d'autres domaines. L'enfance, les premières expériences de travail et un environnement favorable au démarrage d'une entreprise sont autant de facteurs intervenant dans le développement des attitudes et des talents de l'entrepreneur. Quand bien même l'on discuterait encore sur la question de savoir si ces aptitudes peuvent être acquises ou si elles sont héritées, on est aujourd'hui fermement de l'avis qu'elles sont susceptibles d'être développées au moyen de programmes de formation bien conçus, ainsi qu'il sera illustré ci-après.

En ce qui concerne le développement des aptitudes de gestion, on ne se demande plus si elles peuvent être transmises au moyen de la formation mais plutôt dans quelle mesure on peut améliorer la qualité des programmes de formation de manière qu'ils puissent attirer l'attention d'entrepreneurs dynamiques. Un grand nombre de petites institutions de formation dans le monde entier offrent des cours de formation plus ou moins complets orientés vers la communauté locale des affaires. Malheureusement beaucoup de ces initiatives se soldent par un échec en raison de la mauvaise conception des programmes qui portent trop souvent sur des matières exagérément sophistiquées et utilisent du matériel pédagogique abstrait qui dépasse de loin le niveau du milieu où opère l'entrepreneur. En outre, les programmes sont trop ambitieux par rapport à l'engagement attendu des entrepreneurs. Très peu de chefs d'entreprise actifs ou modérément actifs peuvent se permettre de s'éloigner de leur usine pendant longtemps, ce dont ne tiennent malheureusement pas compte les formateurs qui élaborent les programmes.

Formation pratique des jeunes dans une communauté industrielle locale

La raison principale pour laquelle les programmes de formation à la gestion des petites entreprises sont si mal accueillis par de nombreux entrepreneurs semble résider dans le fait que ces programmes sont normalement conçus par les cadres des services gouvernementaux, d'organismes publics de promotion de la petite entreprise, de départements forestiers ou d'autres institutions semblables. Très souvent ces cadres n'ont qu'une connaissance limitée du secteur de la petite industrie. L'expérience de l'OIT montre que seule une formation conçue et dispensée par des formateurs au courant des conditions de la gestion de la petite entreprise peut offrir des conseils pratiques et être bien accueillie par les entrepreneurs. Une fois que la communauté industrielle locale aura reconnu l'utilité et la faisabilité du programme, l'institution qui dispense la formation pourra recevoir une réponse favorable des entrepreneurs.

Il convient également de tenir compte de la rentabilité de la formation. Quelles sont le méthodes dé formation de groupe qui ont obtenu les meilleurs résultats? Quelles méthodologies réussies existantes sont basées sur l'étudiant? Des questions semblables naissent de la volonté d'appliquer toutes les connaissances disponibles dans les domaines de la psycologie sociale et de l'anthropologie culturelle à la conception et à la réalisation de programmes de formation pour les petites entreprises.

Sous une forme ou une autre des services de vulgarisation existent dans presque tous les pays du monde et ils sont généralement considérés comme l'un des éléments fondamentaux de tout programme sérieux de développement de la petite entreprise. Ils semblent toutefois présenter un grand nombre de lacunes inexplicables. Il importe dès lors d'identifier les mesures à prendre pour améliorer leur planification et leur mise en oeuvre.

Activités de l'OIT dans le domaine du développement des capacités d'entreprise et de gestion

Par tradition, la plupart des activités de l'OIT dans le domaine de la promotion des petites entreprises démarre à la suite d'une demande d'aide sous forme de services de formation et vulgarisation formulée par un Etat membre. Maints projets de terrain ont été réalisés dans ce domaine au cours des dernières années et leur nombre va croissant.

Ceci ne veut pas dire forcément que les pays en question aient fait des progrès tangibles en ce qui concerne la formation ou les services consultatifs en faveur des petites entreprises. Deux problèmes, critiques existent dans ce domaine. Tout d'abord, beaucoup de pays manquent d'une politique globale de formation et, de ce fait, leurs programmes présentent des lacunes inévitables au plan tant de la quantité que de la qualité. C'est pourquoi les programmes d'emploi et de formation de l'OIT cherchent avec une insistance croissante à mettre au point une stratégie fondée sur des politiques de formation judicieuses. Le second problème est que de nombreuses approches et méthodes appliquées aux petites entreprises des pays en développement se sont avérées inadéquates du point de vue de leur conception. Ces deux problèmes ont été attaquées de différentes manières.

Dans le cadre du Programme de formation de l'OIT, des textes, des manuels, des cahiers d'exercice et des guides du formateur ont été préparés à l'intention des petits entrepreneurs dans le but d'offrir du matériel pédagogique pratique, simple et réaliste et d'améliorer la rentabilité de la formation. En effet, trop souvent par le passé les entrepreneurs ont eu du mal à mettre en œuvre des techniques excessivement sophistiquées.

Appuyé par le SIDA (Office central suédois pour l'aide au développement international) l'OIT a lancé un programme intégré de formation à la gestion des petites industries intitulé "Améliorez votre entreprise", qui est actuellement mis en œuvre dans des pays d'Afrique, d'Asie et des Caraïbes à la suite du succès obtenu par un programme analogue (organisé par les Confédérations des employeurs suédois) en Suède et dans d'autres pays européens au cours des années 70. Le matériel du programme consiste en un manuel et une cahier d'exercice. Ils peuvent être utilisés en l'absence d'un instructeur comme instrument d'analyse et de conseils, et pour l'enseignement de groupe. L'objectif principal du matériel n'est pas, comme pour la plupart de ces aides pédagogiques, de transférer passivement l'information aux stagiaires mais plutôt de les inciter à se poser des questions sur la manière dont ils gèrent leur entreprise. En déclenchant un mécanisme d'évaluation régulière du fonctionnement de l'entreprise on obtient beaucoup plus qu'à travers la formation conventionnelle. Afin de faciliter cette auto-évaluation, le cahier d'exercices fournit des listes témoins et des exercices présentés de telle manière que l'entrepreneur est obligé de passer sa propre situation en revue. Dans des domaines où il sent la nécessité d'une amélioration de la gestion, le manuel lui offre des avis pratiques. Des activités de formation complémentaires, des séminaires, des ateliers et des conseils individuels sont organisés dans ce même but, à savoir stimuler les entrepreneurs à analyser leur propre comportement vis-à-vis de leur entreprise plutôt que de leur enseigner ce qu'ils doivent faire.

Des films fixes, un moyen de communication de groupe

Ce programme a remporté jusqu'ici un énorme succès. De nombreuses adaptations par pays ont été déjà publiées et des traductions provisoires sont actuellement disponibles en français, arabe, swahili et bahasa. L'OIT prépare également du matériel de formation supplémentaire utilisant la même approche. Un guide du formateur et un guide des affaires, appartenant tous deux au programme "Améliorez votre entreprise" sont également en cours de préparation. Une évaluation de ce programme effectuée au Kenya a montré qu'un grand nombre d'entrepreneurs y ayant pris part ont effectivement amélioré leur gestion durant les cours ou immédiatement après. Par exemple, à la suite du programme, de nombreux participants ont commencé à utiliser des systèmes de comptabilité simples et à appliquer des principes fondamentaux de tenue des registres.

L'OIT a également mis au point du matériel de formation de groupe pour les petites entreprises. Le matériel a été préparé initialement en Amérique latine où des expériences sont en cours en Colombie (radio), au Mexique (télévision), au Pérou (vidéo), au Brésil (films fixes), au Costa Rica (diapositives sonorisées) et en Argentine (programmes radiophoniques d'instruction pour les producteurs ruraux). Un programme analogue de formation pour les petites entreprises transmis par la radio, par correspondance ou en classe a également été conçu pour l'Océanie.

Pour assurer le maximum de rentabilité à la formation, il est nécessaire de résoudre une contradiction inhérente à la préparation de programmes de formation en matière de développement de l'esprit d'entreprise et de la gestion. D'un côté, la formation d'individus ou de petits groupes, notamment en cours d'emploi, tend à donner de meilleurs résultats que la formation traditionnelle de grands groupes d'entrepreneurs, de l'autre le coût par personne augmente énormément si l'on diminue le nombre de participants.

L'une des méthodes de formation appliquées par l'OIT est l'apprentissage par l'action. Cette approche s'est avérée économique et, outre l'amélioration de la gestion, elle a eu un grand nombre d'effets secondaires positifs. Des programmes de l'OIT basés sur l'apprentissage par l'action pour de petites entreprises sont en cours de réalisation depuis 1981 dans plusieurs pays d'Amérique latine. La méthode part du principe que l'on apprend davantage à travers l'action qu'en fréquentant tout simplement des cours. Ainsi, un programme d'apprentissage par l'action consiste à former des groupes d'entrepreneurs, dont chacun est conscient de problèmes affectant sa propre entreprise et qu'il tente de résoudre, et à les réunir périodiquement pour qu'ils examinent de concert les progrès accomplis et planifient les actions futures. Le concept de la dynamique de groupe est important car il permet de motiver les participants et de les inciter d'une part à réaliser leurs plans, et de l'autre à partager leur expérience et leurs connaissances avec les autres membres du groupe. Au début, les activités sont coordonnées par un animateur qui déclenche le processus d'interaction au sein du groupe.

Une évaluation du projet réalisé en Amérique latine a montré que l'apprentissage par l'action est une méthode de formation très appropriée car elle enseigne aux entrepreneurs à penser à leur usine, à approfondir les problèmes rencontrés et à élaborer des plans d'action réalistes. En participant à un groupe, les entrepreneurs pourront étendre leur réseau de ventes et dans certains cas même créer des "entreprises mixtes". Toutefois, il convient d'appliquer cette méthode avec prudence. Pour en assurer le succès on devra tenir compte des exigences suivantes:

- une promotion planifiée et réalisée avec soin du programme et une sélection attentive des participants de manière à former un groupe aussi homogène que possible;

- des sessions de travail ayant un taux de participation élevé et se déroulant dans une atmosphère détendue de manière que les entrepreneurs puissent se sentir "chez eux" et accepter de s'entraider.

Bien qu'il soit difficile d'évaluer la rentabilité de la méthode, et compte tenu du fait que les résultats dépendront en grande partie de la répartition géographique du groupe, l'expérience montre qu'elle est effectivement plus économique que la plupart des programmes de formation conventionnels. L'apprentissage par l'action convient également bien aux petites entreprises rurales du secteur forestier.

Une autre constatation résultant d'un projet de l'OIT au Costa Rica a été que l'apprentissage par l'action s'appliquait aussi bien aux agriculteurs qu'aux entrepreneurs urbains. Plus tard au Honduras, des cultivateurs ont été inclus dans un projet destinés aux fabricants urbains. Les résultats obtenus après seuls six mois de travail ont été tout à fait remarquables. Les entrepreneurs urbains ont identifié divers domaines de la gestion où leurs connaissances techniques étaient insuffisantes et ont formé des groupes de travail pour affronter d'autres problèmes tels que la qualité des matières premières. Les agriculteurs ont examiné des problèmes concernant les maladies du sol et les parasites et établi des 'contacts avec les services d'hygiène publique. Ils ont également identifié certains problèmes communautaires qui ont pu être affrontés grâce à leur initiative.

Enfin, apprendre par l'action en participant à des groupes d'entrepreneurs pourrait inciter la petite communauté industrielle à s'organiser; ceci présenterait de nombreux avantages mais recontrerait quelques difficultés car les entrepreneurs sont des individualistes et pourraient s'opposer à des initiatives collectives, notamment si elles sont prises en dehors de leur milieu d'activité. Les groupes d'apprentissage par l'action pourraient un jour constituer un moyen pratique d'introduire des méthodes de travail rationnelles parmi des entrepreneurs conservateurs. Si l'on parvient à identifier les chefs informels de ces groupes et les encourager à adopter des systèmes de gestion plus efficaces, ils pourraient entraîner à leur suite bien d'autres personnes. En effet, il est notoire que les entrepreneurs préfèrent imiter d'autres entrepreneurs ayant réussi plutôt que d'écouter les discours des agents de vulgarisation.

Fabrication de jouets en bois au Costa Rica

L'OIT prépare également un programme de formation spécial pour les femmes entrepreneurs. Des recherches menées récemment dans ce domaine ont indiqué l'existence de besoins spécifique et d'une demand élevée d'activités de formation à l'intention de ce groupe.

En ce qui concerne la formation de consultants et de conseillers pour le secteur de la petite industrie, l'OIT a publié un livre intitulé "Management consulting: A guide to the profession" qui contient des directives pratiques en matière de consultation pour les petites entreprises à différents stades de leur développement. Cette publication a été largement utilisée pour la formation de consultants et de vulgarisateurs tant dans les pays industrialisés que dans ceux moins avancés.

Le développement de l'esprit d'entreprise est l'objet d'une attention particulière à différents niveaux. Tout d'abord, un guide du formateur visant à familiariser les jeunes avec l'idée et la pratique de l'emploi autonome en tant que carrière a été mis à l'essai dans plusieurs pays et son adaptation est actuellement en cours. En outre, pour aider les travailleurs autonomes, un guide intitulé "The practice of entrepreneurship" a été publié en 1982.

En deuxième lieu, une étude détaillée, qui tient compte des développements théoriques et des applications pratiques récents a été réalisée par l'OIT aux fins d'évaluer le volet formation des divers programmes de développement de l'esprit d'entreprise visant la création d'activités industrielles. L'étude illustre des techniques de présélection permettant d'identifier des entrepreneurs potentiellement actifs. Les résultats de l'étude seront bientôt publiés; en attendant elle a permis la mise au point d'une base de données bibliographiques munie de renvois.

Troisèmement, plusieurs projets de terrain ont été lancés dans le but d'inclure la formation à la gestion des entreprises à la formation professionnelle. Des exemples de cette nouvelle approche comprennent des projets réalisés au Malawi et en Ouganda où des programmes associant le développement professionnel à celui de la gestion et de l'esprit d'entreprise, et prévoyant une aide financière aux jeunes entrepreneurs, sont actuellement à l'essai. Au Maroc un volet gestion a été incorporé aux programmes de formation professionnelle dispensés dans 60 centres de formation rurale. Ces projets sont considérés comme des activités pilotes visant l'introduction d'innovations potentiellement importantes dans le domaine de la formation professionnelle.

Les leçons de l'expérience et les nouvelles idées

Enfin, grâce aux nombreux projets de terrain réalisés, l'OIT a acquis une expérience considérable dans l'élaboration et la mise en œuvre de projets portant sur la création d'entreprises. Ci-dessous sont illustrées les leçons apprises dans ce domaine:

- un programme visant à créer une activité ou à développer l'esprit d'entreprise devra commencer par l'individu lui-même et ses propres idées plutôt qu'avec des plans généraux d'expansion industrielle ou des occasions de marché identifiées par des experts. Trouver les personnes ayant l'esprit d'entreprise et qui croient en leur métier est plus important que le domaine d'activité;

- il faudra chercher les personnes les plus susceptibles de réussir dans leur entreprise. Une promotion bien conçue et menée efficacement du programme de création de métiers garantit une quantité élevée de demandes d'admission qui permettra le choix d'un nombre raisonnable d'entrepreneurs potentiels;

- le processus de sélection qui suivra devrait donner des renseignements sur les candidats, le milieu dont ils proviennent, leur âge, leurs expériences de travail précédentes, leur conception de l'entreprise, leurs motivations, leurs qualités d'entrepreneur et autres informations pertinentes. Le meilleur moyen de les obtenir est d'utiliser un grand nombre de formulaires, de tests et de préparer une entrevue bien structurée;

- l'objectif de la formation est de permettre aux candidats sélectionnées de convenir les idées parfois infantiles qu'ils ont de l'entreprise en propositions réalisables et viables. Le volet formation devrait couvrir tous les domaines principaux de la gestion, domaines qui seront introduits progressivement au fur et à mesure que mûrit l'idée de l'entreprise. Ainsi, l'entrepreneur occupé à réunir des informations concernant son marché potentiel recevra également des conseils théoriques à l'occasion de cours sur la commercialisation. De cette manière, les participants aux programmes pourront mettre au point leurs conceptions respectives et se familiariser graduellement avec de nouveaux thèmes de gestion.

Etant donné que la formation porte sur des aspects pratiques et qu'il est attendu que les entrepreneurs/stagiaires soient plutôt actifs, on leur confiera un certain nombre de tâches dont ils devront s'acquitter, en tant que composante du processus d'apprentissage. L'une de ces tâches pourrait être, par exemple, la compilation d'une liste de fournisseurs de matières premières pour leur future entreprise, ou toute autre occupation qui pourra leur être utile au moment où démarrera leur activité. Après quoi c'est à l'entrepreneur individuel d'utiliser les moyens dont il dispose pour accomplir ces tâches et démontrer qu'if possède l'esprit d'entreprise.

Les difficultés introduites à dessein dans ces exercices de formation servent également de mécanismes de sélection, car si les entrepreneurs ne les accomplissent pas ils quitteront le programme. Seuls les individus dotés d'un bon sens du commerce et de beaucoup de persévérance iront jusqu'au bout de la phase de formation;

- pour chaque entrepreneur le résultat de cette formation devrait être un plan d'entreprise bien conçu et une demande de crédit en bonne et due forme à soumettre à une banque commerciale;

- normalement le choix portera sur les banques commerciales plutôt que sur des plans de crédit à des conditions avantageuses. En premier lieu une banque indépendante effectuera sa propre évaluation de la demande et ajoutera ses propres observations sur la viabilité de l'entreprise envisagée. Deuxièmement, en négociant avec une institution commerciale indépendante, l'entrepreneur apprendra tout de suite comment traiter avec les banques et quel est le coût réel du capital. Enfin, ce contact préliminaire avec une institution commerciale lui donnera l'occasion d'établir avec celle-ci un rapport de confiance dont il pourra tirer parti par la suite.

Ce modèle de base pour la création d'une entreprise sera suivi, le cas échéant, par d'autres éléments de formation à la gestion et de services de vulgarisation.

Des domandes récentes d'aide technique présentées à l'OIT ont également porté sur les modes et les moyens de recruter des employés mis au chômage par des industries au personnel en surnombre du secteur public, il est attendu qu'un programme de formation intitulé "Travailler pour soi-même", mis au point récemment et dont l'objectif est d'aider des individus ayant quelque expérience de travail et les aptitudes nécessaires pour démarrer une entreprise, pourra contribuer utilement à résoudre ces problèmes. Le programme est tiré d'un matériel produit et utilisé avec succès au Royaume-Uni. Le premier essai sur le terrain de la version de l'OIT pour les pays en développement aura lieu au Nigeria en 1987.

Livraison de grumes à une scierie

"Travailler pour soi-même" est un programme dont l'objectif est de guider les participants à travers les différents stades du démarrage d'une entreprise avant qu'ils ne les affrontent dans la pratique. Le programme s'adresse à ceux qui débutent sur une très petite échelle, normalement sur la base de leurs aptitudes personnelles. Il convient aux chômeurs ayant quelques qualifications ou compétences techniques fondamentales et à ceux qui viennent de quitter l'école ou une institution d'enseignement secondaire ou de formation. Le programme est divisé en huit modules dont chacun porte sur un stade du développement d'une entreprise. Les candidats parviennent donc soit individuellement, soit en participant à l'interaction de groupe, à développer leur conception de l'entreprise à travers les divers stades du programme.

Un mode d'enseignement fortement associatif est nécessaire pour introduire le concept de travailler pour soi-même. L'apprentissage commence sur les lieux mêmes où se trouvent les participants. Les formateurs n'enseignent pas des matières proprement dites mais facilitent les connaissances chaque fois qu'elles se rendent nécessaires et les inculquent en quantités assimilables et dans un langage approprié. Ces formateurs devront faire prévue d'une grande souplesse et posséder une vaste gamme de références et connaissances en matière d'entreprises. "Travailler pour soi-même" est un programme qui devrait convenir aux petites entreprises rurales du secteur forestier. Les caractéristiques du programme se prêtent également bien à la méthode de l'apprentissage par l'action.

Dans le domaine des manufactures locales et des industries artisanales, l'OIT préfère la formation sur le tas plutôt que l'enseignement formel ou, exceptionnellement, de courts programmes de formation lorsque la matière ne peut être aisément enseignée sur le lieu du travail. La formation qui vise l'utilisation de techniques améliorées ou l'introduction de nouveaux produits est une tâche simple et directe, mais celle à la gestion et à l'esprit d'entreprise soulèvent de gros problèmes dus au faible niveau d'alphabétisation et au petit nombre de participants.

Formation sur le tas

L'OIT a aidé de nombreux pays à mettre au point des services de vulgarisation. D'une manière générale, tous les projets de terrain en faveur des petites entreprises contiennent, sous une forme ou une autre, un volet de vulgarisation. Cette dernière peut porter sur des problèmes techniques, comme en Egypte au début des années 80, sur des aspects touchant la promotion comme au Paraguay, ou sur la création d'associations d'artisans ruraux, comme en Gambie. Le travail de terrain est lié aux recherches que mène actuellement l'OIT sur les modes et les moyens d'améliorer les résultats et la rentabilité des services de vulgarisation. Dans cette même optique, une étude a été préparée sur les moyens de renforcer la gestion des institutions promotrices du développement des petites entreprises dans les pays moins avancés.

En ce qui concerne les coopératives, l'OIT a mis au point une méthode globale de formation, qui a remporté un grand succès, connue sous le nom de "Materials and techniques for coopérative management training" (MATCOM). Ce projet interrégional, qui a démarré en 1978 et a été financé par te SIDA, le NORAD et la FINNIDA, porte sur la préparation et la diffusion de manuels et de matériel de formation adaptés aux conditions locales. Des séminaires qui mettent l'accent sur la formation des formateurs ont également été organisés.


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