Page précédente Table des matières Page suivante


Les méthodes

Les méthodes sont les étapes logiques et organisées que l'on respecte lorsque l'on planifie, organise et exécute une activité ou un groupe d'activités. Dans le cas du DSEP, les méthodes sont très étroitement liées au concept et aux outils.

Le DSEP est un processus permanent d'identification, de collecte, d'analyse et de restitution de l'information. Les méthodes se distinguent par les types d'information qu'elles ont vocation de faire apparaître, et par la chronologie de leur application. Les outils servent à recueillir les informations voulues. Certains outils, comme par exemple “Dessin et discussion”, sont communs à toutes les méthodes, tandis que d'autres sont spécifiques à une seule.

L'approche du DSEP fait intervenir six méthodes:

Diagnostic:• Choix du site communautaire
• Analyse des problèmes communautaires (APC)
• Collecte des données de base (DB)
Suivi:• Suivi participatif et évaluation permanente (SPep)
Evaluation:• Séances d'évaluation participative (SEP)
Restitution:• Analyse de l'information et communication des résultats

Ce rapport est présenté de telle manière que les étapes que doit suivre l'agent de terrain, en collaboration avec le groupe ou la communauté bénéficiaire, soient exposées en ordre logique. Il convient toutefois de noter que ces étapes ne sont données qu'à titre indicatif. On s'attend à ce que beaucoup de ces méthodes soient adaptées au cours de leur expérimentation sur le terrain. Certains agents pourront trouver plus fructueux de modifier l'ordre des étapes, d'en ajouter, ou d'en omettre.

2. CHOIX DE LA COMMUNAUTE

Et les bureaucrates, cette race citadine, attendent prudemment que les récoltes soient mûres; puis s'aventurent dans le champ et posent la question qui les brûle: quel rendement, combien?

Chambers (1983)

2.1 DESCRIPTION ET OBJECTIF DU CHOIX DE LA COMMUNAUTE PAR LES INTERVENANTS EXTERIEURS

On regrettera que les projets soient souvent bloqués par des solutions toutes faites, arrêtées bien avant que la communauté concernée n'ait été consultée. La plupart des projets sont en effet financés à des fins spécifiques, qu'il s'agisse de foresterie, de santé, d'hydrologie ou d'éducation. Ainsi à maints égards le “choix du site”—à savoir le pays, la zone, et le thème d'intervention—, le “problème” et la “solution” se trouvent déterminés par avance.

L'idéal serait de monter des projets ouverts. Certes, certains organismes évoluent vers cette démarche en faisant participer les membres des communautés aux missions de diagnostic et d'évaluation, ou en proposant plusieurs activités dans le cadre d'un projet global (santé, hydrologie, foresterie, éducation), mais la plupart des projets démarrent sur une base préétablie.

Par exemple, le personnel de terrain doit souvent choisir des communautés spécifiques au sein desquelles travailler. Souvent l'éventail de choix est très ouvert, mais le projet, faute d'argent et d'hommes, ne peut s'adresser qu'à un petit nombre d'entre elles. Comment le personnel de terrain choisira-t-il les communautés où il interviendra? L'objet du choix du site par les intervenants extérieurs est d'obtenir les informations sur lesquelles fonder les décisions de ce genre.

Expérience vécue
Au Soudan, un projet de relance de la production de gomme arabique (Acacia senegal) comptait 2300 villages dans la zone d'intervention prédéterminée, mais ses ressources limitaient son intervention à 6 villages la première année.
La grande dispersion des villages, les difficultés de déplacement de l'un à l'autre pendant la saison de plantation, le manque de moyens de transport fiables et le petit nombre de vulgarisateurs bien formés semblaient être les principales contraintes. Le personnel de projet estima que la meilleure façon d'y faire face était de grouper les points d'intervention. Le nombre des villages possibles passa ainsi de 2300 à 160.
Ensuite les agents de terrain effectuèrent une “reconnaissance” de deux semaines, consistant en visites brèves de prospection dans les 160 villages, à l'issue de laquelle ils décidèrent que les principaux critères de réussite seraient le bon niveau d'entretien des bassins d'irrigation, la qualité des comités de gestion de l'eau, et le dynamisme des responsables des communautés locales. Ayant examiné les résultats de leur enquête, les agents du projet se réunirent à nouveau pour ne retenir que 15 villages sur les 160 restants.
Ils se rendirent à nouveau dans ces quinze villages pour s'entretenir avec les responsables locaux, expliquèrent quels étaient les deux principaux critères de sélection, et discutèrent à nouveau avec les chefs de village des possibilités que la communauté apporte son concours aux activités de projet. Cela fait, les six villages bénéficiaires furent choisis.
Avec du recul, le personnel de terrain du projet allait convenir que les entretiens avec les responsables locaux n'avaient pas permis à la collectivité toute entière de participer autant qu'elle aurait pu. L'année suivante, on corrigea la procédure en pratiquant, à l'occasion de réunions de la communauté, l'analyse des Points forts, Faiblesses, Opportunités, et Contraintes (outil 18).

2.2 METHODES POUR CHOISIR LES COMMUNAUTES

Certains projets ont observé que l'établissement d'une liste de critères est utile pour choisir les communautés. Il s'agit souvent de la liste des caractéristiques que l'on juge nécessaires au succès de l'entreprise. Les critères peuvent se regrouper sous les rubriques suivantes:

Identification des problèmes

La communauté a-t-elle, ou juge-t-elle avoir, les mêmes problèmes et le même ordre de priorités que ceux que perçoit le projet?

Il importe d'identifier les communautés qui ont besoin des services que le projet et ses ressources peuvent apporter.

L'observation, l'exploitation des archives publiques et des études déjà effectuées, ainsi que la visite des sites potentiels constituent souvent la meilleure technique de collecte de l'information. Une séance de “choix des communautés”, organisée sous forme de table ronde entre les agents de projet et certains membres de la communauté sur la base des informations recueillies préalablement, peut contribuer à déterminer des critères appropriés pour le choix des sites. Bien souvent les décisions seront des décisions de bon sens, prises sur la base d'une bonne information.

Potentiel de la communauté

Il est nécessaire d'apprécier le potentiel d'une communauté en fonction de la gamme d'activités possibles du projet. Il importe que les conditions fondamentales permettant d'atteindre les objectifs soient remplies, au moins potentiellement, dans la communauté.

Il serait par exemple peu réaliste de lancer un projet de plantation communautaire dans une communauté qui ne dispose pas de terres collectives ou inutilisées, ou d'introduire la pratique des cultures en allées dans une zone qui ne souffre pas de baisse de fertilité du sol.

Poser la question:

Il faudra le cas échéant s'interroger sur:

Contraintes du projet

Les projets définis au préalable souffrent de nombreuses limitations. Ils se bornent souvent à des buts spécifiques et aux domaines particuliers dans lesquels ils peuvent mener des activités. Ces projets sont limités par les lois qui régissent la politique forestière nationale. Les gens auront-ils le droit de couper les arbres qu'ils plantent? Ont-ils le droit de vendre le charbon de bois qu'ils fabriquent? Outre les impératifs de transport et d'accessibilité du matériel, les projets subissent aussi la contrainte de leur dotation en personnel et de leurs moyens financiers. Ce que peut réaliser le projet et ce qu'il ne peut pas faire doit être parfaitement clair dans l'esprit des agents de terrain, afin qu'ils puissent faire passer le message sans ambiguïté aux communautés avec lesquelles ils vont travailler. Chercher à répondre aux questions suivantes peut être fort utile:

ou:

Organisation communautaire

On croit en général que la clé du succès des projets de foresterie communautaire réside dans les organisations communautaires — rassemblements de personnes ayant des raisons de travailler ensemble pour atteindre un objectif fixé.

Si le projet doit passer par le biais d'une organisation communautaire, il faut évaluer le potentiel des organisations communautaires préexistantes, ou nouvelles. Si le projet s'adresse aux agriculteurs à titre individuel, cette évaluation des organisations communautaires peut être inutile. Mais si le projet doit avoir pour effet de modifier l'utilisation des ressources, si les voisins doivent être contraints d'empêcher leur bétail d'aller pâturer sur tel terrain même après que la récolte ait été rentrée, pour protéger de jeunes plants, on ne pourra faire l'économie ni de discussions à l'échelon communautaire, ni d'un accord général, ni de l'adhésion des responsables locaux, officiels et autres.

Il est possible que des organisations opèrent déjà dans la communauté, et qu'elles puissent se charger d'activités supplémentaires ou, à condition d'être renforcées et appuyées, qu'elles puissent assumer de nouvelles fonctions.

Si on prévoit de recourir à une organisation existante, chercher à savoir qui la contrôle et si ceux qui la dirigent présentent les qualités souhaitées (souci d'une répartition équitable des bénéfices et de l'intérêt bien compris de la collectivité). Examiner les ressources en temps et en esprit d'initiative que peut offrir l'organisation. Peser le pour et le contre de la solution qui consisterait à lui confier des responsabilités supplémentaires. L'organisation existante est-elle capable de faire front? Cette réflexion facilitera la décision.

Expérience vécueSystèmes communautaires traditionnels
Une étude de cas consacrée à l'aménagement forestier traditionnel au Népal a fait apparaître que:
  1. les systèmes traditionnels se caractérisent essentiellement par la présence de normes institutionnalisées basées sur une forme de consensus entre les usagers. Les organisations officielles, quand il y en a, sont une superstructure (pas toujours indispensable) plaquée sur le modèle traditionnel. L'absence éventuelle de structure organisationnelle officielle ne signifie pas qu'il n'y a pas d'organisation à l'échelon local; pas plus que la disparition de structures officielles n'entraîne la disparition du système.

  2. souvent ce ne sont pas les comités qui sont le siège des décisions dans les systèmes traditionnels, et il est erroné de croire que l'existence ou l'absence de comité dénote l'existence ou l'absence d'institutions ou d'organisations locales efficaces. Dans les systèmes pilotés de l'extérieur, l'organisation officielle est souvent coupée des normes et des rôles institutionnalisés traditionnels, et par conséquent il est fréquent que ces organisations ne fonctionnent pas efficacement.

  3. ne pas tenir dûment compte des systèmes décisionnels des institutions locales limite grandement les tentatives des organismes extérieurs de mettre sur pied des systèmes efficaces d'aménagement forestier.

Source: Fisher et al (1989)

Dans une certaine région du Kenya, on a fait appel à des groupes de femmes, établis traditionnellement par liens de parenté et dont la fonction était de participer aux rites funéraires, pour diffuser des connaissances et faire de la vulgarisation en vue d'appuyer un programme d'établissement de pépinières et de plantation d'arbres. En Corée, des clubs de mères de famille ont créé des pépinières pour financer d'autres activités. L'expérience montre toutefois qu'il est souvent difficile à un groupe informel, réuni autour d'objectifs définis, de se charger de responsabilités d'un type entièrement différent.

Expérience vécueImportance du choix des leaders
Une étude de cas consacrée à deux communautés de l'ouest du Bengale a permi de constater que celle qui s'était choisi un leader appartenant à un groupe politique puissant s'était isolée du groupe cible, car sa sphère d'influence ne s'étendait pas jusqu'à lui, tandis que dans une communauté voisine, le chef de file était une personnalité apolitique, et son rayonnement s'étendait au groupe social tout entier.
Un autre exemple de ce phénomène vient du sud de l'Inde; les hommes qui géraient les rations alimentaires de la communauté les distribuaient inéquitablement, parce qu'ils avaient de nombreuses “faveurs” à rendre. Quand la gestion fut transférée à des femmes qui n'avaient pas de dette politique à rembourser, il devint possible d'obtenir une répartition plus équitable des vivres.
Au Soudan, où les femmes ne s'exprimaient pas dans les réunions communautaires, les responsables du projet organisèrent une réunion distincte, et un comité de six femmes fut constitué. Ce comité se réunissait séparément, puis rencontrait l'autre comité composé de six hommes. L'apport des femmes devait se révéler capital pour le succès des pépinières villageoises, l'essentiel de la main-d'oeuvre étant féminine. Les femmes obtinrent aussi une modification du choix des essences, car elles attachaient plus de prix aux essences fruitières et d'ombrage qu'aux essences de rapport (Acacia senegal).

Constituer une organisation nouvelle sur le modèle d'une organisation existante est une autre possibilité, qui a parfois donné de bons résultats. Par exemple un projet agroforestier au Soudan a façonné les nouveaux comités de pépinière sur le modèle des comités d'irrigation, qui fonctionnaient depuis plusieurs dizaines d'années.

Une fois qu'il aura ainsi procédé au choix des communautés, le personnel de projet aura une idée plus précise de:

3. ANALYSE DES PROBLEMES COMMUNAUTAIRES

“Les gens de l'extérieur qui arrivent avec des solutions toutes faites sont plus qu'inutiles. Il faut d'abord qu'ils s'efforcent de comprendre, en nous écoutant, quelles questions nous nous posons, qu'ils nous aident ensuite à mieux les formuler, et qu'ils nous aident enfin à trouver des solutions.”

Tilakaratna (1988)

3.1 ANALYSE DES PROBLEMES COMMUNAUTAIRES: OBJECTIFS ET DESCRIPTION

Une communauté est un ensemble complexe de personnes liées les unes aux autres et à d'autres communautés par des liens parentaux, économiques, religieux et sociaux. Selon la nature de ces relations, les communautés peuvent être unies ou divisées. Les liens entre membres d'une communauté sont souvent marqués par l'appartenance à une génération donnée, et profondément enracinés, comme le sont les solutions auxquelles fait appel la communauté elle-même pour affronter les crises ou les difficultés. Si les méthodes appliquées pour traiter les problèmes sont souvent efficaces dans des conditions normales, elles peuvent ne pas l'être quand les structures sociales se sont affaiblies ou quand des problèmes sans précédent se présentent.

L'Analyse des problèmes communautaires (APC) s'appuie sur les méthodes communautaires préexistantes de résolution des problèmes et sur les lois et structures traditionnelles pour aider les membres de la communauté à identifier et analyser leurs problèmes, et à leur trouver des solutions. Elle utilise ces mêmes structures pour faciliter les négociations entre la communauté, les groupes d'intérêts extérieurs, et les groupes d'utilisateurs. Souvent, grâce à l'aide d'un intervenant extérieur, les communautés ont l'occasion de sonder et d'explorer de nouvelles façons d'aborder et de résoudre les problèmes. Les nouvelles perspectives ouvertes pourront accroître la probabilité de trouver des solutions nouvelles.

L'objectif de l'APC dans la perspective des projets de foresterie communautaire est multiple:

Expérience vécueInterroger la communauté
“On ne s'est pas encore suffisamment donné la peine de demander aux populations rurales elles-mêmes d'exprimer leurs besoins et de dire de quelle manière on peut les aider ou quels sont les membres de leur communauté les plus vulnérables ou les plus démunis.”

Source: Chambers (1986)

3.2 QUAND PRATIQUER L'ANALYSE DES PROBLEMES COMMUNAUTAIRES

L'APC se pratique le plus souvent dans la phase initiale (conception) des projets, avant la mise en oeuvre; mais elle peut intervenir aussi à d'autres étapes. Bien des méthodes et des outils ont leur rôle dans la phase d'exécution: les exemples suivants illustrent à quels moments cette méthode peut être utile.

Expérience vécueUne vague sur la mer
Comme le disait un paysan philippin, les vulgarisateurs devraient être comme les vagues sur la mer; fait de la même eau, s'élevant au dessus de la surface quand on a besoin d'eux, et se résorbant dans la masse quand le besoin ne se fait plus sentir.
Non point la seule vague, et non point une vague si haute qu'elle écraserait les autres.

Source: Bhasin (1976)

3.3 DIRECTIVES POUR LES ANIMATEURS

L'APC repose sur les capacités d'analyse de la communauté locale et sur les structures communautaires existantes; les animateurs, qui ont vocation de faciliter le processus, devront le cas échéant savoir varier méthodes et outils pour s'adapter à une communauté donnée.

Certaines communautés sont en mesure d'analyser leurs problèmes sans concours extérieur, mais la façon de voir d'un intervenant extérieur contribue souvent à l'élaboration de solutions nouvelles. Selon l'efficacité des moyens traditionnels d'analyse et de communication de la communauté, l'animateur peut exercer un rôle important ou tout a fait mineur.

Les leaders reconnus, ou les groupes responsables, peuvent conduire le débat, ou bien de nouveaux leaders peuvent se dessiner au cours de la phase d'identification des problèmes. Si les outils APC permettent de faciliter l'opération, la communauté peut aussi, cela va de soi, mettre en oeuvre ses propres ressources pour résoudre le problème qui se pose.

Nous indiquons ci-après quelques principes à l'usage des agents de terrain pour leur permettre de mieux jouer leur rôle de “facilitateur”:

  1. Développer la sensibilité et les qualités d'écoute. Respecter et encourager les capacités existantes de la communauté, tout en sachant introduire des méthodes et outils aptes à les renforcer. Ecouter les histoires qui expliquent comment les problèmes ont été traités dans le passé, car cela permet de mieux comprendre comment la communauté perçoit et analyse son vécu.

  2. Faire appel à des interlocuteurs privilégiés capables de décrire la hiérarchie et les mécanismes du pouvoir dans la communauté. Les relations de travail avec les leaders locaux peuvent faire un projet ou le défaire, surtout quand le bénéficiaire prioritaire est censé être le groupe le plus pauvre; l'expérience montre qu'habituellement les leaders locaux doivent aussi tirer des bénéfices, qui peuvent être d'ordre politique, économique ou social.

  3. Dans les débats en groupe, obtenir des membres de la communauté qu'ils expliquent de quelle manière la communauté prenait jusqu'alors ses décisions. Cette méthode était-elle efficace? Pourrait-elle être améliorée? Comment?

  4. Présenter, clairement et honnêtement, les objectifs du projet, ses exigences, et les contributions attendues de la part de la communauté.

  5. Si nécessaire, suggérer des outils susceptibles de faciliter l'analyse des problèmes communautaires par la communauté. Avoir en tête les applications et les avantages des outils du DSEP.

  6. Faciliter l'identification des problèmes par la communauté, en déterminant ses capacités et ses besoins, et en la poussant à se fixer elle-même ses propres objectifs. Cela permettra au personnel de terrain et à la communauté de mieux juger si le projet et les objectifs communautaires sont compatibles, donc vraisemblablement réalisables.

  7. Aider la communauté à négocier lorsque des groupes d'intérêt antagonistes se manifestent en son sein ou vis-à-vis d'elle. Si le projet a vocation d'aider les plus défavorisés, il sera le cas échéant nécessaire de négocier avec l'ensemble de la communauté pour atteindre le groupe cible.

3.4 METHODES D'ANALYSE DES PROBLEMES COMMUNAUTAIRES

Dans le cadre de l'APC, la communauté doit répondre aux questions du type:

Il peut être utile d'établir un cadre d'analyse utilisant les mêmes catégories que celles qui sont employées par les intervenants extérieurs pour choisir les communautés, à savoir:

IDENTIFICATION DES PROBLEMES   
POTENTIEL DE LA COMMUNAUTE  
CONTRAINTES COMMUNAUTAIRES 
ORGANISATION COMMUNAUTAIRE

Identification des problèmes

L'identification des problèmes par la communauté accroît la probabilité que les deux parties s'attaquent au bon problème. Le travail d'identification aide à définir l'intérêt que porte la communauté aux problèmes, ce qui, à son tour, motive celle-ci à rechercher une solution réalisable.

Il faudra notamment répondre aux questions suivantes:

Nombreux sont les outils qui facilitent et recentrent la discussion, et aident la communauté à identifier les problèmes. Ces outils sont décrits à la section 8. Selon la situation particulière de la communauté, les outils suivants peuvent être utiles pour identifier les problèmes:

Il importe que les communautés sachent que le projet peut apporter une solution appropriée aux problèmes qui ont été identifiés. L'agent de terrain peut présenter la démarche et les objectifs du projet, et en discuter sans contrainte: les objectifs sont-ils raisonnables, les solutions proposées ont-elles été “testées et approuvées”, sont-elles encore “expérimentales” ou sont-elles des “paris à trois contre un”.

 Expérience vécueLe dessin au secours de la discussion 
 Un projet de commercialisation de volailles au Tchad (SONAPA) a fait appel au dessin, à la discussion et au classement pour aider la communauté à identifier les problèmes auxquels il se heurtait. Ces outils, en se combinant, ont permis de surmonter les difficultés de compréhension, tenant au langage, entre le personnel de projet et les villageois, et ont aidé ces derniers à découvrir des solutions à leurs problèmes. Voici quelques-uns des dessins utilisés: 
  Dessin repèreDéfinition du problèmeMesures discutées  
  Les allments pour anlmaux sont trop chers, même si la qualité est bonne pour le moment
  • Le prix devralt sulvre les cours des céréales sur le marché libre
  • N'acheter que des concentrés et des protélnes à ajouter aux céréales (mais il faudrait alors moudre nos propres céréales)
  
  Nous ne comprenons pas comment nous sommes payées par SONAPA pour les produits que nous livrons: ou on nous trompe, ou on fait des erreurs.
  • Il faut trouver un système compréhensible qui convienne aussi à SONAPA
  • Pas de retards dans les paiements!
  
  Quand nous allons vendre nos oeufs au marché, il est difficile de garder de l'argent, car tout le monde salt que nous avons du liquide et vient nous raconter ses problèmes.Nous préférons vendre à SONAPA, et être réglés mensuellement. De cette manière nous avons une somme disponible qui permet vraiment de faire quelque chose.  
 Le fait de dessiner introduit un élément ludique et contribue à établir des rapports entre le personnel de projet et les villageois. 

Source: Scheuermeir (1989)

Potentiel de la communauté

Il importe que la communauté discute et s'assure que les conditions nécessaires aux activités du projet sont réunies, ou peuvent l'être, en cherchant à répondre à la question:

On pourra répertorier les caractéristiques physiques de la zone et discuter des moyens de surmonter les contraintes ou de s'en accommoder.

Contraintes communautaires

De nombreux facteurs politiques ou économiques peuvent limiter la capacité des membres de la communauté à atteindre les objectifs prévus. Il importe de discerner ce qui peut être changé de ce qui ne peut l'être. L'accès à la terre ou aux produits des arbres, les structures du pouvoir au sein de la communauté, ou les disponibilités en main-d'oeuvre sont parfois autant de contraintes.

Or, discuter de ces contraintes est parfois très délicat, surtout quand les chefs de la communauté manoeuvrent aux dépens de certains membres du groupe. Certains craindront des sanctions si des questions délicates sont mises en évidence. Il importe donc de trouver les moyens de mettre ces problèmes en lumière et d'en prendre conscience. Certaines contraintes sensibles peuvent être constatées, mais mieux vaut peut-être ne pas s'y attaquer.

Expérience vécueCe qui sert l'un peut desservir l'autre
Ce qui est avantageux pour un groupe de personnes, par exemple une plantation communautaire permettant d'accroître l'approvisionnement de tel groupe en bois de feu ou en perches, peut être désavantageux pour un autre groupe, notamment en réduisant la base de ressources disponibles pour les éleveurs qui y faisaient paître autrefois leurs troupeaux.
Il importe que tous les points de vue soient pris en compte dans l'évaluation de la situation que fera la communauté. Le diagnostic participatif réalisé par les bénéficiaires et la communauté permet parfois de parvenir à une vision globale de l'intérêt commun.

Source: Hoskins (1986)

Organisation communautaire

Il importe aussi que la communauté analyse les possibilités offertes par les organisations existantes, ou par des organisations nouvelles. Il est intéressant de se poser la question suivante:

Il sera utile de dresser la liste des organisations existantes, officielles ou non, au sein de la communauté, et d'examiner quelles sont les ressources de chacune d'entre elles ainsi que leur aptitude à assumer des responsabilités supplémentaires. Si la création d'un nouveau comité ou d'une organisation est envisagée, cela peut se faire sur le modèle d'une structure déjà existante dans la communauté et qui a fait ses preuves.

Lorsque les membres de la communauté auront passé en revue leurs besoins, le potentiel matériel, les contraintes éventuelles, et les organisations-existantes ou à créer-qui pourraient mettre en oeuvre le projet, ils seront mieux à même d'exprimer clairement leurs propres objectifs, et de décider si ceux-ci sont compatibles avec les objectifs du projet.

3.5 DEFINITION DES OBJECTIFS DU PROJET PARLES COMMUNAUTES

Si les membres de la communauté ont suivi le processus d'APC et ont décidé qu'ils souhaitent collaborer avec le projet, ils auront déjà vraisemblablement une idée assez juste des objectifs du projet. Il serait alors utile de traduire ceux-ci en objectifs communautaires et/ou en objectifs des groupes bénéficiaires, de sorte que les objectifs choisis soient effectivement dans le droit fil des besoins, et compréhensibles pour toutes les parties concernées.

Par exemple, les objectifs suivants pourraient être fixés par les différents groupes:

Objectif du projet:accroître les disponibilités en bois de feu pour les paysans sans terre.
Objectif communautaire:limiter les effets de l'avancée du désert et de l'érosion éolienne;
Objectifs des bénéficiaires:accroître les disponibilités en fourrage; entretenir/ améliorer les ressources en bois de feu sur les terres communautaires et assurer l'accès à cette ressource.

La négociation et les contacts sont utiles non seulement parce qu'ils permettent d'énoncer clairement les responsabilités, mais aussi parce qu'ils permettent d'établir des accords explicites entre des groupes ayant des objectifs concurrents.

Dans l'exemple qui précède, la négociation peut aboutir à un contrat grâce auquel il est permis aux paysans sans terre de planter des espèces procurant fourrage et bois de feu sur les terres communautaires adjacentes aux terres agricoles privées (ce qui procure ainsi les avantages des haies brise-vent); de couper et de vendre le fourrage produit par ces haies; enfin de couper sélectivement ces boisements, et donc de les entretenir en satisfaisant leurs propres besoins de bois de feu. Il n'est pas improbable que beaucoup d'objectifs puissent être satisfaits, pour peu qu'ils soient énoncés et négociés avec imagination.

Après avoir réalisé l'Analyse des problèmes communautaires, la communauté, le groupe bénéficiaire et le personnel de projet sauront:

4. PROCESSUS PARTICIPATIF DE COLLECTE DES DONNEES DE BASE

“Trouver des partenaires est un authentique travail de communication”

Speich (1988)

4.1 DESCRIPTION DU PROCESSUS

Les données de base sont en général un ensemble de données descriptives et quantitatives, recueillies habituellement dans la phase initiale du projet, en vue de disposer d'une base de référence pour mesurer le changement. Elles résultent souvent d'enquêtes réalisées avec des questionnaires et sont contenues dans une documentation descriptive volumineuse. Elles sont essentiellement utiles aux intervenants extérieurs.

Longtemps la compilation des données de base et leur exploitation ont donné lieu à des problèmes regrettables: on posait trop de questions, mais pas toujours les bonnes; on rédigeait de gros rapports parfois difficiles à interpréter; la collecte des informations demandait beaucoup de temps et d'énergie, sans que les résultats soient tous utilisés avant l'évaluation finale (les données n'étaient donc pas un outil permanent de gestion); enfin les résultats n'étaient pas communiqués aux agents de terrain et aux communautés intéressés.

Un processus participatif de collecte des données de base, qui permet aux bénéficiaires ou à la communauté de prendre l'initiative de décrire ce qu'ils perçoivent comme important, peut porter remède à bien des problèmes rencontrés dans le passé et enrichir les données de référence dont les intervenants extérieurs peuvent avoir besoin. Procéder ainsi permet à toutes les parties de décrire situations et besoins, et de mesurer le changement de façon plus réaliste, plus accessible, plus facile à interpréter et plus compréhensible parce que les informations auront été choisies, recherchées et produites par la communauté elle-même. De surcroît la communauté et le projet pourront prendre plus de facteurs en compte pour la réalisation des activités. Enfin les résultats de ce travail ne seront pas archivés dans quelque bureau lointain: ils seront directement disponibles sur place.

Les données de base collectées de manière participative peuvent se présenter très différemment d'autres données plus “classiques”, mais elles remplissent souvent les mêmes fonctions, notamment:

4.2 INTERET DU PROCESSUS

Les données de base réunies avec la participation de la communauté remplissent diverses fonctions. Elles permettent:

4.3 DIRECTIVES POUR LES ANIMATEURS

L'agent de terrain, en tant qu'animateur, génère et procure les méthodes et les outils qui aideront la communauté à décider s'il convient ou non de réunir des données de référence, à déterminer quels sont les besoins d'information à tel ou tel moment, à choisir comment réunir les données et à savoir comment les analyser et les organiser.

Pour rassembler les données de référence, l'agent de terrain pourra le cas échéant juger souhaitable:

4.4 QUELQUES ELEMENTS-CLES

Clarifier les objectifs des bénéficiaires et du projet

Discutez des objectifs du projet lors d'une réunion de groupe. Si les bénéficiaires n'ont pas fixé leurs propres objectifs ni fait de tri parmi des objectifs concurrents, il peut être utile de déterminer en groupe les objectifs communs. L'objet de la réunion est de mettre en évidence les objectifs communs et les objectifs divergents, pour que chacun sache bien ce que les bénéficiaires et le projet peuvent espérer réaliser ensemble, et quelles seront les limites de leur interaction.

Clarifier avec les bénéficiaires l'objectif de la collecte des données de base

Discuter des différentes raisons de rassembler des données de base. Quels en sont les avantages? Que faut-il mettre en oeuvre?

Si les données de base doivent permettre aux bénéficiaires d'évaluer leurs besoins fondamentaux, les méthodes et les outils d'analyse des problèmes communautaires peuvent être utiles.

Si leur collecte permet de réunir des informations plus exactes (soit chiffrées, soit descriptives), il peut être utile d'examiner la façon dont ces informations seront exploitées, et le degré de précision requis. On pourra trouver les méthodes et les outils pertinents dans la section consacrée à la détermination des besoins d'information pour les séances d'évaluation.

Si la collecte des données de base peut aider les gens à comprendre la situation et les pratiques actuelles pour les améliorer au cours de la phase d'exécution, la discussion sur les besoins d'information pourra s'axer sur:

Si l'objet de la collecte de ces données est de réunir des informations sur une gamme d'activités distinctes, que l'on ne saurait toutes identifier dès le début d'un projet, il reste possible d'établir un système de références spécifiques, précises et complémentaires en cours de projet. Pour ce faire on pourra conduire des entretiens périodiques brefs, semi-structurés; ou bien faire réaliser des séries de dessins sur un sujet particulier.

Si enfin on souhaite seulement disposer de données de référence pour le suivi et l'évaluation futurs, il peut être utile de poser les deux questions suivantes et de trier les réponses pour en faire la synthèse et mettre en évidence les pratiques et attitudes existantes:

Identifier les informations-clés

Il n'est pas facile de distinguer les informations essentielles. Mais nous avons appris entre autres que le temps bien employé à ce stade est du temps gagné. L'erreur principale, la plus banale, la plus grossière, et la plus fréquente de surcroît, est de recueillir trop d'informations sans intérêt direct. Cela complique inutilement l'analyse, la restitution de l'information en temps opportun, et la présentation des données.

Utiliser la discussion de groupe et les documents disponibles (études antérieures et archives diverses) pour déterminer quelles informations sont réellement nécessaires. On pose souvent plusieurs questions pour cerner tel ou tel fait, d'où un excès de données. On évitera cet écueil en choisissant mûrement une ou deux questions qui permettront de faire apparaître l'élément d'information crucial.

Expérience vécueQuel degré de précision rechercher?
Chambers (1986) suggère que les informations n'ont pas nécessairement besoin d'être valables d'un point de vue statistique, mais peuvent en revanche se baser sur:
  • L'ignorance optimale: il importe de savoir ce qui ne vaut pas la peine d'être connu. Il faut du courage pour la mettre en pratique. Il est plus facile de continuer de poser des questions que de s'abstenir de demander.
  • L'imprécision appropriée: disposer de trop de données aboutit à un degré inutile de précision.

Source: Chambers (1986)

Il importe que la communauté ou les bénéficiaires choisissent non seulement les questions mais aussi leurs propres unités de mesure et leur propre forme d'expression.

Ces questions-clés servent parfois d'indicateurs, en ce sens qu'elles mesurent l'efficacité de telle approche ou la justesse de telle conclusion. On compte plusieurs types différents d'indicateurs; les plus courants sont les suivants:

Donner accès aux sources extérieures d'information

Les agents de terrain ou le personnel du projet peuvent disposer d'informations ou avoir accès à des sources qui ne sont pas immédiatement accessibles aux bénéficiaires.

Celles-ci sont disponibles dans les bibliothèques municipales, dans les services administratifs, voire sur les marchés urbains. Les communautés peuvent avoir besoin de connaître le statut juridique du régime foncier communautaire, ou les variations des prix des produits forestiers sur les marchés urbains.

Quand la communauté a besoin d'informations de l'extérieur, le personnel de terrain devra le cas échéant interpréter ou traduire les renseignements pour qu'ils soient utilisables dans le contexte local.

Les données statistiques du bureau local d'aménagement rural doivent être présentées de façon claire et directe.

Quelques directives

Tant les outils de collecte des informations que la forme de présentation doivent être appropriés à la communauté ou aux bénéficiaires visés. Se reporter à la section 8 pour choisir les outils appropriés.

Si l'on a besoin d'informations à la fois qualitatives et quantitatives, deux outils ou plus seront nécessaires pour réunir les données voulues. Toutefois la présentation pourra marier les informations des deux types pour situer les faits chiffrés dans leur contexte. On pourra par exemple mettre en scène la situation de la communauté, et les “acteurs” utiliseront les données chiffrées.

Comme ces données servent essentiellement de base de référence, il importe de les enregistrer de telle sorte qu'elles soient en sûreté et que l'on puisse y avoir commodément accès plus tard.

La collecte de données de base est pertinente, utile et créative. On peut y procéder à n'importe quel moment au cours du projet, chaque fois que l'on éprouve le besoin de disposer d'informations nouvelles. Une fois le travail initial achevé, la communauté et le personnel de terrain savent:

ExempleLe masque de référence
Soit par exemple, un projet visant à aider des sculpteurs sur bois à commercialiser leur production d'objets artisanaux de grande qualité (masques d'ébène); on peut envisager d'établir des données de base comme suit:
Les participants (les sculpteurs) peuvent décider que la “réussite” consisterait à tirer davantage d'argent de leur travail. Le genre de données de base à recueillir à leur intention est la ventilation moyenne actuelle des coûts et des prix pour chacun des intermédiaires (du producteur à l'acheteur final).
Cela leur permettrait d'établir quelle est leur part dans le prix final, et dans quelle mesure ils peuvent espérer qu'elle augmente, de façon réaliste. Ils auraient ainsi une référence pour juger du changement.
Les sculpteurs peuvent s'informer dans leur propre cercle, pour déterminer le prix moyen qu'ils reçoivent pour un masque, selon le marché où ils le vendent, ou selon les réseaux d'intermédiaires.
Les agents de terrain seront mieux à même de trouver les informations dans les centres urbains où sont revendus les masques. Ils pourront aussi enquêter auprès des marchands en gros.
Munis de ces renseignements, les sculpteurs peuvent tracer le “masque”, comme ci-après:
Sachant cela, les sculpteurs peuvent aussi mettre au point une stratégie pour accroître leur part de profit. Les mêmes informations, recueillies à nouveau à une date ultérieure, peuvent les aider à contrôler si leur marge s'est accrue, a baissé, ou est restée la même.

5. SUIVI PARTICIPATIF ET EVALUATION PERMANENTE (SPep)

5.1 DESCRIPTION

Le suivi participatif et évaluation permanente (SPep) est une méthode d'enregistrement et d'analyse périodique des informations que la communauté ou le bénéficiaire a estimées importantes.

Le suivi participatif (SP) est l'enregistrement des informations utiles pour garder trace des activités et/ou des progrès effectués quotidiennement, hebdomadairement, ou d'une campagne sur l'autre.

L'évaluation permanente (ep) consiste en une série de constats périodiques, à partir des informations du suivi, qui permet de se rendre compte de l'évolution des choses. Les activités sont-elles exécutées dans les délais impartis? Avance-t-on en direction des objectifs de façon satisfaisante?

Le schéma ci-après montre comment le SPep s'intègre dans le concept d'ensemble du DSEP. Les flèches indiquent le retour d'information du SPep en direction des activités et des objectifs, et l'articulation du SPep avec les autres méthodes du DSEP (Analyse des problèmes communautaires, Données de base et Séances d'évaluation).

A titre d'exemple, au point A l'évaluation permanente n'a rien révélé d'inhabituel, tout se déroulant comme prévu. Or au point B, l'évaluation permanente fait apparaître des problèmes. Pour mieux les connaître, on organise une séance d'évaluation à l'issue de laquelle on décide de modifier certaines activités. Il en résulte donc que le suivi ne portera plus exactement sur les mêmes aspects.

5.2 FINALITES DU SPep

Les raisons pour lesquelles le SPep se pratique peuvent varier, surtout selon les activités du projet; mais fondamentalement, ce processus fournit des informations qui contribueront aux décisions en répondant aux questions suivantes:

Le SPep répond à un ou plusieurs des objectifs suivants:

5.3 ELEMENTS-CLES

  1. Le SPep est dirigé et conduit par les bénéficiaires (ou la communauté) afin d'enregistrer et d'analyser systématiquement les informations qui ont été décrétées importantes.

  2. Le SPep est systématique et cohérent pendant toute la durée du projet, contrairement à un exercice ponctuel. Ce qui signifie que les participants devront avoir décidé dès le début du projet sur quoi doit porter le suivi, et comment et quand les données seront enregistrées et exploitées.

  3. Le SPep est aussi souple. Si ce qui fait l'objet du suivi ne donne pas d'informations utilisables, il est toujours temps d'opérer des corrections.

  4. Le SPep est localement pertinent. Les instruments de mesure sont choisis par la communauté: on peut mesurer les quantités de bois en fagots, en “guntas” ou en kilos, peu importe. Les outils d'enregistrement de l'information sont aussi choisis par la communauté.

  5. Le SPep est fondé sur des indicateurs-clés qui ont été établis par la communauté. Ceux-ci sont choisis en rangeant par ordre de priorité un certain nombre de questions pertinentes, chacune représentant un “paquet de questions” liées à un aspect particulier (se reporter au chapitre 4 pour plus de détails sur les indicateurs).

  6. Le SPep cherche constamment à équilibrer le suivi et l'évaluation permanente. L'équilibre “correct” varie selon nombre de facteurs, par exemple le caractère saisonnier des activités. Certains projets, comme la petite entreprise de transformation de produits forestiers, tiennent un livre de bord quotidien (suivi) et des réunions mensuelles pour récapituler et discuter les informations (évaluation permanente). D'autres types d'activités, par exemple le reboisement, peuvent se contenter d'enregistrer les faits (suivi) pendant les campagnes de plantation, et de procéder à une évaluation à la fin de chacune d'elles.

5.4 RECHERCHE-ACTION PARTICIPATIVE ET SPep

La recherche-action participative est le processus par le biais duquel les thèmes et les sujets de recherche sont influencés, sinon totalement déterminés, par les bénéficiaires locaux eux-mêmes. Les agents de terrain aident l'agriculteur à effectuer les essais in situ au début des activités de projet. Les résultats de ces expérimentations sont ensuite régulièrement intégrés dans les activités en cours. Chacun peut donc identifier des sujets de recherche nouveaux, qui seront ensuite communiqués aux organismes concernés.

Le SPep complète la recherche-action participative en procurant la méthode et les outils de collecte de l'information et d'analyse pour une recherche d'initiative locale. Certains outils utiles à cet égard sont décrits à la section 8.

Expérience vécueJustification de la recherche-action participative
Au Kenya, on a constaté que la recherche-action participative était utile pour les raisons suivantes:
  1. Les experts locaux parvenaient mieux que les chercheurs extérieurs à adapter de nouvelles méthodes au milieu physique et humain local.
  2. La maîtrise locale du changement valait mieux qu'une transformation rapide.
  3. Adapter les technologies existantes ou leur trouver des dérivés était plus facilement toléré par les agriculteurs que l'introduction de techniques entièrement nouvelles.
  4. La collaboration entre les acteurs internes et externes passait par le dialogue, qui établissait la confiance et faisait partager des buts communs.
  5. Le dialogue s'instaurait au sein de la communauté aussi bien qu'entre celle-ci et les chercheurs de l'extérieur.
  6. Des stratégies de changement résultaient de l'expérience couronnée de succès de membres de groupes défavorisés.

Source: Rocheleau (1986)

5.5 SUIVI DE LA PARTICIPATION POPULAIRE

Les intervenants extérieurs s'intéressent particulièrement à l'évaluation de la participation des bénéficiaires aux projets de mise en valeur forestière, car il s'agit là d'un facteur souvent déterminant pour la poursuite du financement du projet. Or les bénéficiaires ne portent pas toujours aux intérêts de tous les sous-groupes de la population la même attention que les intervenants extérieurs, pour lesquels la participation compte parmi les objectifs intrinsèques du projet. Il importe donc de savoir que la participation communautaire n'est pas nécessairement synonyme d'une participation égalitaire de tous les membres ou de tous les groupes qui composent la communauté. Certains des groupes qui auraient le plus à gagner ou à perdre peuvent être sous-représentés ou ne pas participer pleinement aux décisions. Même si l'on encourage la participation pendant toute la durée du projet, il peut être important de veiller, dans le cadre du suivi, à ce que toutes les personnes concernées et tous les groupes touchés aient voix au chapitre.

Si l'on décide qu'il sera utile ou nécessaire de réaliser un suivi de la participation, les bénéficiaires devront contribuer à définir ce qu'est cette participation, et identifier pour ce faire des indicateurs de participation appropriés.

La population locale pourra souhaiter savoir qui participe aux activités communautaires afin que les bénéfices en soient équitablement distribués. Mais les heures de participation concrète ne sont pas nécessairement la meilleure mesure des contributions de chacun. Un tel peut par exemple fournir quelques heures seulement de travail qualifié et être considéré par les autres comme ayant participé au travail commun tout autant que d'autres. Les communautés pourront choisir d'évaluer la participation sur la base de la complexité technique ou de la qualité du travail, plutôt qu'au temps passé. Deux heures de travail de menuisier peuvent valoir 20 heures de manoeuvre.

La participation étant un processus évoluant au fur et à mesure que le projet avance, les besoins d'informations sur cette participation pourront changer profondément avec le temps.

Les présences aux réunions peuvent être nombreuses pendant la phase “de présentation” du projet, puis à mesure que groupes et comités se chargent de prendre les décisions, la communauté n'aura plus qu'à être tenue informée. Les présences aux réunions seront moins nombreuses, surtout si les choses vont leur train. La fréquentation des réunions communautaires n'est donc pas nécessairement un bon indicateur de la participation.

5.6 LA METHODE

La marche à suivre ci-après résume la méthode du SPep. Elle s'adresse aux bénéficiaires. Le rôle du personnel de terrain est de faciliter son application et d'apporter son soutien en proposant, selon les nécessités, les outils adéquats.

  1. Définir le but du suivi et de l'évaluation.
  2. Définir ce qui doit faire l'objet du suivi.
  3. Définir comment seront suivies les variables.
  4. Définir qui assurera le suivi et conduira l'évaluation permanente.
  5. Définir quand le suivi doit être effectué.
  6. Définir quels outils utiliser pour le suivi.
  7. Définir à qui servira l'information et comment il convient de la présenter.
  1. Définir le but du SPep. En quoi le SPep est-il utile dans cette communauté? Pourquoi le SPep est-il utile à telle ou telle activité?

  2. Si l'on décide que le SPep sera utile, la décision suivante devra porter sur le choix des informations à recueillir pour le suivi.

    Dans un projet de foresterie communautaire, maints facteurs et variables peuvent faire l'objet d'un suivi (on pourra en effet avoir besoin de données tant techniques que socio-économiques). Il faudra done opérer un tri et déterminer quels sont les éléments-clés d'information (les indicateurs-clés). Ceux-ci sont décrits à la section 4.4.

    Pour définir les indicateurs-clés, les bénéficiaires peuvent reprendre l'inventaire des activités dont ils ont convenu. Pour chacune de ces activités, ils chercheront à déterminer quels éléments d'information leur permettraient de savoir, de manière permanente, si les activités se déroulent comme prévu.

    Les besoins d'information doivent être classés par ordre hiérarchique, et l'importance relative des données de différents types doit être clairement perçue par chacun des participants.

  3. Une fois déterminé ce qui doit être suivi (les indicateurs-clés), il est temps de décider comment les divers éléments seront suivis en pratique.

    Il appartient aux bénéficiaires de choisir les unités de mesure. Celles-ci varieront d'un pays à l'autre, voire d'une communauté à l'autre. On peut mesurer en guntas, en sacs ou en boîtes, peu importe. La plupart des communautés ont leur système usuel de mesure; s'il est employé de façon cohérente dans toute la communauté, les données peuvent ensuite être converties pour être comparées à d'autres, mesurées selon le système d'une autre collectivité.

    Il n'est pas toujours nécessaire (ou opportun) de procéder à des mesures exactes. Les ordres de grandeur et les tendances suffisent souvent. Ce qui importe, c'est que les indicateurs-clés que l'on utilise soient bien ceux qui comptent pour les bénéficiaires.

    Si le suivi porte aussi sur le qualitatif, le système de mesure des facteurs socio-économiques doit lui aussi être établi par les bénéficiaires. Il peut varier grandement d'une communauté à une autre.

  4. A l'étape suivante, il faut décider qui effectuera le suivi. Si le projet concerne la communauté toute entière (par exemple un projet de pépinière communautaire), on peut décider de faire payer un montant minime pour les jeunes plants, et de confier à un responsable l'entretien de la pépinière et la tenue d'un registre. Si le projet porte sur l'agroforesterie, les agriculteurs pourront tenir individuellement la comptabilité des opérations.

    Il importe que les bénéficiaires aient une idée claire de qui est responsable des différentes activités de suivi.

    La cohérence des informations du suivi peut être garantie par un appui du personnel de terrain au cours des séances de vulgarisation.

  5. Quand le suivi doit-il se faire? Le bon moment dépend des communautés, et de la nature des activités. Une fois que le moment d'effectuer le suivi a été arrêté, on peut décider quand procéder à l'évaluation permanente. A chaque campagne? tous les mois? tous les six mois?

    Pour l'évaluation permanente il faut intégrer les informations qui s'accumulent, et en faire l'analyse afin de pouvoir les présenter à ceux qui prendront les décisions. Il peut aussi être utile de réaliser, une fois par an, une enquête distincte pour établir le taux de survie des jeunes arbres.

    L'évaluation permanente peut être confiée à des petits groupes. Il est préférable de décider par avance de la composition de ces groupes, des instructions que le personnel de terrain devra leur donner, et d'un calendrier de réunions pour mettre en commun les résultats, les analyser et les présenter à l'ensemble du groupe bénéficiaire. L'intervention du personnel de terrain est parfois utile pour l'évaluation permanente, ou pour réaliser des tests de survie en pépinière. Les méthodes d'analyse et de communication des résultats sont décrites à la section 7.

  6. Les outils de suivi doivent être choisis en premier lieu pour leur adéquation aux activités du projet. Toutefois les facteurs culturels, sociaux, économiques et éducatifs de la communauté doivent aussi entrer en ligne de compte. Les outils doivent être proportionnés aux ressources du projet et des bénéficiaires (temps, compétences, matériel).

    Nombre des outils qui sont décrits à la section 8 sont propres au suivi et à l'évaluation permanente:

    D'autres outils peuvent venir se combiner à ceux qui précèdent, ou être adaptés pour remplir certaines fonctions particulières. Il ne faut pas hésiter à faire preuve d'imagination pour s'adapter aux situations.

  7. La question “qui a besoin de l'information et doit la recevoir?” peut être résolue à chacune des étapes que nous venons de voir. Les bénéficiaires devraient-ils mettre en commun leur expérience avec d'autres communautés pratiquant des activités analogues, avec leur propre communauté, ou la conserver pour eux? Comment s'y prendront-ils?

    Lorsque l'on pratiquera le SPep, on disposera pendant la durée du projet:


Page précédente Début de page Page suivante