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Chapitre 1
SCHEMA ANALYTIQUE POUR L'ETUDE DES PROJETS NIGERIENS DE FORESTERIE ET RESSOURCES FORESTIERES (continuer)

INSTITUTIONS ET REGLES OPERATOIRES

Les règles formant les structures ou institutions qui régissent des biens publics, des biens d'usage commun et des biens privés donnés, constituent le schéma au sein duquel les participants adoptent des stratégies en vue d'acquérir certains biens et d'arriver aux objectifs qu'ils se sont fixés. L'ajustement de ces règles aux caractéristiques intrinsèques des différents types de biens, les interactions qui en résultent et les résultats en matière de fourniture, gestion ou destruction, de la ressource publique, privée ou d'usage commun en question, sont autant de facteurs qui peuvent être évalués. L'adéquation des règles peut être déterminée. Les règles sont façonnées par les hommes. Elles sont formulées, appliquées et changées par eux. On peut éventuellement les changer pour améliorer — ou pour entraver — le fonctionnement de certaines institutions.

L'objet de cette section est une étude axée sur «les règles opératoires des entreprises actives»9, c'est-à-dire les règles des gouvernements et des groupes, officiels ou non, telles qu'elles sont appliquées en pratique aux problèmes que ces gouvernements et groupes doivent aborder. On peut analyser les règles opératoires d'entreprises actives telles que: le Gouvernement nigérien (GDN); le Service des Forêts et de la Faune, qui est une unité administrative dépendant du Gouvernement nigérien: le Projet du gao à Dosso; la ou les organisations gérant les brise-vent de la vallée de Majjia; la coopérative qui entreprend actuellement la cogestion de la forêt d'Etat de Guesselbodi, conjointement avec le Service des Forêts et de la Faune; et les villages et familles qui contrôlent les bois de village et bois de famille, plantés dans l'arrondissement de Matameye. Chacune de ces institutions peut être considérée comme une entreprise active qui réglemente certaines activités. L'analyse cherche à identifier comment un ensemble donné de règles opératoires régissant une activité influence le comportement des personnes participant à cette activité.

Deux ensembles de catégories conceptuelles juridiques sont analysés: les transactions d'autorisation et les transactions d'autorité. L'analyse montre comment il existe des rapports entre ces catégories, et comment les règles opératoires sont modifiées lorsque les cadres changent les rapports entre ces catégories, par l'exercice de leurs pouvoirs déterminants. De tels changements sont souvent marginaux et graduels, mais leur effet cumulatif oriente fortement les facteurs d'incitation et de dissuasion relatifs à la gestion des ressources. En comprenant les grands principes mécaniques des rapports juridiques et accordant une grande attention aux détails des rapports au sein de transactions particulières, les individus ou les groupes peuvent saisir plus nettement pourquoi les règles opératoires existantes engendrent les résultats qu'elles engendrent, et peuvent ainsi, le cas échéant, concevoir de nouvelles règles pour remédier aux issues indésirables et promouvoir celles qu'ils souhaitent. Dans le cadre de cette approche, on commencera par examiner un modèle partiel et extrêmement simplifié des rapports juridiques, et on procédera par étapes en introduisant de plus en plus de complexité, jusqu'à arriver à une approximation de la réalité.

Les transactions d'autorisation forment l'unité conceptuelle de base de l'activité légale. Les quatre éléments d'une transaction d'autorisation sont: droit, devoir, vulnérabilité et liberté. Ces quatre concepts permettent d'analyser les transactions entre citoyens. Ils mettent en évidence comment les règles peuvent être utilisées pour créer des incitations et des effets dissuasifs, et par conséquent orienter le comportement humain en rendant certaines actions attrayantes et d'autres rebutantes. Dans l'étude qui suit, les rapports entre droit, devoir, vulnérabilité et liberté, sont tout d'abord analysés et ensuite illustrés par trois exemples, ayant trait aux questions de gestion des ressources forestières. Ces trois premiers exemples sont délibérément statiques et extrêmement simplifiés.

Les transactions d'autorité sous-tendent et structurent les transactions d'autorisation. Les quatre éléments des transactions d'autorité sont: pouvoir, responsabilité, incapacité et immunité. Pour illustrer ces concepts, les trois premiers exemples sont modifiés afin de révéler dans quelle mesure les transactions d'autorité, de la part de cadres dans les entreprises actives, ou dans les unités de gouvernement qui réglementent la transaction en question, sont nécessaires pour appuyer les interactions des citoyens au sein de la transaction autorisée. Ces exemples sont ensuite utilisés pour expliquer comment on peut changer les règles, lorsque les citoyens et les cadres modifient la composition des transactions d'autorisation et d'autorité. Si ces exemples sont un peu plus proches de la réalité, ils n'en sont pas moins structurés intentionnellement de manière à fournir une version simplifiée des seuls rapports entre cadres, et entre cadres et citoyens.

Les pouvoirs déterminants des cadres sont ainsi appelés parce qu'ils déterminent le caractère précis des rapports d'autorisation dans toute transaction donnée. Les pouvoirs déterminants représentent la marge de manœuvre, grande ou petite, dont disposent les cadres des entreprises actives (cadres de gouvernement à tous les niveaux aussi bien que cadres de groupes bénévoles, associations et firmes). En examinant de près ces écarts, ou marges de manœuvre, et les occasions ou contraintes qui sont ainsi créées pour les cadres, nous révélerons les options — les possibilités de décisions personnelles affectant l'action — qui sont offertes aux cadres. Une telle analyse ne permet pas à un observateur de se représenter d'une manière déterminée les décisions que prendront les cadres. Mais, par rapport à une analyse qui accepterait les clauses et les intentions des règlements pour ce qu'ils semblent être, une approche basée sur l'évaluation des pouvoirs déterminants des cadres concernés permet une évaluation plus sûre et plus réaliste de l'éventail possible des comportements officiels. Elle fournit aussi à l'analyste une évaluation plus perspicace des probabilités de certains comportements officiels, compte tenu d'un ensemble donné de règles, parce qu'elle établit les règles opératoires qui en réalité guident les choix des hommes sous forme d'un couple donné de transaction liées: transaction d'autorité et transaction d'autorisation. Les exemples fournis ici illustrent ce point dans le contexte d'une juridiction locale hypothétique.

Enfin, l'examen des règles opératoires est rendu entièrement réaliste, du fait de l'évaluation des pouvoirs déterminants des cadres, non pas dans le contexte d'une seule entreprise active ou «juridiction», mais dans la complexité quotidienne de juridictions qui empiètent les unes sur les autres. On a fait figurer ici non seulement les juridictions du gouvernement national, mais aussi des échelons subalternes de l'administration, par exemple le département et l'arrondissement, des institutions telles que le Service forestier, le Service de l'élevage, et des projets. La liste des juridictions ou entreprises actives d'intérêt potentiel, comprend également les cantons et les villages. Ces juridictions peuvent très bien jouer le rôle d'entreprises actives, dont les cadres peuvent influencer et même assumer le contrôle des ressources forestières locales. Les groupements de jeunesse locaux («Samariya») et peut-être les groupes des coopératives mutuelles locales, tout comme les Conseils de la société de développement aux niveaux villageois et cantonal, peuvent aussi jouer un rôle influent en matière de contrôle des ressources forestières.

Transactions d'autorisation

Les règles opératoires10 fournissent la structure pratique sur laquelle reposent les rapports entre les hommes. Elles canalisent la conduite des hommes en divisant les comportements possibles en quatre catégories: obligatoire, permis, autorisé et non autorisé.11 Ces règles correspondent respectivement aux concepts juridiques de: devoirs, libertés, droits et vulnérabilité.12 Chacune de ces catégories, lorsqu'on la considère sous l'angle des incitations créées, produit chez les participants à une transaction, un encouragement, une occasion, un obstacle, ou bien une contrainte. Ces occasions et ces contraintes peuvent être ordonnées en suivant une gamme qui va de l'incitation positive la plus forte à l'incitation négative la plus forte, de la manière suivante:

Dans toute transaction, un droit et un devoir sont toujours en corrélation et équivalence, comme le montre la Figure 2 ci-après. La forte incitation positive du droit reflète exactement la forte incitation négative du devoir. Les variations de ces deux éléments sont en stricte corrélation: si le droit de A s'agrandit ou diminue, le devoir de B d'agir en conséquence — exécuter, supporter, ou éviter, selon le contexte de la transaction — fait de même. Les trois exemples qui suivent peuvent servir à illustrer ce point (voir pages 18, 19, 20 et 21).

Figure 2 (Tableau de base)
Transactions d'autorisation*

 CORRÉLATIONS ET ÉQUIVALENCES 
 Citoyen ACitoyen B 
VALEURS RÉCIPROQUES ET LIMITESDroitDevoir 
(forte incitation positive)(forte incitation négative) 
VulnérablitéLiberté 
(incitation négative)(incitation positive) 
    

* Adapté de l'ouvrage de Commons, Les assises juridiques.............. page 97

Dans l'exemple 1. A est copropriétaire et membre d'un groupe qui possède une ressource forestière en propriété commune. Le groupe, en tant qu'entreprise active, exerce un contrôle complet sur les arbres. Le copropriétaire A partage avec les autres copropriétaires un droit exercé contre tous les non propriétaires, leur imposant d'éviter l'entrée ou l'utilisation des produits forestiers de la parcelle boisée, à moins d'y avoir été autorisé. Les non propriétaires sont soumis à un devoir corrélatif et équivalent: éviter d'entrer dans la parcelle boisée ou d'utiliser ses produits sans autorisation. Ainsi dans cet exemple (voir la Figure 3 cidessous), la valeur du droit de A est équivalente à sa quote-part de la valeur des produits de la parcelle boisée.

Figure 3
Transactions d'autorisation

Illustration de l'exemple 1
Forte incitation des copropriétaires, à investir dans une parcelle boisée

 CORRÉLATIONS ET ÉQUIVALENCES
 Citoyen ACitoyen B 
 CopropriétaireNon propriétaire 
VALEURS RECIPROQUES ET LIMITEDDroitDevoir 
Toute l'année contre tous les non membres leur imposant d'éviter d'entrer dans parcelle ou d'utiliser produits sans autorisationToute l'année d'éviter d'entrer dans la parcelle ou d'utiliser ses produits sans autorisation 
VulnérabilitéLiberté 
Aucune concernant la concurrence des non membres pour les produits de la parcelle boiséePas de liberté de faire concurrence pour obtenir des produits de la parcelle 
    

Exemple 2. Ici, le devoir d'abstention des non propriétaires est réduit. Ils ont la liberté d'entrer dans la parcelle boisée durant trois mois de l'année pour ramasser le bois mort sur le sol. Le droit de tous les propriétaires d'imposer aux non propriétaires de rester à l'écart de la parcelle et d'éviter d'en prendre les produits sans autorisation, est réduit par corrélation, et dans une proportion équivalente.

La liberté de B et le risque couru par A sont également en corrélation et équivalence. Dans l'exemple 1, le risque couru par le copropriétaire A vis-à-vis du fait des non propriétaires en ce qui concerne la parcelle boisée et ses produits est nul et la liberté du non propriétaire B dans ce cas, est aussi nulle. Dans l'exemple 2, le risque couru par A augmente de manière égale et corrélative, avec la liberté de B. Durant la période de trois mois où l'accès est illimité, B est libre de ramasser le bois qu'il ou elle trouve sur le sol, et A court un risque lié aux conséquences de la liberté de B. A peut éviter de perdre du bois qui passera entre les mains de B, mais seulement s'il le ramasse avant l'arrivée de B. Si le copropriétaire A essaie de demander aux cadres de l'entreprise active gouvernant la parcelle boisée, d'empêcher le non propriétaire B, d'exercer sa liberté aux détriments de A, il constatera qu'il est sans recours, et qu'il risque de subir les conséquences des actions de B. Le copropriétaire A peut entrer en concurrence avec B, pour obtenir le bois tombé, mais A ne peut faire intervenir le pouvoir des cadres de l'entreprise pour empêcher B de lui faire concurrence pour l'obtention du bois mort, tombé durant la saison d'accès.

Dans toute transaction, la vulnérabilité de A est la réciproque et la limite de son droit, tout comme la liberté de B est la réciproque et la limite de son devoir. Si les droits augmentent, la vulnérabilité diminue, et vice-versa. Si les devoirs augmentent, les libertés diminuent, et vice-versa (voir la Figure 4 ci-dessous)

Figure 4
Transactions d'autorisation

Illustration de l'exemple 2
Incitation plus faible des copropriétaires à investir dans des parcelles boisées

 CORRELATIONS ET EQUIVALENCES 
 Citoyen ACitoyen B 
 CopropriétaireNon propriétaire 
VALEURS RECIPROQUES ET LIMITESDroitDevoir 
Durant neuf mois, contre tous les non membres leur imposant d'éviter d'entrer dans la parcelle et d'utiliserles produits sans autorisationDurant neuf mois, d'éviter d'entrer dans la parcelle et d'utiliser ses produits 
VulnérabilitéLiberté 
A la concurrence des non membres pour les produits de la parcelle boisée durant trois moisDurant trois mois liberté de concurrencer pour l'obtention des produits de la parcelle 
    

Exemple 3. Cet exemple est fondé sur les réalités contemporaines du Niger, et il montre comment les changements apportés aux règles peuvent modifier les occasions offertes aux producteurs ruraux. La plupart des exploitants nigériens ont quelques arbres dans leurs champs. Souvent, un fort pourcentage de ces arbres appartient à des essences protégées. Ces arbres poussent sur des terres privées, mais les arbres mêmes n'appartiennent pas légalement aux propriétaires. Il est difficile aux propriétaires d'exclure d'autres utilisateurs de l'exploitation des arbres durant les six mois de l'année où il n'y a pas de cultures ou de récoltes dans les champs et où les propriétaires des champs n'ont pas de raison de s'y trouver. Les arbres pourraient être considérés, étant donné la faisabilité de l'exclusion, des biens d'usage commun, parce qu'on ne peut exclure les utilisateurs qu'avec difficulté, et que la consommation des produits forestiers produits par ces arbres est séparable et non conjointe. Toutefois, ces arbres sont considérés — au titre de la politique forestière d'Etat — comme des biens de propriété commune au niveau national.

Les exploitants possédant les terres où ces arbres protégés poussent, du point de vue officiel, partagent les droits aux produits forestiers de ces arbres avec tous les autres utilisateurs potentiels. Ils partagent aussi un devoir corrélatif et équivalent avec tous les autres utilisateurs, celui d'éviter de couper des produits forestiers quelconques, sur les arbres morts ou vifs, des essences protégées poussant sur leurs propres terres, à moins d'en recevoir l'autorisation et seulement à ce moment là. L'autorisation pour l'accès à ces arbres s'obtient au moyen d'un permis remis par un représentant du Service des Forêts et de la Faune. Ce permis accorde au porteur une liberté limitée et définie de récolter une certaine quantité de bois. En théorie, le bois doit être récolté dans une zone spécifiée. Les propriétaires de champs avec des arbres d'essences protégées sont aussi potentiellement vulnérables, comme tous les autres membres du groupe d'utilisateurs, du fait de la liberté de récolter du bois sur leur propriété dont jouit quiconque portant un permis légal (voir la Figure 5a ci-dessous).

Figure 5a
Transactions d'autorisation

Illustration de l'exemple 3
Le code forestier crée des droits et devoirs généraux, limitant formellement l'accès aux arbres des espèces protégées en tant que propriété commune nationale

 CORRELATIONS ET EQUIVALENCES 
 Citoyen ACitoyen B 
 Tout utilisateur éventuel des espèces protégées, y compris propriétaire du champTous les utilisateurs éventuels des espèces protégées, y compris propriétaire du champ 
 DroitDevoir 
VALEURS RECIPROQUES ET LIMITESQue tous les autres utilisateurs éventuels évitent de récolter sans permis du service forestierD'éviter de faire une récolte sur tout arbre d'espèce protégée sans permis du service forestier 
 VulnérabilitéLiberté 
 Aucune concernant la récolte faite par les autres sans permis du service forestierAucune liberté de faire une récolte sur un arbre d'espèce protégée sans permis du service forestier 
    

Suite de l'exemple 3. Les propriétaires de champs sont également soumis à un devoir spécial, qui dépasse et domine le cadre de cet ensemble de droits, devoirs, libertés et vulnérabilité — partagé avec tous les autres utilisateurs. Ce devoir consiste à surveiller toute récolte illégale de produits forestiers d'essences protégées pratiquée sur leurs terres. Les propriétaires doivent défalquer de la valeur des bénéfices qu'ils tirent du maintien d'espèces protégées sur leurs terres, en matière de protection de l'environnement et de régénération du sol, le montant des coûts des patrouilles de surveillance sur leurs terres. Ils doivent aussi déduire de cette valeur le montant des amendes13 que les forestiers peuvent leur infliger légalement, si les arbres sont récoltés sans autorisation explicite du forestier, et si le propriétaire n'identifie pas le coupable.

Les bénéficiaires de ces devoirs des propriétaires, c'est-à-dire les détenteurs de droits, sont tous les utilisateurs éventuels, y compris les propriétaires eux-mêmes. Ces bénéficiaires jouissent du droit imposant aux autres utilisateurs d'éviter de récolter des produits forestiers, à moins d'autorisation accordée par les forestiers (voir la Figure 5b ci-dessous).

Figure 5b
Transactions d'autorisation

Illustration de l'exemple 3
Le devoir spécial du propriétaire du champ affaiblit son incitation à promouvoir les espèces protégées sur son champ

 CORRELATIONS ET EQUIVALENCES 
 Citoyen ACitoyen B 
 Tous les autres utilisateurs éventuelsPropriétaire du champ 
 DroitDevoir 
VALEURS RECIPROQUES ET LIMITESQue le propriétaire du champ empêche toujours les récoltes non autorisées des arbres d'espèces protégées sur son champD'empêcher toute récolte des arbres d'espèces protégées sur son champ sans permis du service forestier 
 VulnérabilitéLiberté 
 Aucune concernant la récolte par d'autres sans permis du service forestierAucune liberté de récolte sur les arbres d'espèces protégées sans permis du service forestier 
    

Transactions d'autorité

Droits, devoirs, libertés et vulnérabilité — les éléments juridiques des transactions d'autorisation — sont les éléments fondamentaux des transactions, et les unités constitutives des règles opératoires de toute entreprise active. Ces éléments créent les incitations, fixent les limites et établissent le cadre du comportement des parties dans toute activité. Mais ces catégories juridiques n'ont pas le pouvoir de se faire respecter. La création, la mise en application, et la modification des règles opératoires des entreprises actives se poursuivent par l'entremise de transactions d'autorité, qui font intervenir les cadres des entreprises. Le droit appartenant à un individu peut être soutenu grâce à la puissance d'un cadre. Dans la transaction d'autorité typique, le détenteur d'un droit obtient d'un cadre d'une entreprise active qu'il force un individu, sujet à un devoir vis-à-vis du détenteur de droit, à observer son devoir. Le pouvoir du Cadre 1 est en corrélation et équivalence avec la responsabilité (devoir de rendre compte) du Cadre 2, qui doit faire respecter par l'individu soumis au devoir corrélé et équivalent, l'obligation d'exécution, d'acceptation, ou d'abstention. La Figure 6 illustre les rapports entre les transactions d'autorisation et celles d'autorité (voir page 23). Le pouvoir et la responsabilité sont en corrélation et équivalence. Ils définissent le droit de A et le devoir de B dans toute situation. De la même manière, l'incapacité et l'immunité se trouvent en position de corrélation et équivalence, et définissent le risque couru par A et la liberté de B dans toute situation. Tout comme le risque et la liberté sont les réciproques du droit et du devoir, et les limitent, on voit que l'incapacité et l'immunité sont respectivement les réciproques du pouvoir et de la responsabilité, et les limitent. On peut, là encore, fournir des illustrations, tirées des exemples précédents et qui aideront à éclaircir ces concepts.

Dans l'exemple 1, à la page 18, le copropriétaire A possède un droit contre tous les non propriétaires, selon lequel ils doivent s'abstenir d'entrer dans la parcelle boisée ou d'utiliser ses produits sans autorisation. Supposons qu'une femme du village commette une infraction à cette règle en entrant furtivement dans la parcelle boisée et en ramassant du bois mort pour allumer son feu. Elle est surprise par l'un des propriétaires — une autre femme — qui la convoque devant le chef de village. Le chef de village (Cadre 1 de la Figure 7, voir page 24) réunit un tribunal composé d'anciens du village et du chef de l'association des propriétaires de parcelles boisées. Il écoute la plainte, vérifie les faits, conclut que la plainte est justifiée, et décide d'exercer son pouvoir en tant que chef de village — entreprise active — pour faire respecter le droit. Pour ce faire, il ordonne à son plus jeune frère (Cadre 2 de la Figure 7) d'accompagner la femme coupable de l'infraction jusque chez elle, et soit de récupérer le bois de chauffage ramassé de manière illicite, soit de recouvrer une somme d'argent équivalente. Le frère, qui a la responsabilité d'obéir (qui rend compte) à son ancien 14 accompagne la femme et récupère le bois. De cette manière, il souligne en termes pratiques le devoir qu'a celle-ci d'éviter d'utiliser les produits forestiers de la parcelle boisée. Il rend le bois au chef de l'association des propriétaires de la parcelle. Le chef de l'association revendique le bois pour s'en servir dans son foyer, pratique acceptée qui le défraie en partie des coûts représentés par la direction de l'association.

Dans l'exemple 2, à la page 19, les non propriétaires peuvent ramasser le bois mort tombé durant trois mois de l'année. Supposons qu'un copropriétaire voie une femme non propriétaire ramasser du bois, mais durant la période d'accès libre. Il se trouve que le copropriétaire est dans la parcelle boisée à la recherche de bois de chauffage. Le copropriétaire n'a pas trouvé assez de branches tombées pour satisfaire ses besoins et dépose une plainte contre la femme non propriétaire. Le chef de village, après avoir écouté la plainte et vérifié les faits, conclut qu'il se trouve dans l'incapacité de forcer un autre cadre du village — entreprise active — à exercer une contrainte de restitution. L'autre cadre, le jeune frère du chef, dans les circonstances de cette interaction, jouit de l'immunité: il n'a pas à rendre compte à son supérieur. Ceci, à son tour, donne une valeur à la liberté de la femme non propriétaire: les cadres de l'entreprise active se refusent de l'empêcher de ramasser du bois dans la parcelle boisée durant la saison d'accès libre. Le copropriétaire de l'exemple 2 est en situation de vulnérabilité, et la non propriétaire possède la liberté de ramasser du bois durant la période spécifiée. La liberté de la non propriétaire a pour reflet l'immunité du Cadre 2, le jeune frère, qui ne peut être forcé par le Cadre 1, le chef, à aller récupérer le bois mort ramassé (voir Figure 8, page 25).

Figure 6 (tableau de base)
Transactions d'autorité*

 CORRELATIONS ET EQUIVALENCES
 Cadre 1Citoyen ACitoyen BCadre 2 
VALEURS RECIPROQUES ET LIMITESPouvoirDroitDevoirResponsabilité 
(contrôle fort)(forte incitation positive)(forte incitation négative)(fort assujettissement) 
IncapacitéVulnérabilitéLibertéImmunité 
(pas de contrôle)(incitation négative)(incitation positive)(pas d'assujettissement) 
      

* Adapté de l'ouvrage de Commons, Les assises juridiques…page 118

Figure 7
Transactions d'autorité

Illustration de l'exemple 1
Le droit du copropriétaire l'année durant et sa non vulnérabilité créent de fortes incitations à investir dans la parcelle boisée

 CORRELATIONS ET EQUIVALENCES
 Cadre 1Citoyen ACitoyen BCadre 2 
 Chef de villageFemme copropriétaireFemme non propriétaireFrère du chef 
 PouvoirDroitDevoirResponsabilité 
 D'ordonner à son frère de forcer la femme non propriétaire à rendre le bois ou à payerD'imposer à la femme non-propriétaire d'éviter toute récolte dans parcelle sans permissionD'éviter de récolter dans parcelle sans permissionVis-à-vis de l'ordre de son frère de forcer la femme non propriétaire à rendre le bois ou payer 
 IncapacitéVulnérabilitéLibertéImmunité 
 Aucune concernant la capacité de faire appliquer règle d'accès à parcelleAucune concernant la récolte par un tiers sans permissionAucune liberté de récolter sans autorisationAucune vis-à-vis de l'ordre de son frère de faire appliquer règle d'accès à parcelle 
      

Figure 8
Transactions d'autorité

IIllustration de l'exemple 2
Le droit des copropriétaires contre la concurrence exercée par les non propriétaires étant réduit à neuf mois, et le risque de concurrence de la part des non propriétaires étant augmenté et porté à trois mois, les incitations à investir dans la parcelle sont affaiblies

 CORRELATIONS ET EQUIVALENCES 
 Cadre 1Citoyen ACitoyen BCadre 2 
 Chef de villageFemme copropriétaireFemme non propriétaireFrère du chef 
 PouvoirDroitDevoirResponsabilité 
VALEURS RECIPROQUES ETLIMITESD'ordonner à son frère de forcer la femme non propriétaire à rendre le bois, ou à le payer — durant neuf mois de l'année seulementD'imposer à la femme non propriétaire d'éviter toute récolte dans parcelle sans permission (effectif seulement durant neuf mois de l'année)D'éviter de récolter dans parcelle sans permission (applicable seulement durant neuf mois de l'année)Vis-à-vis de l'ordre de son frère de forcer la femme non propriétaire à rendre le bois ou à payer — durant neuf mois de l'année seulement 
IncapacitéVulnérabilitéLibertéImmunité 
D'empêcher les non propriétaires d'entrer ou récolter dans parcelle durant trois mois de l'annéeA la concurrence de la part des non propriétaires pour récolte de bois tombé dans parcelle durant trois mois de l'annéeDe récolter le bois mort tombé dans la parcelle durant trois mois de l'annéeVis-à-vis de l'ordre de son frère de faire appliquer la règle d'accès à parcelle contre non propriétaires récoltant du bois tombé durant trois mois de l'année 
      

Pouvoirs déterminants des cadres

Les pouvoirs déterminants des cadres sont des éléments critiques dans tout système de règles opératoires. Les pouvoirs déterminants sont les pouvoirs qu'un cadre est libre d'exercer pour formuler, faire appliquer ou modifier des règles, soit seul, soit de concert avec d'autres. L'étendue des pouvoirs déterminants d'un cadre est en partie liée à la situation, mais elle est aussi étroitement liée aux fonctions publiques exercées. Certaines d'entre elles, l'office de dictateur par exemple, accordent au titulaire un pouvoir considérable sur la teneur et la mise en application des systèmes de réglementation. De plus, dans les dictatures authentiques, les pouvoirs du dictateur ne sont pas soumis au contrôle d'autres personnes.

Les pouvoirs déterminants des autres types de cadres, par exemple les gardes forestiers ruraux, sont beaucoup plus limités en étendue, et sont en général soumis au contrôle légal d'autres cadres. Ils n'en sont pas moins fort importants. En fait, la survie des ressources forestières nigériennes peut dépendre, dans une très grande mesure, de la manière dont les gardes forestiers exercent leurs pouvoirs déterminants. En leur qualité d'agents du maintien de l'ordre en matière de ressources forestières, les gardes forestiers agissent généralement, à la fois comme agents exécutifs et comme juges administratifs. Bien que leurs décisions puissent être contestées par les citoyens frappés d'amendes pour des infractions aux règles du Code forestier, il est rare que des plaintes soient déposées. Les forestiers en poste local peuvent être aussi étroitement contrôlés par leurs supérieurs. C'est le cas de certains. D'autres opèrent d'une manière beaucoup plus autonome. Ces derniers jouissent donc d'une marge de manœuvre très étendue dans les décisions qu'ils prennent au sujet de l'application des règles du Code; ces décisions déterminent quelles seront les règles opératoires pour la gestion et l'utilisation des ressources forestières dans les zones qu'ils surveillent.

Les pouvoirs déterminants des chefs de village peuvent également être considérables. Les deux exemples cités plus haut peuvent servir à illustrer ce point. Dans l'exemple 1, la plainte déposée devant le chef provient d'un copropriétaire de la parcelle boisée. Le chef peut décider si le non propriétaire a enfreint les restrictions d'accès et les règles d'utilisation. S'il estime que le copropriétaire plaignant ne contestera pas sa décision en faisant appel devant quelque juge d'instance supérieure, ou quelque cadre ayant l'autorité voulue pour réviser le verdict, il estime donc qu'il jouit dans ce cas de pouvoirs déterminants, y compris le pouvoir de remettre en question les règles d'utilisation. S'il décide qu'il n'y a pas eu d'infraction, il réduit les droits et augmente la vulnérabilité de tous les propriétaires de la parcelle boisée, et simultanément, il réduit les devoirs d'abstention des non propriétaires et augmente leur liberté d'exploiter à leur gré le bois mort tombé dans la parcelle. Si cette décision demeure incontestée, cela indique le début d'une tendance vers une nouvelle règle opératoire d'utilisation et d'accès. Si un nombre suffisant de décisions ultérieures étaient conformes à ce précédent, la parcelle boisée de propriété commune serait convertie en une parcelle boisée d'accès libre que tout le monde aurait la liberté d'utiliser à son gré, c'est-à-dire qu'on serait en présence d'une situation de non gestion.

Dans l'exemple 2, qui est illustré par la Figure 8, à la page 25, le chef est de nouveau appelé à résoudre un conflit. S'il tranche en faveur de la personne non propriétaire qui est entrée dans la parcelle au cours de la saison d'accès libre de trois mois pour ramasser du bois mort sur le sol, il maintient ce qui semble être, dans ce cas supposé, la règle opératoire applicable. S'il tranche en faveur du plaignant, il propose d'éliminer le caractère d'accès libre que la parcelle boisée est présumée avoir durant trois mois de l'année. Là encore, l'étendue de son pouvoir déterminant est fixée par le désir et la capacité des citoyens de contester sa décision en faisant appel devant un autre tribunal.

Dans l'exemple 3, illustré par les Figures 9a et 9b, aux pages 29 et 30, les forestiers nigériens en poste local jouissent de pouvoirs déterminants importants. Ils peuvent par exemple décider s'ils le veulent de ne pas tenir compte des infractions au Code, en courant un très faible risque d'être découverts et de faire l'objet de sanctions. Il y a peu de forestiers en poste local, et leurs supérieurs ont rarement le temps de superviser de près le travail de leurs subordonnés. Beaucoup de forestiers locaux semblent avoir exploité la latitude inhérente à cette situation en matière d'exercice des pouvoirs déterminants, en faisant payer des pots-de-vin à ceux qui veulents' approprier une partie des ressources forestières, ou à ceux qui sont pris sur le fait, sans permis. En échange du pot de vin, le fonctionnaire réduit le montant de l'amende ou bien ne tient pas compte de l'infraction. Si, d'un autre côté, un forestier local impose les amendes prévues aux propriétaires de champs qui sont incapables d'identifier les individus ayant commis des infractions au Code dans leurs champs, il transforme la clause formelle du Code en une règle opératoire de fait, au sein de sa juridiction.

Selon la manière dont ils exercent les pouvoirs déterminants, les cadres établissent, maintiennent, et modifient les règles opératoires des entreprises dont ils sont les membres et les agents. Il est important de reconnaître que le concept de pouvoir déterminant dépasse celui d'une liberté d'action laissée aux cadres, bien qu'il l'englobe. Le concept de pouvoir déterminant est d'une importance critique parce qu'il révèle comment, dans la pratique, les règles officielles sont traduites, manipulées ou négligées. Il souligne également la manière dont les responsables officiels peuvent effectuer des modifications importantes agissant sur une marge dont dépend la distribution des incitations positives et négatives, ces dernières encourageant ou entravant les formes de comportement désirables.

INTERACTIONS

Partant des caractéristiques attribuées à la nature des biens et aux règles opératoires, les hypothèses concernant les individus représentatifs suggèrent que les gens adopteront des stratégies de maximalisation dans le cadre des règles du jeu. C'est-à-dire qu'ils essaieront d'exploiter les occasions qui leur sont offertes, et qu'ils observeront les contraintes dans la mesure requise par ceux qui font appliquer les règles. La mesure dans laquelle les populations rurales assurent, en coproduction, la police des ressources forestières, est une variable importante qui entre dans la définition du caractère des règles opératoires. En ce qui concerne les ressources forestières, il est raisonnable de s'attendre à ce que les gens ne fassent pas, volontairement, d'investissement dans la production du bien public qu'est la gestion de l'environnement. Il faut plutôt penser qu'ils ne le feront que si une certaine forme d'organisation gouvernementale, mise en place localement à titre officiel ou officieux, ou de type officiel et imposée du dehors, leur garantit à un degré acceptable que tous vont se conformer aux règles de gestion des ressources forestières15. En l'absence d'une telle situation, la plupart compteront simplement sur les autres pour faire l'investissement nécessaire leur permettant de profiter en tant que pique-assiette. Toutefois, si le titre de propriété relatif à tous les arbres, de toute essence, poussant sur les champs ou les terres en friche, était transféré aux propriétaires de ces terres, et si la mise en application de ces droits était faisable à des coûts de transaction raisonnables, alors certains propriétaires investiraient certainement dans les arbres, en tant que biens privés pour leurs objectifs privés. En augmentant le volume des ressources forestières, ils aideraient à produire le bien public qu'est la gestion de l'environnement. Savoir si le niveau de gestion de l'environnement qui en résulterait serait suffisant est une question empirique.

On peut s'attendre, toutefois, à ce que les gens gèrent les ressources d'usage commun en vue de rendements soutenus, si l'on remplit certaines conditions. L'une des premières conditions à satisfaire, est que ces gens aient des droits de propriété clairement reconnus sur la ressource, et que ces droits créent des occasions d'investissement dans le renouvellement et la gestion de la ressource. Sans cela, la ressource est en fait un bien d'accès libre. Les investissements faits par certains peuvent être récoltés, sans autorisation, par d'autres. Dans ce cas, investir dans l'entretien ou l'enrichissement de la ressource devient un comportement irrationnel. En outre, les groupes de gestion de la propriété commune doivent avoir l'autorité nécessaire pour formuler, modifier et faire respecter les règlements d'utilisation des ressources forestières. Ils doivent aussi avoir accès, à peu de frais, à des responsables officiels habilités à résoudre les conflits provoqués par ces actions. Cependant, il n'est pas suffisant d'avoir simplement accès à ces cadres officiels. Ceux-ci doivent accorder aux représentants des groupes de gestion des ressources forestières de propriété commune, une réponse sensible aux problèmes locaux. Deux autres conditions importantes doivent être satisfaites: le groupe de gestion doit être réduit, et l'orientation en faveur de la gestion des ressources forestières doit être largement partagée. Le premier de ces facteurs tend à réduire les coûts d'information liés au contrôle du comportement des membres du groupe d'utilisateurs. Le second aide à créer un consensus sur le besoin de règles de gestion. Un certain nombre d'autres conditions favorables à la gestion des ressources d'usage commun ont été formulées durant la Conférence sur la gestion des ressources de propriété commune.16

On peut s'attendre à ce que les producteurs ruraux fassent des investissements en faveur des ressources forestières privées et qu'ils les gèrent, si les coûts liés au respect des droits de propriété sont acceptables et si la demande pour des utilisations sur le site ou de consommation est suffisante. Les coûts entraînés par la mise en vigueur du respect de la propriété représentent ici un facteur critique: autrefois, les producteurs ruraux intéressés par la plantation d'arbres, la pratiquaient en général dans des jardins clôturés, ou dans des enceintes de groupe d'habitations, où les arbres étaient protégés des animaux errants, et où les droits de propriété relatifs aux arbres des propriétaires des terres étaient, dans certaines limites, respectés par les forestiers.

RESULTATS

Les résultats sont les conséquences de schémas d'interaction découlant des stratégies adoptées par des participants qui cherchent à maximiser leurs propres intérêts personnels. Ces conséquences affectent en général d'autres personnes qui ne jouent parfois aucun rôle direct dans les actions entreprises pour produire, gérer ou utiliser les biens visés, ainsi que des participants engagés dans l'action. Les résultats peuvent être évalués à la lumière de différents critères. L'efficacité et l'équité sont des critères courants.17 Dans le cas de projets de ressources forestières, l'efficacité de la préservation de la base de ressource, ainsi que de la satisfaction des besoins de consommation et de la distribution des bénéfices sur une base équitable seraient des critères d'évaluation appropriés. S'il est exact qu'en théorie, ils peuvent être tous les deux mesurés, les exigences méthodologiques liées à une analyse exacte des structures de distribution sont très poussées, et cette entreprise ne pourrait figurer dans le contexte de cette rapide analyse institutionnelle. Il est un peu plus facile de mesurer approximativement l'efficacité de la préservation des ressources forestières ou de leur extension, par simple comparaison d'une série de photographies successives d'une zone donnée, ou d'images fournies par satellite. Des estimations des conditions «avant et après», tirées de la mémoire, sont également utiles mais doivent être utilisées avec précaution.

Figure 9a
Transactions d'autorité

Illustration de l'exemple 3
Règles formelles du Code forestier

 CORRELATIONS ET EQUIVALENCES 
 Cadre 1Citoyen ACitoyen BCadre 2 
 Forestier de l'arrondissementTous utilisateurs éventuels des arbres d'espèces protégéesCeux qui utilisent en fait arbres d'espèces protégées sans permisForestier de terrain 
VALEURS RECIPROQUES ET LIMITESPouvoirDroitDevoirResponsabilité 
D'ordonner au forestier de terrain d'imposer des amendes aux utilisateurs qui récoltent sans permis du service forestierQue tous les autres utilisateurs éventuels évitent de récolter sans permis du service forestierD'éviter récolte ou de payer l'amendeD'imposer une amende aux utilisateurs qui enfreignent le code 
IncapacitéVulnérabilitéLibertéImmunité 
D'ordonner au forestier de terrain d'imposer des amendes pour récoltes sur arbres d'espèces non protégéesVis-à-vis des autres utilisateurs qui récoltent sur des arbres d'espèces non protégéesDe récolter sur les arbres d'espèces non protégéesVis-à-vis de l'ordre du forestier d'arrondissement d'imposer des amendes pour récoltes sur arbres non protégées 
      

Figure 9b
Transactions d'autorité

Illustration de l'exemple 3
Le forestier d'arrondissement ne contrôle pas le forestier de terrain, et les utilisateurs éventuels ne contestent pas la décision du forestier de terrain

 CORRELATIONS ET EQUIVALENCES 
 Cadre 1Citoyen ACitoyen BCadre 2 
 Forestier d'arrondissementTous utilisateurs éventuels des arbres d'espèces protégéesCeux qui utilisent en fait arbres d'espèces protégées sans permisForestier de terrain 
VALEURS RECIPROQUES ET LIMITESPouvoirDroitDevoirResponsabilité 
D'ordonner au forestier de terrain d'imposer des amendes aux utilisateurs qui récoltent sans permis du service forestierLimité à ce que tous les autres utilisateurs éventuels évitent de récolter sans permis du service forestierLimité au paiement d'une amende pour récolte sans permis du service forestier seulement s'il n'y a pas pas d'arrangement plus favorable avec forestier de terrainD'imposer amende pour récolte illicite seulement si risque de découverte par forestier d'arrondissement ou de plainte par les autres utilisateurs 
IncapacitéVulnérabilitéLibertéImmunité 
D'ordonner au forestier de terrain d'imposer des amendes pour récoltes sur arbres d'espèces non protégées sans permisVis-à-vis des autres utilisateurs qui récoltent sans permis sur des arbres d'espèces non protégées grâce à arrangement avec forestier de terrainDe récolter sur des arbres d'espèces protégées sans permis si un arrangement favorable a pu être passé avec forestier de terrainVis-à-vis de l'ordre du forestier d'arrondissement d'imposer des amendes pour récoltes sur arbres d'espèces non protégées sans permis 
      

Conclusion
— Applications du schéma à l'analyse des projets

Les institutions, y compris celles qui s'engagent dans des projets de production et de gestion des ressources forestières, doivent refléter dans leur conception la nature des biens qu'elles essaient de produire. Lorsqu'on néglige ces aspects, on conçoit souvent des solutions inappropriées. En conséquence, les projets échouent. Les institutions qui sont mises en place pour gouverner à la fois des rapports de marché et des rapports hors marché, sont des productions humaines. Elles créent des ensembles d'incitations positives et négatives, appuyant certaines structures de comportement et en décourageant d'autres. Si ces incitations correspondent bien à la nature des biens qui forment les cibles du projet — si les modèles sont bien ajustés — on améliore les chances d'appuyer les activités du projet.

Dans le contexte de cet examen rapide de quatre projets de foresterie, organisés et mis en œuvre au Niger, l'approche initiale pour chaque cas a consisté à déterminer la nature du bien formant la ressource forestière. Cette détermination est axée, comme on l'a noté, à la fois sur le caractère fondamental du bien, et sur la technologie disponible pour la reproduction, la gestion, la protection et la récolte. On a ensuite recueilli les données auprès du personnel du projet, des forestiers nigériens, et des producteurs ruraux (agriculteurs et pasteurs-éleveurs) participant à chaque projet, pour obtenir leurs points de vue sur les règles opératoires du projet et sur les stratégies adoptées par différents individus représentatifs, agissant dans leur intérêt personnel, en ce qui concerne la gestion des ressources forestières. Finalement, on a tenté d'indiquer brièvement les résultats de chaque projet en tenant compte des critères d'efficacité en matière de protection, de gestion et d'amélioration des ressources forestières locales.

Cette analyse arrive à des conclusions sur la gestion qui entrent en conflit avec certains des principes sous-tendant le Code forestier nigérien, et s'opposent en particulier à l'interprétation donnée à ces principes jusqu'à ces dernières années. Les principes et l'interprétation dont nous parlons, reflètent l'hypothèse implicite qu'une grande partie des ressources forestières nigériennes devrait être considérée comme ressource de propriété commune, ou bien public. Comme on a pu le voir plus haut, ces hypothèses semblent très réalistes. Les ressources forestières produisent certains biens publics, par exemple la stabilisation de l'environnement, qui ne sont pas sujets à exclusion et dont la consommation est conjointe (non compétitive). Par ailleurs, au Niger, les ressources forestières assument souvent le caractère de ressources d'usage commun. Il est difficile d'exclure un groupe d'utilisateurs en commun (qui souvent, il faut le noter, ne sont pas propriétaires). En même temps, les utilisateurs se livrent à des utilisations de ces ressources séparables, et potentiellement compétitives. Le Code forestier nigérien, comme on l'a noté, reconnaît implicitement ce fait.

C'est lorsqu'on considère le niveau auquel il faudrait assurer la gestion des biens publics et des ressources d'usage commun que le Code et le raisonnement analytique présenté ici divergent. Le Code suppose explicitement que ces deux activités sont des fonctions nationales. La fourniture du bien public qu'est la gestion de l'environnement, tout comme la gestion des ressources forestières et bassins versants, ressources d'usage commun, qui jouent un rôle critique en matière de stabilisation, régénération, et enrichissement de l'environnement nigérien, incombent explicitement au Service des Forêts et de la Faune. Le directeur de ce service peut, aux termes des paragraphes du Code, transmettre des pouvoirs d'autorité à ses subordonnés pour qu'ils mettent en application et fassent respecter les règlements du Code. Les subordonnés sont responsables de la gestion des forêts nationales, des «zones protégées» et des «essences protégées», partout où elles poussent. Etant donné la manière fortement autonome dont la plupart des forestiers nigériens en poste local doivent s'acquitter de leurs fonctions, et l'ampleur du contrôle sur les ressources dont ils sont investis, ils jouissent en pratique de pouvoirs déterminants assez étendus. Les producteurs ruraux qui possèdent des terres sont toujours requis, aux termes du Code forestier, de veiller à l'observation des dispositions de ce Code sur les terres qu'ils contrôlent. Ceci s'applique en particulier au cas de 15 essences protégées, jugées par les auteurs du Code comme constituant des arbres particulièrement importants, soit pour la fourniture de produits forestiers de consommation, soit pour des usages sur le site ne comportant pas de consommation. Tandis qu'il est demandé aux propriétaires de terres de dissuader les utilisateurs de ressources forestières de se livrer à des pratiques illicites sur leurs terres, ils ne peuvent eux-mêmes faire respecter les dispositions du Code en ayant recours à des cadres officiels des juridictions générales locales aisément accessibles. Ils ne peuvent pas non plus recouvrer des compensations monétaires ou autres pour dommages, de la part d'utilisateurs qui ébrancheraient ou couperaient des essences protégées. Ces dispositions découlent du fait que le Code traite les ressources forestières comme un bien public et une ressource de propriété commune au niveau national, indivisible.

L'analyse présentée ici suggère fortement qu'il serait possible d'arriver à une fourniture beaucoup plus efficace du bien public qu'est la stabilisation de l'environnement, et de mieux assurer la gestion des ressources forestières d'usage commun, en déléguant les pouvoirs relatifs aux ressources forestières à des unités locales plus réduites. Autrement dit, s'il est vrai que la stabilisation de l'environnement est clairement un bien public, les dispositions pour sa fourniture peuvent être organisées, en majeure partie, au niveau local. Cette transmission de pouvoir en matière de ressources forestières donnerait aux juridictions locales — générales ou spécialisées — assumant l'autorité pour les dispositions et décisions de gestion quotidiennes, ainsi que pour l'organisation à long terme et le financement de ces activités, le pouvoir de formuler, modifier et mettre en application des règles concernant ces ressources. Les citoyens et les cadres officiels locaux pourraient demander de l'aide pour faire respecter les règlements locaux, en cas d'utilisation non autorisée, mais ils n'encourraient aucune incapacité légale les empêchant de modifier ou de maintenir les règles d'utilisation des ressources forestières.

En revanche, la logique de l'analyse vient appuyer une tendance de fait, apparue au Niger depuis plusieurs années, selon laquelle on a augmenté la participation des producteurs ruraux et des utilisateurs de ressources forestières à la gestion des arbustes pour bois de chauffage et brout, des ressources pour poteaux de charpente et brise-vent, et des bassins versants. Si, dans la plupart des cas, ce mouvement ne fait que commencer à être mis en pratique, et souvent avec une certaine hésitation, au niveau local, et à se traduire par la prise de pouvoir associée des producteurs ruraux, il y a de fortes chances pour qu'il continue lentement à prendre de l'ampleur. Pour cette raison, les méthodes analytiques de cette étude devraient se révéler d'une utilité croissante dans les années à venir, à mesure que les producteurs ruraux, avec le soutien du gouvernement nigérien, de ses fonctionnaires et de ses techniciens, et avec l'appui du personnel des agences de financement, essaient de mettre au point des solutions viables en matière de systèmes locaux de gestion des ressources forestières.

NOTES DE FIN DE CHAPITRE

1 Fred Weber, Examen des CILSS Forestry Sector Program Analysis Papers (Documents d'analyse du Programme du secteur forestier du CILSS), préparé pour USDA/OICD/TAD/ww -AID/USDA/USFS, P.O. 40-3148-3-00156 (Washington, DC: Forestry Support Programm, 1982), p.15.

2 Cette section se réfère dans une large mesure à l'ouvrage de Vincent Ostrom, The Intellectual Crisis In American Public Administration (La crise intellectuelle de l'administration publique américaine), rév. éd. (Université de l'Alabama: University of Alabama Press, 1974) pp. 50–52.

3 Le satisfecit indique un comportement qui suppose la recherche d'une solution à un problème qui soit acceptable, plutôt que celle de la solution optimale. Le satisfecit est un comportement rationnel dans des conditions d'information incertaine. Les coûts d'information que comporterait la recherche de la solution optimale (qui sont acceptables dans des conditions d'information parfaite et même s'il y a risque) sont considérés si élevés que le coût dérivant de l'identification de cette solution devient prohibitif. Les individus agissant dans leur propre intérêt, dans des conditions d'information incertaine, peuvent donc donner leur satisfecit (accepter une solution inférieure à la solution optimale) et agir cependant de manière rationnelle.

4 Cette section s'inspire largement de l'ouvrage de Ronald. J. Oakerson, «A Model for the Analysis of Common Property Problems» (Modèle d'analyse des problèmes liés aux biens de propriété commune) dans les «Actes de la Conférence sur la gestion des ressources de propriété commune», préparés par le Groupe de gestion des ressources de propriété commune/BOSTID/OIA/NRC (Washington, DC: National Academy of Sciences Press, 1986), pp. 13–29. Parmi les autres ouvrages pertinents, celui d'Elinor Ostrom, «A Method of Institutional Analysis» (Méthode d'analyse institutionnelle), dans Guidance, Control, and Evaluation in the Public Sector, éd.par F.X. Kaufmann, G. Majone et V. Ostrom (Berlin/New York: Walter de Gruyter, 1986), pp. 459–75. Voir aussi Vincent Ostrom et Elinor Ostrom, «Public Goods and Public Choices» (Biens publics et choix publics), dans Alternatives for Delivering Public Services: Toward Improved Performance, éd. par E.S. Savas (Boulder, Colo: Westview Press, 1977), pp. 7–49.

5 Elinor Ostrom emploie le terme «unités d'usage» aussi bien pour les biens consommables produits par une ressource de propriété commune (fruits, fourrage, poteaux de construction produits par les ressources forestières) que pour la circulation qu'une structure comme un pont ou une route peut supporter. Ostrom «Issues of definition and Theory: Some Conclusions and Hypotheses» (Questions de définition et de théorie: quelques conclusions et hypothèses), dans Actes de la Conférence sur la gestion des ressources de propriété commune, préparés par le Groupe de gestion des ressources de propriété commune/BOSTID/OIA/NRC (Washington, DC: National Academy of Sciences Press, 1986), pp. 604–605.

6 Ostrom et Ostrom, Alternatives for Delivering…, pp. 20–22.

7 Manucur Olson, The Logic of Collective Action: Public Goods and the Theory of Groups (La logique de l'action collective: biens publics et théorie des groupes) (Cambridge Mass: Harvard University Press, 1965) pp. 43–52.

8 Vincent et Elinor Ostrom, «A Theory for Institutional Analysis of Common Pool Problems» (Théorie d'analyse institutionnelle des problèmes liés aux ressources d'usage commun), dans Managing the Commons, éd. par Garrett Hardin et John Baden (San Francisco, Calif: W.H. Freeman, 1975) pp: 157–172.

9 John R. Commons, Assises juridiques du capitalisme (Madison, Wis: University of Wisconsin Press, 1957; première publication à New York en 1924 par Macmillan), pp. 65–213.

10 John R. Commons, Assises juridiques...., pp. 134–142.

11 Commons, Les assises juridiques...., pages 147 – 148.

12 Commons, Les assises juridiques...., pages 65 – 100, en particulier page 97.

13 Si ces amendes ne se montent pas, en général, à des sommes considérables, elles peuvent représenter l'équivalent en espèces de 100 kg ou plus de mil, l'aliment de base. Une famille de six (deux adultes, deux adolescents et deux enfants) consomme environ cinq kilos de mil par jour.

14 Il faut noter que dans cet exemple, on suppose que le frère n'est pas un cadre élu ou nommé par un étranger à l'entreprise, par exemple le chef de canton ou le chef de l'arrondissement. Il est plutôt un assistant «officieux» du chef de village, mais reconnu localement comme représentant l'autorité gouvernementale du village en tant qu'entreprise active. En ce sens, il est un cadre de l'entreprise.

15 C. Forde Runge, «Propriété commune et action collective dans le développement économique», publié dans Actes de la Conférence sur la gestion des ressources de propriété commune publié par le Groupe sur la gestion des ressources de propriété commune/BOSTID/OIA/NRC (Washington, D.C. National Academy of Sciences Press, 1986), pages 31 – 52, en particulier p 42 – 48.

16 Ostrom, Actes de la Conférence…, pages 608 – 612.

17 Oakerson, Actes de la Conférence…, pages 21 – 22


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