2.1 Les arbres et le microclimat
2.2 Rideaux-abris, érosion des sols et rendement des cultures vivrières
2.3 Le rôle des arbres dans la prévention de lérosion hydrique
2.4 La protection fournie par les forêts dans les zones critiques ou dangereuses
2.5 Forêts et disponibilités en eau
2.6 Forêts, sédiments et qualité de leau
2.7 Les forêts et le climat de la planète
2.8 La forêt, faiseuse de pluie?
2.9 Forêts et ressources génétiques
Une production vivrière durable nécessite un milieu favorable et stable. A léchelon local, comme à léchelon régional et mondial, les arbres et la forêt peuvent avoir une influence profonde sur lenvironnement. En protégeant les sols de lérosion, en stabilisant les pentes, les rivages exposés et autres zones fragiles, ils peuvent contribuer à préserver lintégrité des terres agricoles. Ils peuvent aussi exercer une influence sur les régimes climatique et hydrologique, qui sont tous deux fondamentaux pour lagriculture.
Dans certains cas, les bienfaits écologiques des arbres sont immédiatement apparents. Les ravages de lérosion sont caractéristiques, par exemple, lorsquune pente abrupte a été déboisée. Mais dautres facteurs environnementaux sont beaucoup plus difficiles à mesurer. En particulier, aux échelons régional et mondial, il est souvent difficile de distinguer les effets liés aux arbres dautres facteurs. Un certain nombre de controverses continuent dêtre nourries, et toutes les convictions à la mode sur les avantages des arbres ne sont pas étayées par des preuves scientifiques. Il faut donc être prudent lorsque lon examine les rapports environnementaux entre foresterie et sécurité alimentaire. Il importe de distinguer les effets incontestables avec lesquels il faut compter de ceux qui restent du domaine de la spéculation, et peuvent dépendre étroitement des conditions locales.
2.1.1 Température et humidité
2.1.2 Ombre
2.1.3 Influence sur lhumidité du sol
Les interactions entre les arbres et la production vivrière sont particulièrement visibles à léchelle du micro-milieu. Il a été démontré quen exerçant une influence sur la température, lhumidité, la disponibilité en eau dans le sol et léclairement, les arbres plantés dans les zones agricoles ont des effets divers sur le microclimat du lieu.
Le couvert des arbres peut avoir une influence considérable en modérant la température de lair et du sol, et en accroissant lhumidité relative (Lal et Cummings, 1979). Ces deux effets sont en général bénéfiques à la croissance des cultures, et sont mis à profit dans de nombreux systèmes dagroforesterie (Weber et Hoskins, 1983; Vergara et Briones, 1987).
La matérialisation de ces avantages théoriques dépend de la densité du couvert. Un arbre isolé qui se dresse en terrain agricole ne saurait avoir quun effet mineur et localisé. Plus le système sapparente, de par la structure de la voûte et lespacement des arbres, à la forêt dense, plus les effets sur lhumidité et la température sont sensibles.
Lombre que projettent les arbres a des effets positifs et des effets négatifs. Lombre portée sur les cultures ou les herbages réduit lactivité de photosynthèse, et au-delà dune certaine densité, ralentit la croissance. Soumises à un ombrage prolongé ou permanent, la plupart des plantes annuelles et des plantes pérennes intolérantes à lombre meurent. Mais la présence darbres modifie également la température et lhumidité, et ces deux facteurs peuvent largement compenser la perte déclairement.
Ainsi dans certains cas, la quantité dombre privilégiera certaines cultures plutôt que dautres. Certains types de caféiers, par exemple, sont délibérément cultivés en situation mi-ombragée. On utilise notamment Grevillia robusta comme essence dombrage dans certaines zones dAmérique latine. Lun des noms de Gliricidia sepium en espagnol est «madre de cacao» (mère du cacaoyer), ce qui dénote son usage généralisé pour ombrager les plantations. Au Sri Lanka, différentes essences sont utilisées en association; certaines plantations de théiers, souvent les mieux conduites, sont ombragées par Albizia lebbek ou Grevillia robusta, et par une frondaison intermédiaire de Gliricidia sepium ou dErythrina sp.
Lombre peut aussi être très favorable aux animaux délevage, surtout sous les climats chauds (Daly, 1984). Même si les herbages sont moins abondants sous les arbres, la perte est compensée par la protection quoffre chaque arbre aux bêtes et aux gens contre la chaleur du soleil en milieu de journée. Même les arbres isolés sont de grande valeur dans les régions arides ou semi-arides, comme dans les zones sahélienne et soudanienne en Afrique, où «chaque arbre est une oasis» (Gorse, 1985).
Ace propos, lessence africaine Acacia albida présente la caractéristique peu courante de ne pas porter de feuilles à la saison des pluies, et donc de ne pas porter dombre sur les cultures pratiquées sous son couvert, tandis quà la saison chaude et sèche sa frondaison dense offre un ombrage fort utile au bétail (Weber et Hoskins, 1983). Le fumier saccumule là où les bêtes restent au repos, ce qui profite aussi bien à larbre quaux cultures pratiquées alentour (Bonkoungou, 1985).
Le bilan net des avantages de lombrage nest pas toujours facile à établir. Dans les grands systèmes de monoculture intensive, lombre peut être en fin de compte désavantageuse, tandis que dans des systèmes moins intensifs, sur les petites exploitations et sur des sols modestement productifs, elle aura de nombreux avantages (Beer, 1987). Les facteurs spécifiques au site sont de première importance. Les avantages de lombre sont liés au climat et au sol du lieu envisagé, ainsi qu aux espèces végétales considérées. Pour le cultivateur, individuellement, les exigences propres des arbres et la possibilité de commercialiser leur produit représentent aussi des facteurs importants.
Les avantages comparatifs des arbres, que doit évaluer lagriculteur lorsquil détermine la densité optimum dombrage sur ses cultures, sont bien mis en évidence dans une étude réalisée dans le nord-est de la Thaïlande, où les arbres sont couramment présents dans la plupart des rizières. Lombrage quils procurent est la principale raison de leur conservation sur les terres agricoles. A la saison chaude et sèche, le bétail se repose longuement à lombre, et pâture à proximité. Les agriculteurs connaissent bien les inconvénients dun ombrage trop dense pour le riz (croissance plus rapide à plus grande hauteur, qui dispose à la verse, tallage moindre, moins de grains et grains moins pleins), mais ils jugent que les avantages lemportent sur les inconvénients, et ils maîtrisent lombrage en élaguant périodiquement les arbres. Phyllantus potythyllus est tout particulièrement apprécié, car son feuillage relativement peu dense donne une ombre claire. Ses racines contribuent à stabiliser les diguettes fragiles, et ses branches servent de tuteur pour les haricots, servent à construire des clôtures, donnent du bois de feu et sont utilisées pour la carbonisation (Grandstaff et al., 1986).
Les arbres agissent sur lhumidité du sol à leur voisinage immédiat. Linterception des précipitations par le feuillage a une influence sur la quantité dhumidité qui atteint le sol. Sous un arbre à feuillage dense, la quantité deau qui atteint le sol lors dune averse légère et courte peut être nulle ou très faible. Ce nest que lorsque toutes les feuilles sont saturées deau que la majeure partie de la pluie atteint le sol. En outre, tout arbre modifie la répartition de lhumidité atteignant le sol. Leau peut tomber au travers du couvert (entre les feuilles), sécouler des feuilles, ou ruisseler le long des branches et de la tige. Lécoulement dépend alors de la forme de larbre. Les plantes de létage inférieur peuvent trouver un micro-milieu particulièrement hospitalier aux endroits où le ruissellement venant du tronc ou du feuillage est le plus abondant.
Lévaporation qui se produit sur la cime des arbres entraîne une perte deau pour le sol. Dans les régions humides, cette évaporation élimine de 10 à 30 pour cent des précipitations annuelles brutes (Vis, 1986). Même si une certaine évaporation se produit à partir de toute surface où leau séjourne provisoirement, les pertes occasionnées par le feuillage des arbres sont en général supérieures à celles qui se produisent dans une litière de feuilles, ou sur un couvert végétal bas, surtout en raison de lirrégularité et de la hauteur des couronnes des arbres (Hamilton et Pierce, 1986).
Le prélèvement deau opéré par les racines des arbres peut aussi avoir un effet notable sur la disponibilité en eau. Leffet sur le rendement des cultures dépendra toutefois de la mesure dans laquelle un déficit hydrique éventuel limitera le développement des plantes. Plus lenvironnement est sec, plus le prélèvement risque de poser problème. Cet effet est par ailleurs variable selon les essences; les arbres dont lappareil racinaire se développe à lhorizontale près de la surface du sol concurrencent les cultures bien plus que ceux dont les racines senfoncent profondément.
2.2.1 Les arbres dans la lutte contre lérosion
2.2.2 Autres avantages des rideaux-abris
2.2.3 Effets des rideaux-abris sur le rendement des cultures
Lun des effets les mieux démontrés des arbres sur leur environnement immédiat tient au fait qu ils réduisent la vitesse du vent. Dans beaucoup de régions du monde, les agriculteurs plantent des coupe-vent, ou des rideaux-abris complexes composés de plusieurs essences, pour protéger les cultures, les cours deau et canaux, les sols et les établissements humains. En outre, les rideaux-abris sont la première arme à utiliser pour stabiliser les dunes de sable.
Nombreux sont les exemples que lon pourrait citer. De hautes rangées de Casuarina bordent en Egypte des milliers de canaux et de champs irrigués. Au Tchad et au Niger, des rideaux-abris composites protègent de la désertification de vastes espaces agricoles. En Chine, un programme massif est en cours depuis quelques années pour établir un «filet forestier» sur toute la superficie de la région menacée que constituent les plaines du centre. Ce filet est un réseau maillé de rideaux-abris, qui entourent chacun de 4 à 26 hectares de terres agricoles, selon la gravité des effets du vent. La principale essence plantée est Paulownia sp., en raison de la profondeur de ses racines et de son ombrage relativement léger.
Réduire la vitesse du vent permet de prévenir dans une large mesure lérosion éolienne et les dommages quelle provoque (Chepil, 1945). Les dommages en question vont de la perte de la terre de surface, riche en nutriments, aux atteintes physiques subies par les plantes et le bétail, et à lensevelissement des champs cultivés. Cest quand ils sont secs et dénudés que les sols sont les plus sensibles à lérosion éolienne. Le surpâturage et toute activité agricole qui enlève le couvert végétal protecteur exposent les sols aux effets du vent. Les risques augmentent avec la durée pendant laquelle les sols restent nus et avec le degré de siccité de la terre.
Eucalyptus plantés pour former un rideau-abri (Tunisie)
Un rideau-abri bien conçu et réalisé peut avoir un effet considérable sur la vitesse du vent au niveau du sol. Quand la barrière ainsi constituée se trouve exactement perpendiculaire à la direction du vent, cet effet se fait sentir sur une distance atteignant 5 à 10 fois la hauteur du rideau du côté au vent, et 30 à 35 fois cette hauteur du côté sous le vent. Même de faibles réductions de la vitesse du vent peuvent avoir des effets sensibles sur lérosion, en partie parce que les sols sèchent moins vite après les averses.
Les rideaux-abris composites constituent des barrières semi-perméables au vent sur toute leur hauteur. Le rideau prend alors une forme particulière, et sa durée de vie est prolongée en mêlant des essences à croissance plus ou moins rapide. Mélanger les essences permet en outre de se prémunir contre les attaques inopinées de maladies ou dinsectes qui pourraient détruire complètement les peuplements purs. Les arbres en formations clairsemées, comme les peuplements dAcacia albida dans la savane arborée dAfrique de lOuest peuvent avoir pour effet de perturber lécoulement des filets dair, ce qui rejoint en partie leffet des rideaux-abris plantés par lhomme.
Outre quils réduisent lérosion éolienne, les rideaux-abris favorisent lagriculture de diverses manières:
· ils contribuent à laction préventive contre les dommages causés par les vents forts (Guyot, 1986). Les vents dont la vitesse est supérieure à 8 m/s, par exemple sont capables de briser les rameaux et les petites branches des arbres fruitiers. Cette perte de surface apte à la photosynthèse réduit la production, et peut nuire à la floraison et à la fructification lannée suivante. Les plantes sont particulièrement sensibles aux vents forts au moment de la floraison ainsi que lorsquelles portent leurs fruits, qui peuvent être endommagés ou arrachés. Dans le cas des céréales, le risque de cassure de la tige et de chute de lappareil aérien (verse) augmente à mesure que la plante approche de la maturité;· la protection assurée par les rideaux-abris contribue à réduire le taux de perte en eau des cultures par évapotranspiration; cette protection est sensible sur une largeur pouvant aller jusquà 30 fois la hauteur du rideau darbres (Konstantinov et Struzer, 1965);
· la réduction de la vitesse du vent permet déchapper à la modification physiologique indésirable des plantes cultivées, par exemple la réduction de la surface foliaire, donc du taux de photosynthèse, qui caractérise certaines espèces lorsquelles sont exposées à des vents forts (Whitehead, 1965);
· arbres et rideaux-abris offrent une protection au bétail, en particulier aux jeunes animaux, contre les vents chauds ou froids;
· les rideaux-abris sont un élément essentiel de stabilisation des dunes;
· les arbres plantés en bord de mer peuvent protéger les cultures des embruns salins, et permettre ainsi détendre la surface cultivée sur les terres les plus proches du rivage. Les arbres choisis pour constituer ces «barrières à sel» doivent présenter au moins une certaine tolérance au milieu salin, car il concentreront le sel dans le sol sous leur couronne. On peut citer parmi les essences utilisées avec succès Casuarina equisetifolia, Casuarina glauca, Pinus pinaster, Pinus radiata, et Cupressus macrocarpa;
· les rideaux-abris permettent de réduire les pertes par évaporation des étangs, des canaux dirrigation et autres étendues deau, laissant ainsi davantage deau pour la production vivrière;
· en réduisant la vitesse du vent, les rideaux-abris favorisent la pollinisation des cultures par les insectes. Cet effet est particulièrement important dans les vergers fruitiers (Caborn, 1965). Les apiculteurs jugent eux aussi souhaitable de protéger leurs ruches dans les zones de vents forts, quils soient froids ou chauds;
· les rideaux-abris peuvent améliorer les rendements culturaux en réduisant lincidence et la gravité des dommages causés par les ravageurs. Les études faites sur le doryphore, par exemple, mettent en évidence une forte réduction des populations doeufs et de larves à proximité des rideaux darbres, et une plus forte densité de prédateurs près des arbres (Karg, 1976). Cet effet nest toutefois pas uniforme, car, outre les prédateurs utiles, les arbres peuvent abriter des ravageurs (Janzen, 1976). On estime habituellement que les arbres favorisent la présence de la mouche tsé-tsé, mais ce point de vue nest pas universellement partagé. Lexpérience du Kenya et de la Tanzanie suggère que les rideaux-abris n attireront pas nécessairement la mouche tsé-tsé si létage inférieur est suffisamment aéré, et létage supérieur assez haut, le sol devant être exempt de mauvaises herbes;
· les rideaux-abris peuvent contribuer à prévenir la diffusion de maladies végétales en inhibant la dispersion aérienne des spores vecteurs. Cet effet peut le cas échéant être annulé par le développement plus rapide des spores à proximité des rideaux, en raison de lhumidité relative plus élevée qui y règne (Guyot, 1986).
Doryphore
Outre quils réduisent la vitesse des vents, les rideaux darbres présentent tout un éventail davantages directs, car ils peuvent donner du fourrage, des fruits, du bois, et dautres produits encore. Même dans le milieu désertique rigoureux du Yémen, un rideau en deux rangs de Conocarpus lancifolius donne 350 m3 de bois par kilomètre tous les 20 ans, ce qui compense largement les coûts détablissement du rideau, sans compter les avantages agricoles additionnels (Costen, 1976). Dans la vallée de la Majjia, au Niger, on estime que lélagage des rideaux-abris tous les quatre ans rapporte aux résidents locaux léquivalent de 800 dollars en perches de construction et en bois par kilomètre de rideau (USAID, 1987). Plusieurs ouvrages ou manuels consacrés au principe et à la réalisation des rideaux-abris sont disponibles (voir Guyot, 1986; Bhimaya, 1976; Weber, 1986).
Les effets des rideaux-abris sur le rendement des cultures sont illustrés à la figure 2.1. Aproximité du rideau darbres, les rendements sont réduits en raison de lombrage, de la concurrence des racines, et de lespace physique quoccupent les arbres. Plus loin, les avantages se manifestent de plus en plus nettement, jusquà ce que, à une certaine distance, ils commencent à sestomper, linfluence des arbres satténuant.
Certains accroissements de rendement parmi les plus remarquables ont été signalés en Chine où les vents chauds et secs de lété sont lun des principaux facteurs limitant la production agricole. Dans la préfecture dHetian, où 110 000 hectares ont été dotés de rideaux-abris (Paulownia sp.) au début des années 80, selon le système du «filet forestier», des gains de rendement de 60 pour cent ont été obtenus pour les céréales, ainsi quun accroissement de 70 pour cent de la production de soie naturelle et de 300 pour cent pour le coton (Wang Shiji, 1988).
Des accroissements sensibles ont été également signalés dans les climats de type méditerranéen. Daprès une enquête menée en Arabie Saoudite, Argentine, Bulgarie, Californie, Egypte, Israël, Italie et Tunisie, des rideaux-abris bien conçus ont permis dobtenir un accroissement net des rendements compris entre 80 et 200 pour cent (Jensen, 1984). Des accroissements analogues ont été signalés aux Antilles pour les rendements des cultures maraîchères (Guyot, 1986).
Au Sahel, bien que lon ne dispose pas encore de résultats statistiquement valables, les essais initiaux pratiqués avec le mil et le sorgho suggèrent que, dans les champs protégés par des rideaux-abris, les rendements peuvent dépasser de 23 pour cent ceux des champs non protégés (Bognetteau-Verlinden, 1980). Les années de faible pluviométrie, même de petites différences dans les rendements peuvent revêtir une grande importance pour les populations locales.
Mais il est vrai que les effets globaux des rideaux-abris sur les rendements varient considérablement. Dans certains cas, le rendement se trouve nettement accru; dans dautres, la concurrence pour la lumière et leau, ajoutée à la perte de superficie cultivable, sexerce au détriment des rendements. En règle générale, là où la terre est exposée à des vents violents la majeure partie de lannée, ou lorsque lérosion des sols pose des problèmes particuliers, il sera fortement recommandé détablir des rideaux-abris. Quand ces conditions ne sont pas dominantes, les avantages sont moins nets. Outre quils représentent des coûts en main-duvre et en matériel de plantation, les rideaux-abris mettent hors production agricole une certaine superficie, et livrent concurrence aux cultures pour leau, léclairement et les nutriments. Cest pourquoi les produits directs des rideaux darbres - fourrage, combustible et produits alimentaires, laccroissement des rendements et lamélioration des sols, doivent être suffisants pour compenser ces coûts. Bien souvent, du point de vue de lagriculteur, la perte de rendement des cultures est largement compensée par le bois et les autres produits que donne le rideau darbres, et le fait de disposer dun système de production diversifié peut réduire les risques au cas où lun des éléments connaîtrait un échec.
Figure 2.1 Effet dun rideau-abri sur la production dun champ (Source: Hamilton, 1988)
Lérosion hydrique nuit gravement à la production agricole dans de nombreuses régions tropicales et sub-tropicales. Elle emporte en effet les couches superficielles du sol, les plus fertiles, et peut détruire les cultures elles-mêmes en les inondant. La forêt et les arbres peuvent jouer un rôle protecteur contre certains phénomènes érosifs dus à leau. Lérosion superficielle causée par leau dans les forêts intactes est en général moindre que sur les terres exploitées sous quelque régime que ce soit (Hamilton, 1983). Les coupes rases qui laissent le sol à nu ont un effet radical sur le taux dérosion.
Contrairement à ce que lon croit souvent, ce nest pas la voûte formée par les arbres de grande taille qui protège le mieux le sol, mais le couvert végétal au sol, et la litière qui tapisse celui-ci (Hamilton, 1986). Si le sol est nu sous les arbres, les grosses gouttes deau qui tombent du feuillage haut provoquent une érosion par impact et un ruissellement en nappe plus prononcé quune pluie tombant sur un sol à découvert (Lembaga Ekologi, 1980). Souvent donc, ce nest pas la suppression des arbres de haute futaie qui entraîne lérosion des sols, mais le fait de déranger létage inférieur et la litière de feuilles, et la mise à nu du sol qui résulte souvent de lexploitation forestière.
TABLEAU 2.1 Lérosion dans divers
systèmes dexploitation de la forêt tropicale humide ou
darboriculture (t/ha/an) |
|||
|
minimum |
médiane |
maximum |
Vergers à végétation
étagée |
0,01 |
0,06 |
0,14 |
Forêt naturelle |
0,03 |
0,30 |
6,16 |
Agriculture itinérante, pendant
jachère |
0,05 |
0,15 |
7,40 |
Plantations forestières, intactes |
0,02 |
0,58 |
6,20 |
Arboriculture avec végétation de couverture ou
paillage |
0,10 |
0,75 |
5,60 |
Agriculture itinérante, pendant culture |
0,40 |
2,78 |
70,05 |
Agriculture taungya |
0,63 |
5,23 |
17,37 |
Arboriculture, sol sarclé |
1,20 |
47,60 |
182,90 |
Plantations forestières, brûlées et
litière végétale enlevée |
5,92 |
53,40 |
104,80 |
Source: Wiersum, 1984 |
A mesure que les pentes augmentent, tant en inclinaison quen longueur, les risques dérosion croissent. Diverses techniques de conservation des sols permettent de réduire lérosion. Combinée à des mesures daménagement du milieu, comme la construction de terrasses, la plantation darbres et darbustes contribue considérablement à maintenir le sol en place et à prévenir lérosion hydrique.
Des techniques de cet ordre sont pratiquées dans de nombreux systèmes traditionnels dagroforesterie (Vergara et Briones, 1987; Nair, 1984a). Par exemple, dans la zone amazonienne de lEquateur, des plantations en bandes dInga edulis (essence légumineuse à bois de feu) selon les courbes de niveau sont associées à la culture du manioc (Bishop, 1983). Après la récolte du manioc, une couverture végétale de Desmodium, légumineuse pérenne, est semée pour faire pâturer les moutons. Ce système qui combine arbres, couvert végétal au sol et élevage entretient, sil est convenablement pratiqué, une bonne stabilité des sols quil améliore par ailleurs rapidement pendant la jachère.
Il importe toutefois de reconnaître que le simple fait de planter des arbres ne garantit pas une prévention efficace de lérosion. La conception et la conduite des systèmes sont en effet cruciales. Le simple fait de planter des arbres dans un système cultural ou pastoral - ou même un reboisement complet - néliminera pas lérosion superficielle.
Des activités forestières comme les plantations peuvent aussi augmenter le risque dérosion des sols due à leau. On signale par exemple de graves phénomènes érosifs sous des plantations de tecks à Trinité, en raison de labsence de végétation à létage inférieur et de litière à la surface du sol (Bell, 1973). Pour la même raison, introduire des arbres dans le cadre dun système agroforestier ne porte pas remède au problème de lérosion si le sol entre les arbres reste nu la majeure partie de lannée (Hamilton, 1986).
Il est néanmoins largement reconnu que le fait de combiner arbres et autres techniques de conservation des sols permet daccroître fortement les possibilités de pratiquer durablement des cultures sur les terrains en pente. A un stade ou un autre pourtant, même les meilleures techniques de protection des sols se heurtent aux obstacles économiques ou physiques qui en fixent les limites dapplication. Sur de tels sites, il est très fortement recommandé de préserver, ou de rétablir, un couvert forestier que lon gardera intact.
2.4.1 Pentes instables
2.4.2 Protection des côtes
2.4.3 Forêts ripicoles
2.4.4 Zones sujettes à la salinisation
2.4.5 Stabilisation des dunes
Dans les zones écologiquement fragiles, les forêts peuvent jouer indirectement un rôle important de renforcement de la sécurité alimentaire, en protégeant les terres cultivées et les pâturages contre les risques naturels, comme les glissements de terrain et lérosion côtière. Dans les zones dangereuses ou menacées, la déforestation met gravement en péril la production agricole.
Les effets des glissements de terrain sur la production agricole et les établissements humains en aval sont parfois désastreux. Outre les destructions matérielles immédiates, le déversement de grandes quantités de sédiments dans les cours deau dégrade la qualité de leau et met en danger la survie des pêcheries. La diminution des approvisionnements alimentaires combinée à lincidence accrue de maladies (sous leffet de la mauvaise qualité de leau) peut avoir de graves conséquences sur la sécurité alimentaire des ménages.
Les glissements de terrain en profondeur doivent être distingués des glissements superficiels. Les premiers sont essentiellement déterminés par la nature géologique du terrain, et nont pas grand rapport avec la présence ou labsence darbres (Megahan et King, 1985). Ils peuvent se produire sur des pentes relativement faibles comme sur les fortes pentes. Les zones qui en sont menacées sont dangereuses même pour la production de bois, car lexploitation de la forêt peut avoir un effet déclencheur ou déstabilisateur. Les zones sujettes à une érosion de ce type doivent être laissées intactes, ou nêtre exploitées que manuellement.
Les glissements de terrain peu profonds sont en revanche étroitement liés à la végétation. Les racines des arbres peuvent dans une large mesure stabiliser les pentes où le terrain est susceptible de glisser. Des études réalisées en Nouvelle-Zélande ont montré que les racines des arbres comptent jusquà 80 pour cent dans la résistance au cisaillement lorsque le sol est saturé deau (OLoughlin et Watson, 1981). Acet égard, les arbres sont beaucoup plus efficaces que les plantes cultivées ou lherbe. Supprimer les arbres peut accroître jusquà sept fois la fréquence des glissements de terrain (Swanson et al., 1981). Dans les zones présentant ce type de risque, laménagement forestier (de même que certaines techniques dagroforesterie) permet de prévenir les glissements. Là où les arbres sont destinés à être abattus pour leur bois, les essences qui rejettent de la souche sont les plus adéquates, car leur système racinaire reste vivant et ne perd pas son rôle dagent de cohésion.
Dans certaines zones côtières, les arbres jouent un rôle important dans la protection du rivage contre laction des vagues pendant les tempêtes. Ils amortissent aussi les effets des grandes ondes de marée, en protégeant les îles intérieures de linondation et des dommages matériels. En ce sens, les arbres contribuent donc à soutenir la production agricole dans les régions côtières.
La forêt de mangrove joue un rôle particulièrement important à cet égard, en offrant sa protection aux terres agricoles et aux établissements humains sur des rivages par ailleurs exposés (Hamilton et Snedaker, 1984). Elle nempêche certes pas les raz de marée de se produire, ni les autres cataclysmes, mais elle en atténue les effets. Dans le cas de la forêt de Sunderbans par exemple, au Bangladesh, où les raz de marée ont fait un grand nombre de victimes et provoqué des dommages matériels considérables, les conséquences seraient indubitablement plus lourdes si les mangroves venaient à être supprimées. En outre, les zones de mangrove offrent un habitat protecteur à de nombreuses espèces de poissons et de crustacés, et remplissent donc des fonctions de protection et dentretien de ressources importantes pour lalimentation des populations riveraines.
Village de mangrove en Thaïlande
Les forêts qui bordent les lacs et les cours deau, désignées par lexpression technique de forêts ripicoles, jouent elles aussi un grand rôle dans la stabilité de lenvironnement. Elles agissent comme végétation tampon en empêchant les sédiments de se déverser dans les cours deau et en assurant à la faune sauvage un habitat important. En piégeant les produits chimiques agricoles et les pesticides présents dans leau qui sécoule à la surface du sol, les bandes forestières tampon préservent la qualité de leau en aval. Les forêts ripicoles permettent aussi à certaines espèces ichtyques de se maintenir dans les cours deau: elles contribuent à stabiliser la température de leau et ralentissent la sédimentation, deux facteurs importants pour les populations de poissons.
En outre, les arbres contribuent à stabiliser les berges des cours deau et préviennent les dommages de lérosion et les inondations en période de grosses pluies. Dans les zones riveraines de cours deau où ces problèmes se posent, la mise en place dune bande forestière peut compléter utilement la réalisation douvrages de protection.
Mais la présence darbres en bordure des cours deau ne va pas toujours sans inconvénients. Les arbres consomment en effet de grandes quantités deau, et dans les zones arides ou semi-arides, ils peuvent, à la saison sèche notamment, aggraver létiage en aval (Hough, 1986).
La salinisation des sols et les phénomènes connexes comptent parmi les problèmes les plus graves qui menacent la productivité des terres dans les régions arides ou semi-arides, notamment en culture irriguée. Les arbres peuvent contribuer à équilibrer le processus de salinisation, et lélimination de la forêt peut entraîner une salinisation accrue. Les arbres absorbent plus deau que les plantes cultivées: le déboisement peut donc provoquer une montée du niveau de la nappe phréatique (Hamilton, 1983). Lorsque celle-ci arrive à un mètre de la surface du sol, leffet capillaire peut faire migrer leau jusquen surface, où les sels se concentrent par évaporation de lélément liquide (Hughes, 1984). Le suintement peut aussi provoquer une salinisation en aval sur la pente, et si le sel atteint les cours deau, il pourra nuire à la vie aquatique et rendre leau impropre à lirrigation.
Il est donc indispensable didentifier les problèmes potentiels avant de déboiser si lon veut éviter les risques de salinisation. Si celle-ci sest déjà produite, lintroduction darbres jouera fréquemment un rôle utile dans la remise en état des terres pour les usages agricoles.
Les dunes mobiles de sable menacent gravement lagriculture dans de nombreux pays. Combinée à dautres mesures, notamment divers moyens mécaniques de fixation, la plantation darbres joue un rôle important de stabilisation et de prévention des dommages (Weber 1986; FAO 1985). Entretenir un couvert végétal aussi complet que possible et réduire la vitesse du vent au moyen de rideaux-abris sont souvent les meilleurs moyens de prévenir les mouvements des dunes.
Quand lérosion sest déjà manifestée, la première chose à faire est de déterminer pourquoi la végétation naturelle ne recolonise pas la zone visée (Weber, 1986). Si les animaux ou le feu sont à lorigine du phénomène, la plantation darbres et la reconstitution du couvert végétal ne suffiront pas. Il faudra peut-être alors établir des clôtures ou des pare-feu avant toute autre intervention, et dans certains cas, ces précautions suffiront à permettre une régénération naturelle.
2.5.1 Effets du couvert forestier sur le débit des cours deau et le niveau de la nappe phréatique
2.5.2 Forêts et pluies torrentielles
2.5.3 Etiage
Leffet des forêts sur les disponibilités en eaux souterraines et sur le débit des cours deau est de la plus haute importance, surtout du point de vue de la production vivrière et de la sécurité alimentaire; mais le sujet est encombré de mythes et de malentendus. Les systèmes hydrologiques sont complexes. Si les forêts peuvent certes jouer divers rôles utiles, postuler quelles améliorent toujours lapprovisionnement en eau relève de la simplification abusive. La profondeur du sol, les pratiques dutilisation des terres et toute une gamme dautres facteurs comptent aussi pour beaucoup.
On pense communément que les forêts délivrent aux cours deau davantage deau que les autres types de formations végétales et que la déforestation se traduit par de moindres débits en aval. On estime souvent aussi que la déforestation abaisse la nappe phréatique et nuit donc à la disponibilité de leau dans les puits et les sources.
Si ces effets sont réels dans certains cas, il nont pas valeur universelle. Il est souvent très difficile de prévoir limpact exact de la déforestation, ou de la reforestation, dans un bassin hydrographique donné, si lon ne dispose pas de données concrètes sur un environnement analogue.
Les forêts prélèvent davantage deau du sol pour convertir le rayonnement solaire en biomasse que la plupart des autres formes de végétation. Il en résulte, quand les forêts sont partiellement ou complètement supprimées, que la consommation deau diminue et que le débit annuel total des cours deau issus de la zone en question augmente (Bruijnzeel, 1986; Hamilton, 1983). Laccroissement du débit est le plus fort dans la période qui suit immédiatement lenlèvement de la forêt (Bosch et Hewlett, 1982). Les niveaux en eau sont réduits si le recrû est vigoureux, et dans certains cas la «consommation» deau dépassera même celle de la forêt originelle (Langford, 1976).
Létablissement dune plantation forestière aura tendance à réduire le débit des cours deau. Plus le taux de croissance des arbres est élevé, plus cet effet est prononcé. Une étude réalisée en Inde fait état dune baisse de 28 pour cent après létablissement de plantations dEucalyptus (Mathur et al., 1976). Bien quils soient désormais au centre de la controverse sur les effets indésirables des plantations darbres sur les disponibilités en eau, les Eucalyptus nont rien dexceptionnel dans leurs exigences en eau: tout arbre bien adapté à un site donné et qui produit une grande quantité de biomasse - quil sagisse dEucalyptus, de Pinus, de Leucaena ou de toute autre essence -consomme lui aussi une grande quantité deau.
Ce sont là des tendances générales, et il faut savoir quelles présentent des variations et des exceptions. Le débit des eaux de surface issues de la forêt dépend de la profondeur du sol, qui influence le prélèvement par les arbres. Dune part, en sols profonds, les arbres à racines profondes parviennent à extraire de leau qui ne serait pas disponible pour dautres végétaux. Ces prélèvements et la transpiration ont donc tendance à être considérablement plus élevés que pour dautres types de végétation. Dautre part, en sols peu profonds, le prélèvement quopèrent les arbres est comparable à celui dherbages vigoureux, et laccroissement du débit annuel total des eaux de surface ne sera pas très important après que la forêt aura été enlevée.
Leffet du couvert forestier sur le niveau des eaux souterraines est analogue à leffet sur le débit des eaux de surface. Là où les niveaux ont été mesurés, on a constaté quen règle générale un accroissement se produit après que la forêt ait été abattue, et que le niveau baisse si lon reboise un terrain découvert (Boughton, 1970; Holmes et Wronski, 1982).
Si lon considère le lien entre déforestation et niveau en eau du sol, il faut bien distinguer les effets de labattage proprement dit, des modifications que le terrain subit après défrichage. Si les méthodes dexploitation forestière et les pratiques agricoles sont impropres, le compactage du sol qui en résultera pourra avoir des conséquences sensibles en réduisant le taux dinfiltration de leau, ce qui se traduira par une baisse globale du niveau des eaux souterraines - il y aura donc moins deau dans les puits, et les sources seront moins fiables. C est souvent la déforestation que lon rend responsable dans ces cas-là, mais il sagit dune simplification abusive. En réalité, cest la façon dont on traite les sols après déboisement qui est à lorigine des problèmes, et non pas le fait en soi davoir enlevé les arbres.
Sur les terres qui sont déjà fortement compactées, la plantation darbres peut contribuer à briser la structure du sol et donc à accroître les taux dinfiltration. Même si cela nest pas confirmé expérimentalement, une meilleure recharge en eau pourrait dans certains cas suffire à compenser lévapotranspiration due aux arbres. Là aussi, leffet global peut donc être contraire à la tendance générale, et la plantation darbres entraîner un relèvement du niveau des eaux souterraines.
Ce bref récapitulatif des connaissances sur le rapport entre forêt et disponibilités en eau montre combien il est délicat de pratiquer un aménagement forestier en vue de maîtriser les disponibilités en eau. Il ne fait toutefois guère de doute que leffet résultant - accroissement ou réduction des disponibilités hydriques - peut avoir des répercussions importantes sur la production vivrière.
Du point de vue agricole, les variations de débit des cours deau sont parfois dimportance égale à la quantité totale deau disponible sur lannée, voire plus importantes. Les crues provoquées par les précipitations excessives, et les inondations quelles entraînent, ont souvent des conséquences désastreuses pour lagriculture pratiquée en aval. Les pêcheries peuvent aussi en souffrir, car les eaux de crue charrient beaucoup de sédiments qui viennent bouleverser lhabitat et le cycle biologique des espèces aquatiques. Les risques qu encourt la production vivrière augmentent donc avec la variabilité des crues torrentielles.
Quand des terres forestières sont converties à lagriculture, leffet des crues dépend des pratiques agricoles. Par rapport à un couvert forestier, toute pratique culturale ou délevage qui provoque un compactage du sol aura tendance à réduire les taux dinfiltration et à augmenter le débit deau se joignant aux eaux de surface et aux cours deau, ce qui accroît la probabilité dinondations. Certaines pratiques daménagement des sols atténuent en revanche ces phénomènes. Les rizières établies en terrasses centenaires sur des pentes parfois abruptes à Java, à Bali, à Cebu, au Népal et ailleurs témoignent de lefficacité des techniques traditionnelles de gestion de leau. La conversion de terres forestières à lagriculture naggrave donc pas nécessairement les risques dinondation.
On affirme souvent que les forêts préviennent les inondations et que le déboisement y prédispose. Sil y a certes une part de vérité à cela, les données dont on dispose semblent montrer que leffet modérateur des forêts est surtout localisé et concerne essentiellement les averses fréquentes et de courte durée, et non les grandes tempêtes. Bien que les études établissent effectivement que la déforestation se traduit habituellement par des débits de crue plus importants et des débits maximaux plus élevés au voisinage des terres déboisées, ces effets sont négligeables à léchelle des grands bassins hydrographiques (Reinhart et al., 1963; Douglass, 1983). Il ny a pas de relation directe de cause à effet entre labattage de la forêt dans le bassin de captage et les inondations dans le bassin inférieur (Hewlett, 1982).
Le rôle des forêts dans la réduction des crues sera probablement plus important sur des sols profonds. En modifiant leur structure, et en favorisant linfiltration, les arbres contribuent à accroître la capacité de rétention des sols. Mais passé un certain seuil, tous les sols arrivent à saturation. Ensuite, les arbres sont impuissants à empêcher lécoulement en surface jusquaux cours deau.
Quand les pluies sont particulièrement torrentielles, linondation peut se produire quelle que soit la végétation présente. Les crues catastrophiques des grands fleuves ne sont pas le résultat de la déforestation, mais dun excès de précipitations sur une période donnée, ou dune fonte des neiges rapide. Même un reboisement à grande échelle dans les zones daltitude na guère de chances de modifier sensiblement la fréquence des crues de ce type. Elles se produiront quil y ait des arbres ou pas.
Les déficits en eau dus à la diminution des débits en saison sèche représentent, eux aussi, un risque majeur pour de nombreuses zones agricoles. Il a été suggéré que les forêts et les sols forestiers pourraient exercer un effet bénéfique en faisant fonction «dépongé», absorbant leau à la saison humide pour la libérer à la saison sèche. Le déboisement supprimerait cet effet régulateur et réduirait les débits de saison sèche (Spears, 1982).
En pratique, il est mal établi, au plan scientifique, que cet effet soit réel. La plupart des expériences montrent, à linverse, que couper les arbres accroît les débits de saison sèche des cours deau et quen planter les fait baisser (Hamilton, 1983). Par exemple, dans le nord du Queensland, en Australie, un cours deau qui sasséchait périodiquement avant la saison des pluies est devenu permanent après que lon ait coupé la forêt dans le bassin qu il drainait (Gilmour, 1971). Aux Fidji, la plantation de Pinus radiata dans une zone herbagée sèche sest traduite par une réduction de 65 pour cent du débit des cours deau à la saison sèche (Kammer et Raj, 1979).
Il est risqué de généraliser à partir dexemples isolés, car de nombreux facteurs entrent enjeu. Bien que les arbres puissent favoriser linfiltration à la saison des pluies, au cours de la saison sèche ils puisent à une plus grande profondeur et prélèvent de leau qui autrement pourrait alimenter les cours deau à létiage ou réhausser la nappe phréatique. La prépondérance de lun de ces effets dépend strictement des conditions locales.
La durabilité de la production vivrière est tributaire de la qualité de leau tout autant que de son abondance. Une forte teneur en alluvions et en sels minéraux dissous dans les cours deau peut avoir toutes sortes deffets négatifs sur lagriculture et les pêcheries en aval, ainsi que sur le bien-être nutritionnel des populations. En contribuant à préserver la qualité de leau, les arbres et la forêt jouent un rôle important du point de vue de la sécurité alimentaire. La qualité de leau est directement liée à la fréquence des maladies humaines, notamment des troubles gastro-intestinaux qui affectent directement la capacité des sujets dassimiler les aliments, et donc leur état nutritionnel. Il importe de noter que la question de la sécurité alimentaire inclut les problèmes liés à la capacité des gens dutiliser les vivres dont ils disposent.
Du point de vue du cycle des nutriments, les forêts intactes sont les systèmes dutilisation des terres les plus efficaces (Borman et Likens, 1981). Les systèmes forestiers sont même capables de filtrer et dimmobiliser certains des polluants potentiellement dangereux déposés par les pluies (Sicamma et Smith, 1978). Supprimer la forêt, complètement ou en partie, rompt un cycle chimique sensible et libère sels minéraux et nutriments dans les eaux découlement. Ce phénomène a été établi par des études menées au Nigéria (Kang et Lal, 1981), en Indonésie (Bruijnzeel, 1983) et dans plusieurs autres pays. Outre que le site lui-même sappauvrit en nutriments, les eaux daval utilisées pour lirrigation pourront en contenir des quantités excessives, doù un risque deutrophisation.
Les effets dun taux accru dalluvions sont en général graves. Tandis que de petits apports alluviaux peuvent être favorables à la production vivrière dans certaines circonstances - les agriculteurs des plaines inondables du Bangladesh, par exemple, comptent sur les inondations et le dépôt de limon riche en nutriments pour entretenir la fertilité du sol - le plus souvent, les effets de la charge alluvionnaire sont nocifs et coûteux. Les alluvions peuvent ensevelir les cultures dans les plaines inondables, obstruer les branchies des poissons, endommager les pêcheries marines en déstabilisant les mangroves et en tapissant les herbiers et les récifs coralliens, altérer la qualité de leau potable (doù une fréquence accrue de maladies), réduire la capacité des réservoirs deau dirrigation, obstruer les canaux, et aggraver les inondations en comblant les retenues de régulation des crues.
Le couvert végétal nest pas lunique facteur en cause dans le débit sédimentaire dun bassin versant donné. Celui-ci est aussi lié au climat (précipitations notamment), à la géologie et aux sols, ainsi quaux incendies de forêt (Pearce, 1986). Si les sols sont instables et les averses violentes, la charge alluvionnaire peut être forte même dans un bassin très boisé.
Dans certaines conditions toutefois, les forêts jouent un rôle important dans la réduction de lexportation dalluvions des bassins versants. Des études menées en Indonésie ont montré que lexportation dalluvions des zones qui avaient été reboisées ne représentait que le tiers de celle dun bassin versant dévolu à lagriculture (Hardjono, 1980). Introduire des arbres dans les zones de pâturage ou de cultures pour constituer un système agroforestier bien conduit peut aussi avoir des effets précieux en réduisant les pertes en terre et donc la charge alluvionnaire des cours deau (Hamilton, 1983).
Les effets positifs de la plantation darbres sur la charge alluvionnaire des eaux peuvent mettre des années à se faire sentir, selon les mécanismes de transport et de stockage qui sont en uvre. En effet, les sédiments pouvant être piégés et retenus par la végétation et par dautres barrières physiques, le produit de lérosion des sols napparaît pas toujours immédiatement dans les cours deau. Il y a habituellement décalage: plus grand est le bassin versant et plus nombreuses sont les possibilités de stockage intermédiaire, plus le délai est long. La modification du taux dérosion qui suit le changement dutilisation des terres peut ne se faire sentir que beaucoup plus tard dans la charge alluvionnaire des fleuves.
Dans le cas de bassins hydrographiques de grande taille, les sédiments piégés continueront dêtre chassés vers laval pendant des dizaines dannées. Le reboisement des zones daltitude naura donc guère deffet à courte échéance. Les réservoirs continueront de senvaser même si tous les bassins damont ont été reboisés. Ce décalage dans le temps fait que les mesures à mettre en uvre pour prévenir lexportation de sédiments doivent être prises dès le démarrage des projets daménagement susceptibles de provoquer des exportations accrues de matériaux (construction de routes et exploitation forestière par exemple) ou de souffrir des effets de laccrétion de sédiments (retenues de barrages).
Lorsque le charriage et le dépôt de sédiments posent problème, il importe den identifier les sources exactes. Dans un bassin versant donné, 90 pour cent du problème pourrait provenir de 5 pour cent de la superficie de ce bassin. En fortes pentes, les sources premières dalluvions sont souvent les routes et les activités dexploitation forestière. Les routes qui traversent ou qui longent les lits de cours deau sont, au stade de la construction, facteur de déversements directs considérables dans les eaux. Si elles sont mal implantées ou réalisées, ou mal entretenues, elles risquent de rester des années durant des sources dalluvions indésirables.
2.7.1 Leffet albedo
2.7.2 Lanhydride carbonique
A long terme, lune des influences potentielles les plus importantes des forêts sur la production vivrière tient à leur effet sur le climat de la planète, à savoir aux modifications des régimes de précipitations, des températures à léchelle du globe, et des variations climatiques saisonnières. Les atteintes portées aux forêts tropicales ont été mises en cause comme lun des facteurs contribuant à laccroissement progressif de la teneur atmosphérique en anhydride carbonique et en certains gaz rares. Leffet du phénomène sur léquilibre thermique planétaire, dit «effet de serre», est devenu source de préoccupations largement partagées (Swaminathan, 1986). Les deux mécanismes les plus significatifs par lesquels on pense que les forêts influencent le climat à léchelle mondiale sont la réflexion de la chaleur par les masses forestières, et labsorption de lanhydride carbonique contenu dans latmosphère.
Sil est désormais communément admis que les niveaux danhydride carbonique augmentent, leffet résultant sur le climat mondial est extrêmement difficile à quantifier, et continue de faire lobjet de fortes controverses. Les effets à court terme peuvent notamment être différents des effets à long terme, et les conséquences peuvent en outre varier entre les régions (Henderson-Sellers et Gornitz, 1984).
Lagriculture sera aussi sérieusement touchée si la montée observée du niveau des mers se poursuit, surtout dans les zones côtières basses. Le Bangladesh par exemple pourrait perdre 10 pour cent de sa superficie terrestre. De nombreuses zones de terres côtières humides et de mangroves seraient, elles aussi, détruites, et les conséquences pour les pêcheries seraient lourdes.
Les forêts à voûte fermée continue absorbent plus de rayonnement solaire que tout autre type de végétation et réfléchissent moins de chaleur dans latmosphère. La fraction du rayonnement qui est réfléchie est connue sous le nom d«albedo». Depuis quelques années se succèdent les avertissements que la destruction de la forêt à grande échelle pourrait se traduire par un accroissement de lalbedo (Hamilton, 1976; Chambers, 1980).
Leffet global de la déforestation massive nest pas facile à prédire car, bien quelle accroisse lalbedo, elle pourrait modifier dautres variables et provoquer des effets compensateurs. Deux des études les plus exhaustives sur un «modèle mondial des circulations» ont donné lieu à des prévisions presque diamétralement opposées sur les effets du recul de la forêt tropicale. Lune suggère un léger réchauffement et un accroissement des précipitations (Lettau et al., 1979); lautre conclut à un léger refroissement dans la région équatoriale, et une réduction de 11 pour cent des précipitations dans les zones tropicales (Potter et al, 1975). Une étude plus récente des effets de la déforestation dans la forêt humide amazonienne affirme quune altération radicale du couvert forestier accroîtrait localement lalbedo, mais sans conséquences majeures sur le climat de la région ou du monde (Henderson-Sellers et Gornitz, 1984).
Vu la complexité interne des phénomènes climatiques, tous ces modèles présentent des défauts. Tant que les données de départ ne sont pas plus fiables et que les modèles nont pas été affinés, il est improbable de pouvoir rendre un verdict certain quant à lincidence de laccroissement de lalbedo imputable à la déforestation sur le climat du globe.
Leffet du défrichement de la forêt sur les taux danhydride carbonique atmosphérique est encore loin dêtre établi (Woodwell et al, 1978; Hampicke, 1979). Sil est sûr que le fait de couper et de brûler des arbres libère du gaz carbonique, ce facteur nest pas seul en cause; lutilisation des combustibles fossiles et la fabrication de ciment contribuent probablement davantage à laccroissement du taux de CO2 dans latmosphère.
Le cycle du carbone à léchelle de la planète nest encore connu que partiellement, et les scientifiques sont souvent en désaccord profond sur le rôle réel de la disparition de la forêt dans laccroissement du taux de carbone atmosphérique. Par exemple, le fait que la superficie forestière de la zone tempérée de lhémisphère nord sest accrue depuis une cinquantaine dannées pourrait en partie compenser les grosses pertes de forêt dans les tropiques (Sedjo et Clawson, 1984).
Même si lon tient compte de facteurs comme les incendies de forêts, la fixation de carbone des recrûs forestiers, et leffet des taux de carbone atmosphérique sur lactivité photosynthétique des plantes, la plupart des modèles concluent à un transfert net de carbone vers latmosphère sous leffet de louverture des forêts et des incendies sous les tropiques. Une estimation situe ces émissions entre 1 et 4,5 milliards de tonnes par an, auxquelles sajoutent 2 milliards de tonnes supplémentaires provenant de loxydation de la matière organique exposée dans le sol. Cest certainement là une quantité notable, si lon compte que lutilisation des combustibles fossiles se traduit par le rejet annuel de 5 milliards de tonnes (Myers, 1980). Mais comme il a déjà été dit, le cycle du carbone est encore mal connu. On estime que laccroissement annuel du carbone atmosphérique ne dépasse pas 2,3 milliards de tonnes. Ainsi la quantité de carbone produite par la destruction de la forêt et par lutilisation de combustibles fossiles est en partie absorbée: soit par les océans, soit par des «pièges terrestres à carbone» de nature encore inconnue.
Il faudra sans nul doute mener des recherches approfondies pour comprendre correctement les effets des forêts sur le climat de la planète.
2.6.1 Le bassin de lAmazone
2.8.2 Les forêts ombrophiles daltitude
Tout aussi controversé est leffet des forêts sur les précipitations locales. Une opinion très largement partagée veut que la déforestation provoque une diminution des précipitations locales, et qu inversement la restauration du couvert forestier conduise à une augmentation de la pluviosité (Goodland et Irwvin, 1975; World Water, 1981). Si cétait vrai, ce phénomène aurait une forte incidence sur lagriculture.
La documentation scientifique sur la question est loin dêtre concluante. En Inde, linfluence des forêts sur les précipitations fait lobjet dun débat presque centenaire (Singh, 1988). Certaines études signalent une diminution des précipitations dans certains districts après que la forêt ait été défrichée (Warren, 1974), tandis que dautres ont enregistré une reprise après reboisement (Eardley-Wilmot, 1906). Un effet favorable sur le nombre de jours de pluie par an est aussi noté dans certaines études (Ranganathan, 1949). Toutefois, aucun schéma densemble ne se dégage clairement, et lon conclut généralement que bien quil puisse y avoir une certaine relation entre le couvert forestier et les précipitations, les effets sur la pluviométrie totale restent relativement faibles (Hill, 1916).
Une étude réalisée dans le bassin central du Congo na pas permis de déceler la moindre influence des forêts sur les précipitations. Il a cependant été suggéré quen augmentant la réflectivité thermique, la suppression du couvert forestier pourrait introduire un certain degré dinstabilité dans la périodicité des précipitations, qui peut être aussi importante que la pluviométrie totale pour les systèmes de production (Bernard, 1953).
Dans la plupart des zones tropicales, la majeure partie des précipitations locales résultent des moussons ou de tempêtes de grande ampleur générées par de grands systèmes climatiques, ou bien sont causées par lascension de masses dair humide en altitude sous leffet des reliefs et des vents. Ni dans un cas ni dans lautre, un couvert forestier ne saurait exercer un effet considérable sur les précipitations totales.
Deux cas particuliers méritent toutefois de retenir lattention, le bassin de lAmazone et les forêts ombrophiles daltitude.
Le bassin de lAmazone est une plaine en fer à cheval, ouverte à lEst aux alizés porteurs dhumidité océanique, et bordée de montagnes et de hauts plateaux sur le reste de son pourtour. Des études récentes ont montré que le recyclage de la vapeur deau par la végétation forestière pourrait en fait constituer une source importante dhumidité atmosphérique alimentant les précipitations qui arrosent le bassin amazonien (Salati et Vose, 1984).
Il a été estimé que la conversion de 10, 20 et 40 pour cent de la superficie forestière en une végétation buissonneuse et en cultures se traduirait par une réduction des précipitations annuelles de 2, 4 et 6 pour cent respectivement (Brooks, 1985). Ces baisses peuvent ne pas sembler importantes, étant donné que la pluviométrie moyenne sur lensemble de la région dépasse 2000 millimètres. Néanmoins, vu que la période sèche provoque déjà un déficit hydrique dans lécosystème forestier amazonien, même une baisse de cet ordre de grandeur pourrait provoquer des changements irréversibles dans la forêt naturelle (Salati et Vose, 1984). Même si de tels changements naffectent pas le climat à léchelle de la planète, les conséquences pour la production agricole de la région pourraient être désastreuses.
Un deuxième phénomène remarquable se produit lorsque des nuages persistants chargés dhumidité, ou un brouillard dense, parcourent des forêts ou des bandes forestières, poussés par le vent. Des forêts humides se sont ainsi constituées à haute altitude sur de nombreux flancs de montagne, et abritent une faune et une flore formant des communautés particulières. Dans le monde, ce type de forêt occupe environ 500 000 kilomètres carrés, soit près de 5 pour cent de la forêt tropicale humide dense (Persson, 1974). Les forêts qui bordent parfois les zones côtières (même dans des zones où normalement les précipitations sont très faibles, comme sur les côtes du Pérou et du Chili) présentent des caractéristiques analogues. Ces zones forestières peuvent avoir une influence notable sur le système hydrologique dune région, et donc sur la production agricole.
Ces barrières darbres extraient lhumidité des nuages et du brouillard. Ce sont les arbres isolés ou les bandes étroites darbres qui agissent le plus efficacement. Des travaux menés à Hawai ont permis de déterminer quun seul Araucaria heterophylla ajoutait 760 mm de «précipitation horizontale» par an aux précipitations verticales normales de 2600 mm (Ekern, 1954).
Cette humidité supplémentaire entre dans le système hydrologique et accroît le niveau des eaux souterraines et le débit en surface. En raison de leur hauteur et de leur grande surface déchange, les arbres sont beaucoup plus efficaces dans cette fonction de piégeage de leau que les autres types de végétation. Il est donc vital pour la sauvegarde des régimes hydrologiques locaux de maintenir la forêt dans ces zones. Réciproquement, là où des brouillards ou des nuages persistants sont poussés par le vent sur les reliefs déboisés, planter des arbres permet de réinstaurer un système de capture de leau atmosphérique.
En dernier lieu, il reste encore à mentionner un rapport important entre les forêts et la sécurité alimentaire qui tient à leur rôle de réservoir de diversité génétique. Bien que ce lien ne soit pas directement dordre environnemental, le fait que les divers milieux forestiers sont lhabitat dune grande diversité despèces végétales et animales leur confère une fonction biologique importante.
Les zones forestières représentent le plus grand réservoir naturel de diversité génétique. Sous langle de la production agricole future, les espèces quelles contiennent - connues ou encore à découvrir - pourraient avoir un rôle critique à jouer en offrant la variabilité génétique requise pour combattre les ravageurs en permanente adaptation et les maladies qui sabattent sur les cultures vivrières. Ces espèces pourraient aussi fournir une gamme entièrement nouvelle de denrées vivrières et de substances médicinales - dorigine tant végétale quanimale - qui pourrait avoir un impact majeur sur la santé et la nutrition humaines.
On reconnaît de plus en plus quil est impératif, moralement et pratiquement, dassurer la conservation de ces ressources génétiques pour les générations futures. Le problème consiste à trouver les moyens de le faire.
La conservation ex situ des ressources génétiques, au moyen de banques de gènes et de semences, a assurément un rôle important à jouer, mais ces méthodes ont leurs limites: elles sont coûteuses et posent des problèmes techniques, comme la dérive génétique à lintérieur des populations reproductrices. Dans un avenir prévisible, les approches in situ, qui consistent à conserver les espèces dans leur habitat naturel, devront assumer la lourde tâche de conservation des ressources génétiques.
Cela suppose de maintenir intactes ou quasi-intactes certaines zones forestières. Or les obstacles et les défis à surmonter sont nombreux et difficiles, vu le nombre de pressions, démographiques ou économiques, que subit la forêt. Bien souvent il nest pas concevable de clôturer la forêt et den interdire purement et simplement laccès, car des populations extrêmement nombreuses nont pas dautres moyens dexistence. Il faudra trouver des compromis, et des solutions combinant la conservation et lutilisation durable des ressources forestières par les populations locales. Car si ces dernières ne trouvent pas leur intérêt dans la survie des forêts, tout effort de conservation sera voué à léchec.