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Chapitre 2
Foresterie et régimes alimentaires

La forêt et les arbres apportent des contributions directes notables à la sécurité alimentaire des populations rurales en fournissant une large gamme de produits vivriers qui procurent des nutriments essentiels, surtout dans les périodes où les autres approvisionnements font défaut. Toutefois, rares sont les études qui sont axées sur les liens entre produits forestiers et sécurité alimentaire des ménages. Les informations dont on dispose tout de même font apparaître que leur fonction nutritionnelle est souvent d'importance, non seulement chez les habitants de la forêt et les populations qui vivent de chasse et de cueillette, mais aussi chez les agriculteurs qui trouvent dans ces produits des compléments nutritionnels souvent indispensables.

L'éventail des produits comestibles que peut offrir la forêt est très large: graines, feuilles, fruits, racines, gommes, champignons et animaux sauvages (insectes, rongeurs, gibier et poisson). Bien souvent ces aliments ont des qualités nutritionnelles comparables, voire supérieures à leurs équivalents domestiques, mais ils ne sont en général pas utilisés comme aliments de base. Ils améliorent la qualité nutritionnelle de l'alimentation de base des populations rurales et la diversirfient; de plus, une fois transformés, conservés et mis en réserve, ils participent à la continuité des approvisionnements sur toute l'année. Ils peuvent prendre une importance cruciale dans les systèmes agricoles strictement saisonniers. Les forêts donnent en effet des vivres et du fourrage en période de soudure, et des aliments permettant de survivre en période de crise. Les aliments que l'on en tire dans ce dernier type de situation sont différents de ceux que l'on prélève habituellement; ils sont riches en éléments énergétiques (par rapport aux feuilles et aux fruits que l'on consomme normalement), mais nécessitent une préparation compliquée. La diffusion de l'aide alimentaire et la progression des circuits commerciaux ont réduit le rôle de ces aliments de famine ou de crise.

La forêt et les arbres contribuent aussi indirectement à la qualité de l'alimentation en milieu rural: ils constituent l'habitat de la faune sauvage, terrestre ou aquatique, et donnent des produits d'affouragement du bétail, des substances médicinales et du bois de feu pour transformer ou cuire les denrées. Les corrélations établies entre approvisionnement en bois de feu et état nutritionnel des populations ne sont pas vraiment probantes, mais les chercheurs ont noté que la disponibilité de bois de feu influence la quantité de vivres que l'on sert, ou que l'on cuisine; que les pénuries de bois de feu ont une incidence sur la qualité des aliments que l'on consomme; et que l'approvisionnement en bois de feu affecte la quantité et la qualité des aliments transformés. Enfin les pénuries de bois de feu peuvent affecter indirectement la sécurité alimentaire en contraignant les femmes à consacrer plus de temps à sa collecte, ce qui leur en laisse moins pour des activités génératrices de revenu.

Le présent chapitre est axé sur l'importance des produits de l'arbre et de la forêt dans l'alimentation des populations rurales, et surtout des agriculteurs. Pour comprendre le rôle que jouent les forêts dans la sécurité alimentaire des ménages, nous traiterons des points suivants:

CONTRIBUTION DES ALIMENTS TIRES DE LA FORET ET DES ARBRES A L'ALIMENTATION DES MENAGES

On récolte en forêt un très grand nombre de produits qui entrent dans l'alimentation, des larves de coléoptères aux noix et au miel. Pourtant. on estime de façon générale que les contributions directes de la forêt et des arbres présents sur les exploitations (sous forme de produits végétaux et d'animaux sauvages) n'ont qu'un rôle mineur. De nombreuses études botaniques et anthropologiques répertorient les produits forestiers comestibles que récoltent les habitants de la forêt ainsi que les populations vivant à l'extérieur de celle-ci (consulter par exemple Arnold et al., 1985; B.M. Campbell. 1986; Connell 1977; FAO, 1983a; Gura 1986; Malaisse et Parent, 1985). Une étude bibliographique faite par Becker (1986) a révélé l'existence de 800 espèces végétales comestibles dans la ceinture sahélienne aride et semi-aride; Grivetti (1976) a signalé que les Tswana (groupe agro-pastoral) utilisent régulièrement 126 espèces végétales et une centaine d'espèces animales pour s'alimenter. Au Nigéria, Okafor (1980) a signalé plus de 150 espèces de plantes ligneuses comestibles, tandis qu'au Ghana, Irvine (1952) a dénombré plus de 100 espèces végétales sauvages exploitées pour leurs feuilles, et 200 autres espèces prisées pour leurs fruits.

La plupart des études consacrées aux ressources alimentaires de la forêt sont surtout des descriptions de ce qui est consommé, ou comestible. A Vindou Tiengoli (Sénégal), on a constaté que 80 pour cent de la végétation ligneuse contient des parties comestibles (B. Becker, 1983). Mais il est plus difficile de déterminer combien on consomme, et selon quelle fréquence. On peut néanmoins énoncer quelques observations générales: par exemple il y a dans le monde plus de 300 millions de cultivateurs itinérants qui dépendent de la forêt pour une partie de leur approvisionnement vivrier et pour l'entretien de la fertilité des sols qu'ils cultivent; des millions d'habitants du Sud-Est asiatique dépendent étroitement du poisson qui trouve son habitat et son alimentation en milieu forestier; dans le monde entier, des populations vivent de chasse et de cueillette, et leur alimentation provient en grande partie de la forêt.

Mais on connaît encore mal la fréquence d'utilisation de ces ressources, et leurs apports nutritionnels. Faute d'analyses de ce type, il est difficile d'évaluer la part, quantitative et qualitative, des produits tirés des arbres et de la forêt dans l'alimentation des gens. La documentation disponible dans le domaine de la nutrition porte surtout sur la composition, ou la teneur en nutriments, des produits forestiers (voir par exemple R. Becker, 1983; Imbamba, 1973; Malaisse et Parent 1985; Ogle et Grivetti 1985). Ces renseignements sont utiles à ceux qui sont chargés de planifier apports ou activités en fonction des besoins nutritionnels dans les projets de développement, et surtout dans les projets de foresterie communautaire, mais à eux-seuls ils n'apprennent pas grand-chose quant à la contribution des aliments forestiers aux régimes alimentaires.

Quoi qu'il en soit, il ressort de ces travaux que bien souvent la qualité nutritionnelle des aliments forestiers est comparable, voire parfois supérieure, à celle des variétés domestiquées. Caldwell et Enoch (1972) par exemple ont constaté qu'en moyenne les légumes feuillus sauvages avaient une forte teneur en riboflavine (0,4–1,2 mg/100 g de partie comestible). Ces valeurs sont plus élevées que celles des oeufs, du lait, des noix et du poisson. De même, R. Becker (1983) a constaté que la graine du chanar (Geoffroea decorticans) avait une composition chimique similaire à celle de l'arachide et du mil. La teneur de l'orange en vitamine C est de 57 mg/100 g alors que celle du fruit du baobab est de 360 mg/100 g, et celle de Ziziphus jujube var. spinosa est de 1000 mg/100 g. Ces exemples et les données compilées dans les appendices 1 à 3 montrent à quel point les produits alimentaires forestiers sont ou pourraient être précieux. Mais ces taux n'indiquent rien de la quantité, de la fréquence et des périodes de consommation de ces aliments, donc de leur importance relative dans le régime alimentaire.

Quelques chercheurs ont tenté d'aborder la question de la contribution des aliments forestiers à l'alimentation rurale en calculant une production potentielle à partir de données éparses sur les rendements par espèces. Becker (1986) calcule, par exemple, qu'au Sahel les végétaux sauvages peuvent apporter 10 pour cent de la ration énergétique dont a besoin la population, et en théorie de 1 à 5 g par personne et par jour de fruits sauvages. Mais les extrapolations statistiques (soit théoriques, soit dérivées d'enquêtes effectives) ne disent rien de l'importance nutritionnelle des aliments forestiers, ni de leur fonction saisonnière.

Les exemples cités dans le présent chapitre proviennent pour l'essentiel de monographies localisées. Ces travaux donnent en général des renseignements très détaillés, mais il est difficile d'extrapoler sur cette base, car l'alimentation a toujours une forte composante culturelle. Toutefois l'accumulation des faits tend à démontrer que les produits vivriers d'origine forestière sont souvent essentiels, tant au plan culturel que nutritionnel.

Aliments d'origine végétale tirés des arbres et de la forêt

On peut classer sommairement les végétaux alimentaires forestiers en feuilles, graines et noix, fruits, tubercules et racines, sèves, gommes, champignons, sel et substances médicinales. Collectivement, outre qu'ils apportent des protéines, des sucres, de l'amidon, des vitamines et des sels minéraux essentiels à l'alimentation humaine, ils ajoutent à la diversité et à la sapidité des aliments de base. Certains produits sont simplement cueillis et consommés crus, alors que d'autres doivent être soumis à une transformation complexe pour devenir comestibles. Nous donnons ci-après un récapitulatif de ce que nous apprend la documentation sur les types de produits forestiers couramment consommés.

Feuilles

Les feuilles sauvages, soit fraîches, soit séchées, comptent parmi les produits forestiers les plus largement consommés. Elles sont souvent la base des soupes, ragoûts et condiments qui accompagnent les aliments de base riches en hydrates de carbones, comme le riz ou le maïs. Cette combinaison est importante: non seulement elle accroît la valeur nutritionnelle des mets, mais elle encourage à s'alimenter davantage en donnant de la saveur à des produits parfois insipides.

La valeur nutritionnelle des feuilles varie grandement. Certaines espèces apportent des lipides, d'autres sont riches en protéines. Leur principal intérêt nutritionnel est peut-être leur teneur en sels minéraux et en vitamines. La teneur des feuilles en lipides est en général faible, mais Bidens pilosa (22,5 %) et Dracanea reflexa (18%) notamment font exception. Ogle et Grivetti (1985) établissent une teneur moyenne en protéines de 4 pour cent, tandis que Malaisse et Parent (1985) constatent que la teneur moyenne en protéines des feuilles qu'ils ont analysées est de 13 pour cent. Les feuilles de baobab contiennent 13 pour cent de protéines (voir Appendice 1 pour plus de détails). Les teneurs en sels minéraux et en vitamines sont elles aussi variables: les feuilles sauvages peuvent être d'excellentes sources de vitamine A (par exemple Moringa oleifera avec 11 300 μg/100 g), de vitamine C (Cassia obtusifolia, 120 mg/100 g), de calcium (Balanites aegyptica, 3710 mg/100 g), de niacine (baobab, 8,1 mg/100 g), et de fer (Leptadenia hastata, 95 mg/1000 g). Ainsi, le rôle nutritionnel des légumes sauvages à feuilles consiste à accroître la sapidité, à fournir des sels minéraux et des vitamines essentiels, et à renforcer la valeur protéique de l'alimentation.

On consomme beaucoup de feuilles d'arbres, de graminées forestières et de “mauvaises herbes” agricoles: Malaisse et Parent (1985) ont constaté que les feuilles de 50 essences servaient à l'alimentation dans le Haut Shaba (Zaïre). Les espèces de “légumes feuillus” les plus courantes sont notamment Pterocarpus spp.. Myrianthus arboreus, Gnetum spp., Bidens pilosa, Adansonia digitata, et Cassia obtusifolia.

Dans son étude des plantes sauvages feuillues au Lushoto (Tanzanie), Fleuret (1979) note que les condiments à base de feuilles constituent un élément essentiel du régime alimentaire des Shamba. Elle a constaté que les légumes cultivés qui ont été introduits ne se substituent pas aux condiments à base de feuilles sauvages, par goût et par tradition. En outre, les feuilles sauvages ont le mérite d'être bon marché et facilement accessibles.

L'enquête de Fleuret portait sur trois régions. La quantité utilisée et la fréquence d'usage des feuilles sauvages indiquaient la présence de réserves facilement accessibles. Les feuilles sauvages entrent dans la composition de 32 pour cent des repas. Elles sont l'ingrédient le plus courant de la sauce traditionnelle d'accompagnement (utilisé dans 81 pour cent des cas, contre 17 pour cent dans le cas des légumes cultivés commercialement). L'étude en question souligne un autre point intéressant: les feuilles sauvages, la viande et le poisson sont consommés en remplacement les uns des autres, tandis que les légumes classiques sont cultivés quasi exclusivement pour la vente.

Ogle et Grivetti (1985) sont les auteurs de l'étude la plus exhaustive sur les utilisations des plantes sauvages comestibles au Swaziland, et ils ont examiné les aspects culturels, écologiques et nutritionnels de l'usage des végétaux sauvages. Ils ont constaté que dans trois zones écologiques, plus de 220 espèces végétales sauvages sont couramment consommées par les 394 personnes interrogées. Les habitants de la zone étudiée étaient bien intégrés dans une économie monétaire, 92 pour cent des personnes interrogées affirmaient acheter régulièrement des vivres, et toutes disaient utiliser des aliments sauvages. Pour 39 pour cent d'entre elles, les végétaux sauvages avaient sur l'année une plus grande part dans l'alimentation que les cultivars domestiques. A l'inverse, 37 pour cent indiquaient une plus grande consommation annuelle de plantes domestiques.

Au Swaziland, ces mêmes auteurs ont constaté que les légumes sauvages feuillus sont les plus utilisés des végétaux sauvages. Plus de 50 pour cent des adultes déclarent consommer fréquemment des feuilles sauvages (plus de deux fois par semaine en saison). Les feuilles de 48 espèces sont couramment utilisées. Elles sont la principale garniture accompagnant l'aliment de base (le maïs) pour 39 pour cent des repas analysés. Les deux principaux plats de légumes sont servis moyennant des doses de 90,9 g par portion (la portion va de 16 à 200 g) pour l'un, et de 28,3 g par portion pour l'autre (la portion va de 10 à 43 g). Les zones principales de cueillette de feuilles sauvages se trouvent au pourtour des champs cultivés; les pâturages et les zones forestières sont aussi des lieux de collecte importants. Quarante-six pour cent des personnes interrogées ont déclaré acheter régulièrement des légumes sauvages au marché local, contre 26 pour cent seulement qui en vendent. Les aliments sauvages sont consommés toute l'année par 56 pour cent des personnes, mais la consommation est plus élevée en hiver. Soixante-neuf pour cent des ménages font des conserves de légumes verts sauvages en prévision de la mauvaise saison.

Fruits et feuilles du baobab
(Adansonia digitata)

Cette étude conclut que l'utilisation alimentaire des plantes sauvages n'est pas secondaire. La teneur des feuilles en nutriments supporte favorablement la comparaison avec les variétés cultivées et les protéines riches en lysine et les sels minéraux de ces végétaux sauvages sont tout particulièrement importants.

Les deux monographies citées ci-dessus font apparaître que les feuilles sauvages fraîches sont en général cuites dans des ragoûts. Elles sont souvent aussi consommées après avoir été séchées et réduites en poudre. B. Becker (1983) indique aussi que dans le Ferlo, au Sénégal, les feuilles de baobab (Adansonia digitata) séchées et pulvérisées sont fréquemment consommées avec le couscous. On vend des feuilles séchées sur la plupart des marchés villageois. Les feuilles de baobab sont une bonne source de protéines (13,4 pour cent de la valeur énergétique), de sucres (1180 kj/100 g), de calcium (2600 mg/100 g) et de vitamine A (1618 μg/100 g équivalent rétinol).

Les feuilles peuvent aussi être fermentées. Dirar (1984) a noté que les feuilles de Cassia obtusifolia sont souvent fermentées et servies en remplacement de la viande après avoir été malaxées en pâte (kawal), ou sont séchées et pulvérisées pour être conservées. Le kawal entre dans la composition des ragoûts et des soupes qui accompagnent le gruau de sorgho. Il est riche en protéines (19,7 pour cent et 21,9 pour cent dans deux échantillons analysés).

Graines et noix

Les graines et les noix apportent en général des éléments énergétiques, des lipides, et des protéines. La consommation d'huile et de matières grasses est en général faible dans les pays en développement, et ces produits sont souvent un achat important pour les ménages (Truscott 1986). On estime qu'une alimentation pauvre en matières grasses est néfaste, surtout pour les enfants qui ont besoin d'aliments à haute teneur énergétique. Outre leur contribution énergétique, les huiles et matières grasses sont aussi importantes en raison de leur rôle dans la fixation des vitamines A, D et E.

On compte de nombreux exemples de noix et de graines importantes au plan nutritionnel. Les noix des palmiers sont en bonne place, notamment la noix de coco, la noix du palmier à huile, et celle du palmier babassou. La noix de coco a un rôle capital dans de nombreuses cultures; à l'échelon mondial, elle représente environ 7 pour cent de la ration lipidique totale. On estime que 8 milliards de noix de coco ont été consommées “brutes” en 1965 (Cornelius, 1973). Dans le Nord-Est du Brésil, les amandes de babassou approvisionnent en huile en moyenne 71 pour cent des ménages de la région (May et al., 1985a).

L'amande et les fruits du palmier à huile (Elaeis guineensis) sont la principale source d'huile des régions méridionales de l'Afrique de l'Ouest. En Sierra Leone par exemple, Smith et al. (1979) estiment que 96 pour cent des ménages ruraux en consomment, et qu'elle représente pour eux la principale source de vitamine A. De même, dans le sud-est du Nigéria, Nweke et al. (1985) estiment que 89 pour cent des ménages consomment régulièrement de l'huile de palme.

Le palmier sago (Metroxylon spp.) est une source alimentaire importante pour beaucoup d'asiatiques. Townsend (1971) a constaté que ce palmier fournit 85 pour cent de la ration énergétique de la population rurale du Haut Sepik, en Papouasie-Nouvelle Guinée. Ulijaszek (1983) estime que le sago est un aliment de base pour un tiers des Mélanésiens (environ un million de personnes), et qu'un autre million de personnes en consomment régulièrement. Il ajoute que ceux qui consomment du sago comme denrée de subsistance appartiennent à divers groupes sociaux, commerçants, agriculteurs ou chasseurs-cueilleurs.

Parmi les autres arbres importants donnant des noix oléagineuses, il faut citer le karité, l'anacardier, l'arbre à pain africain et le mongongo (Ricinodendron rautanenii). Dans la majeure partie du Sahel, les graines de Parkia spp. ont une part importante dans le régime alimentaire. Campbell-Pratt (1980) a constaté que les graines de parkia fermentées (dawadawa) sont l'ingrédient majeur des garnitures, soupes et ragoûts qui accompagnent les gruaux en Afrique du Nord et de l'Ouest. La fermentation rend plus digestes les protéines et accroît la teneur vitaminique des graines, ce qui en fait un aliment étonnamment nutritif et riche en protéines et en lipides. La teneur du dawadawa en protéines va de 26 à 47 g/100 g, et sa valeur énergétique est comprise entre 517 et 618 kilocalories.

L'étude de la documentation réalisée par cet auteur révèle que la graine de parkia fermentée est utilisée:

Fruits

On consomme dans le monde entier des milliers d'espèces de fruits sauvages. Les fruits sont le plus souvent consommés crus, comme aliment de collation. Certains, comme Artocarpus communis (fruit de l'arbre à pain), sont des aliments de base en soi. Les fruits de la forêt sont aussi largement utilisés pour préparer des boissons, tout particulièrement de la bière. Ils sont notoirement d'excellentes sources de sels minéraux et de vitamines, et apportent parfois une ration énergétique non négligeable.

Dans une étude consacrée à l'utilisation des fruits sauvages au Zimbabwe, Campbell (1986) a constaté que s'il existe de très nombreuses essences fruitières, trois d'entre elles (Diospyros mespiliformis, Strychnos cocculoides et Azanza garckeana) sont les plus utilisées et les plus recherchées. Ayant examiné l'utilisation faite des fruits dans trois localités différentes, chacune caractéristique de l'un des trois grands types de systèmes fonciers, il a observé qu'alors que les terres communautaires étaient fortement surpeuplées et avaient été gravement déforestées, la densité et l'utilisation des trois essences fruitières les plus prisées n'avaient pas souffert de la déforestation. Les arbres fruitiers avaient été respectés, et incorporés dans les systèmes d'exploitation agricoles. Il a aussi constaté que l'abondance des arbres fruitiers n'était pas directement liée à la fréquence de consommation des fruits. Ceux-ci étaient le plus couramment consommés comme collation, et 23 pour cent seulement des personnes qui en cueillaient déclaraient qu'elles les utiliseraient au cours les repas.

Le rôle nutritionnel des collations au plan qualitatif et quantitatif, n'a pas été examiné. Ogle et Grivetti (1985) ont noté qu'au Swaziland la majeure partie des fruits sont consommés à l'extérieur du foyer, au travail ou chemin faisant. Ils ont conclu que ces fruits étaient une source essentielle de vitamine C; 110 essences fruitières sauvages différentes ont été dénombrées, dont 13 utilisées fréquemment par plus de 25 pour cent des personnes interrogées; 34 autres espèces étaient consommées annuellement par plus de 25 pour cent de la population; enfin 8 espèces étaient consommées chaque année par 80 pour cent de la population. L'abondance et la consommation de fruits accusaient des variations très marquées entre les différentes zones écologiques. Tous les habitants n'en consommaient pas les mêmes quantités: c'étaient les enfants qui en mangeaient le plus.

Racines et tubercules

Les racines et tubercules contiennent des hydrates de carbone et certains sels minéraux. Il s'agit-là surtout d'aliments de famine ou de sécheresse, non seulement parce qu'ils résistent à l'insuffisance des précipitations, mais parce qu'ils sont une source d'eau importante. En outre, racines et tubercules ont une place importante dans la pharmacopée traditionnelle. Malaisse et Parent (1985) ont identifié plus de 40 espèces de racines à usage alimentaire dans le Haut Shaba. Ils ne donnent toutefois pas de précisions sur leur fréquence d'utilisation. Beaucoup de ces produits exigent une préparation (trempage, cuisson) pour devenir comestibles, ce qui explique probablement que l'on n'y ait recours qu'en cas de pénurie alimentaire. Comme on l'a vu, depuis quelques années l'aide alimentaire et les disponibilités commerciales ont probablement réduit le rôle de ces produits en temps de crise.

Au Swaziland, Ogle et Grivetti (1985) ont constaté qu'environ 10 pour cent des espèces végétales sauvages répertoriées comme comestibles étaient des racines ou tubercules. La seule espèce d'usage fréquent était le bulbe d'Aloe saponaria. La plupart des racines comestibles sont consommées par les gardiens de troupeaux quand ils sont loin de leur habitation. De même au Kenya, où Kabuye (1986) a constaté que les racines et tubercules n'étaient consommées que comme collation pendant la garde des troupeaux. En général, on trouve que chercher et extraire les racines prend trop de temps.

Champignons

Les champignons sont des mets de choix dans beaucoup de cultures; ils sont accommodés en sauces et en condiments qui relèvent la saveur des plats. Souvent ils remplacent la viande. Ce sont de bonnes sources de protéines et de sels minéraux. Parent (1977) a analysé la valeur nutritionnelle de 30 espèces de champignons comestibles du Haut Shaba, au Zaïre. Leur teneur moyenne en protéines était de 22,7 g/100 g de matière sèche. Les champignons sont aussi riches en sels minéraux, avec une teneur moyenne en calcium de 349 mg/100 g, et une teneur moyenne en fer de 1 552 mg/100 g.

Mais souvent la saison des champignons est brève, et, à cette période, leur cueillette devient l'activité principale. Parent (1977) a constaté que Cantharellus sp. est l'espèce la plus souvent cueillie. Il a estimé qu 'à la saison des pluies les quelque 700 000 habitants du Haut Shaba en consomment au moins 20 tonnes. Ce sont les femmes et les enfants qui cueillent les champignons, consacrant à cette activité de deux à trois heures par jour à la saison des pluies. Les champignons sont ensuite souvent commercialisés. De même, dans la vallée de Mae Sa dans le nord de la Thaïlande, on cueille à la saison des pluies de nombreuses espèces de champignons pour les consommer directement ou les commercialiser (Jackson et Boulanger, 1978). Sen Gupta (1980) estime que 30 tonnes de champignons sont cueillis chaque année au Jammu, au Cachemire, et dans l'Himachal Pradesh.

Gommes et sèves

Il est fréquent de saigner les arbres pour en tirer la sève, souvent riche en sucres et en sels minéraux; on en fait souvent des boissons. Les gommes servent d'aliment de complément, et peuvent avoir de bonnes qualités énergétiques. Sèves et gommes ont en outre de nombreux usages médicinaux.

Dans le nord du Brésil, la sève du palmier babassou sert à faire du vin. Les souches, laissées en place après la récolte, sont façonnées en creux et la sève qui s'y dépose est laissée à fermenter (May et al., 1985a). Le palmier Borassus flabellifer est très largement cultivé dans le sud de l'Inde pour sa sève, appelée toddy. Les inflorescences fermées sont saignées pour en tirer la sève; elles peuvent donner jusqu'à deux litres par jour. La sève est bue soit fraîche, soit fermentée en vin de palme. En Afrique de l'Ouest, on fait aussi des vins de palme prisés à partir de la sève de Raphia hookeri et de Elaeis guineensis. Il s'agit d'une boisson qui revêt un caractère culturel et cérémonial important, et que l'on sert dans toute la région (FAO 1989). Dans le sud du Cameroun par exemple, Koagne (1986) a relevé que tous les ménages consommaient du vin de palme plusieurs fois par semaine. La gomme de Sterculia sp. est utilisée comme aliment de complément par les Wolofs du nord du Sénégal. On l'ajoute aux soupes et aux ragoûts. C'est une bonne source de vitamine C (52 mg/100 g) et de vitamine A (396 μg/100 g équivalent rétinol) (B. Becker 1983).

La gomme arabique (Acacia senegal) est elle aussi un aliment important pour les pasteurs, les agriculteurs et les chasseurs-cueilleurs. Les nomades de Mauritanie l'utilisent pour faire le N'dadzalla, mélange de gomme, de beurre et de sucre frits. Elle est utilisée comme produit de remplacement du lait en la coupant d'eau sucrée (Giffard 1975). Grieve (1967) note que six onces de gomme par jour suffisent à un homme, et qu'elle est l'aliment de base des cueilleurs dans la brousse. Le Service des forêts du Sénégal estime que les cueilleurs en consomment annuellement 500 tonnes (Giffard 1975). Wichmann (in New 1984) constate que la gomme arabique pourrait servir d'aliment de complément, parce qu'elle accroît la synthèse des vitamines.

Ce bref aperçu des aliments végétaux de la forêt montre bien que de très nombreux végétaux sauvages continuent d'être consommés dans bien des régions du monde. Diverses monographies donnent une idée des quantités utilisées, mais il faudrait mieux connaître encore la fréquence d'utilisation et le rôle de ces produits dans l'alimentation des populations. On sait mal aussi comment évolue l'exploitation de la forêt à des fins vivrières. Cette question sera traitée à la section “Changements au niveau des ressources forestières et de leurs usages”, (p. 43).

Aliments d'origine animale tirés des systèmes forestiers ou agroforestiers

On limite généralement la notion d'“aliments forestiers” aux produits que fournissent les végétaux de la forêt et les arbres en particulier. Or les animaux sauvages et le poisson comptent aussi pour beaucoup dans l'approvisionnement en aliments forestiers. Les zones boisées, les mangroves, les cours d'eau et les jachères sont l'habitat de maintes espèces animales, terrestres ou aquatiques. Les poissons et le gibier fournissent une fraction significative des protéines animales consommées en zone rurale. Il n'appartient pas à la présente étude de traiter des fonctions “protectrices” de la forêt, mais il faut tout de même mettre en relief le rôle de celle-ci en tant qu'habitat d'un grand nombre d'espèces animales, donc en tant que ressource vivrière pour les populations rurales.

Ressources des pêcheries

Les forêts sont parcourues de cours d'eau qui sont l'habitat de nombreuses espèces de poissons d'eau douce; les forêts régulent la température de l'eau et en réduisent la charge alluvionnaire. Leur défrichement peut être cause d'un accroissement du débit solide et de la température de l'eau. La présence de particules fines de sédiments nuit au libre passage de l'oxygène dans les graviers du lit, ce qui endommage les oeufs dans les frayères. Par ailleurs les mangroves sont l'aire de reproduction de nombreuses espèces marines, notamment de crevettes et de crabes. On estime aussi que d'autres espèces côtières - Chanos salmonens, aloses, perches de mer, mulets et poissons-chats-ont aussi besoin des zones de mangrove au cours de leur cycle biologique (Twilley 1986, Turner 1975). Poissons et mollusques fournissent une fraction importante des protéines animales que consomment les populations locales. Par exemple, Olatunbosum et al. (1972) ont constaté en étudiant la production animale au Nigéria que la consommation quotidienne de poisson était de 29 g par personne, contre 9,15 g pour la viande de boeuf. Les Prescott-Allen (1982) ont estimé qu'au Sarawak, en Malaisie, le poisson représentait 60 pour cent des protéines animales consommées quotidiennement, tandis qu'aux Philippines, cette part était de 53 pour cent. Une enquête dans la zone amazonienne du Pérou (Dourojeanni 1978) a révélé que les habitants consommaient 135,6 g de poisson par jour, soit 60 pour cent d'une ration de chair animale de 221,7 g par jour et par personne.

Les captures de poisson d'eau douce en Asie dépassent en moyenne 4,25 millions de tonnes par an (1975–1980). On estime les captures totales en Afrique à 1,5 million de tonnes (autant que les captures de l'Europe et des Amériques réunies). En Asie, les principales pêcheries d'eau douce sont les rivières et fleuves. En Afrique, 60 pour cent des captures d'espèces d'eau douce viennent des grands lacs (Prescott-Allen et Prescott-Allen 1982).

Contribution alimentaire des animaux sauvages dont la forêt et les arbres constituent l'habitat

Les animaux sauvages sont également une source importante d'aliments forestiers. On consomme des oiseaux et leurs oeufs, des insectes, des rongeurs, et des mammifères de plus grande taille. Les animaux sauvages ont une part importante dans l'alimentation des gens qui vivent à proximité des forêts ou des jachères forestières, et sont parfois l'unique source de protéines animales. Les données actuelles sur la consommation de gibier proviennent essentiellement d'Afrique de l'Ouest, où celle-ci est exceptionnellement élevée. Les conclusions à tirer de ces études pertinentes sont parfois d'un intérêt majeur, et sont aussi valables ailleurs:

Il est difficile de calculer dans quelle mesure les forêts contribuent à la consommation locale de viande de gibier. Bien souvent la chasse se pratique clandestinemenuen raison des interdictions et règlements cynégétiques divers. En outre, la consommation des produits animaux les plus courants, à savoir les petits animaux (insectes et escargots). souvent mangés comme collations au même titre que les fruits sauvages, échappe aux statistiques sur l'alimentation.

Valeur nutritionnelle de la viande de gibier.

Le gibier peut représenter une source importante de protéines animales. La valeur nutritionnelle du gibier est comparable à celle des animaux domestiques, et dans certains cas (antilope, iguane, faisan par exemple) leur chair est plus riche en protéines. Les viandes de gibier sont de bonnes sources de fer, de vitamine A et de vitamine B.

De Vos (1977) a noté que le bilan chimique de la viande de rat est en tous points comparable à celui des autres produits animaux. La fraction énergétique d'origine protéique de certaines chairs animales couramment consommées est comprise entre 21,8 et 24,9 pour cent (Asibey 1978), quoique d'autres auteurs donnent une fourchette de 13,7–30,4 pour cent (Ohtsuka 1985). Par exemple, la chair de l'aulacode (rat des cannes) contient 22,3 pour cent de protéines, celle du rat géant 22,5 pour cent, et celle de l'antilope 30,4 pour cent.

Les insectes sont une source étonnante de protéines et de vitamines. Poulsen (1982) a comparé les chenilles à des comprimés vitaminés. Mungkorndin (1981) a constaté que 100 g de termites apportaient 561 calories, et que les larves d'abeilles sont une excellente source de vitamine D (10 fois plus que l'huile de foie de poisson) et de vitamine A (2 fois plus que le jaune d'oeuf).

De nombreuses études portent sur la contribution en pourcentage de la viande de gibier à la ration totale de protéines animales. Cet apport est significatif dans certains cas, mais beaucoup de ménages ne consomment que des quantités extrêmement faibles de viande, et l'apport protéique correspondant est donc infime. Mais même dans ces cas, la saveur apportée par un peu de viande aux aliments de base peut encourager les gens à manger davantage. On ne dispose cependant pas de données sur ce sujet.

Importance de la viande de gibier dans l'alimentation.

La consommation de viande de gibier varie très fortement d'une région à l'autre. En Afrique de l'Ouest, la viande de brousse figure en bonne place dans la consommation de protéines animales des ménages ruraux, avec une part de 20 à 100 pour cent (FAO 1989). Au Nigéria par exemple, le gibier est une source régulière de viande pour 53 pour cent de la population rurale de la région du sud-est (Martin 1983). En 1966, dans trois régions du sud du Nigéria, Charter (1973) a calculé que 19 pour cent des aliments d'origine animale provenaient de la viande de brousse, 60 pour cent du poisson, et 21 pour cent du bétail. Bien que les quantités de viande sauvage consommée puissent être en recul, on a constaté que 95 pour cent de la population en mangeait (Martin 1983). A Accra, au Ghana, ce sont au minimum 100 tonnes de viande de brousse qui sont consommées chaque année (chiffre calculé sur la base d'une étude réalisée au marché central). Asibey (1978) estime que la consommation effective est probablement supérieure de dix fois.

Mais la consommation de viande de brousse est étroitement liée à état de la forêt. Au Nigéria, Charter (1973) a observé que dans les zones dépourvues de réserves forestières et à forte densité de population, comme celle d'Onitsha, la viande de brousse ne représentait que 7 pour cent de la consommation totale de viande, tandis que dans les zones proches des grandes réserves, elle en constituait la majeure partie, avec par exemple 82 pour cent au Bénin, et 84 pour cent à Uyo. Soixante-dix pour cent de la viande consommée par la population rurale de la forêt tropicale humide de la Côte d'Ivoire est de la viande de brousse, alors qu'en moyenne dans l'ensemble du pays, celle-ci ne représente que 7,4 pour cent des protéines animales absorbées (Ajayi 1979). Dans la même zone écologique du Cameroun, la viande de brousse compte pour 70 à 80 pour cent de la consommation annuelle totale de protéines animales, alors que sa part à l'échelle du pays tout entier n'est que de 2,8 pour cent (Prescott-Allen et Prescott-Allen 1982).

En Amérique latine, la faune sauvage représente encore une bonne part de la consommation de protéines animales dans les régions forestières. Les enquêtes réalisées dans la zone amazonienne du Pérou entre 1965 et 1973 ont fait apparaître que les habitants tiraient de la faune sauvage (poisson compris) plus de 85 pour cent des protéines animales qu'ils consommaient. Dans la région de Pachitea, on consommait quotidiennement 460 g de viande sauvage. En revanche, à Ucayali, on consommait 52 g de gibier et 135 g de poisson, ainsi que 34 g de viande d'animaux domestiques par jour. A Iquitos, en zone périurbaine, la consommation quotidienne de gibier était de 76 g. En 1977, on estimait la production totale de gibier de la zone amazonienne du Pérou à 13 000 tonnes. Les invertébrés comptaient pour 3 à 6 pour cent dans la consommation totale de viande de cette région (Dourojeanni 1978).

Dans certaines zones du Botswana, on consomme 248 g de viande sauvage par jour et par habitant. Butynski et Von Richter (1974) ont estimé que les pasteurs Batswana tirent de la faune sauvage 80 pour cent des protéines animales qu'ils absorbent. Ils ont évalué à 2 360 000 rands la valeur de la viande de gibier auto-consommée.

Les prix relevés dans certaines villes d'Afrique de l'Ouest sont révélateurs de la demande de viande de brousse (voir Tableau 1). Dans presque tous les cas, la viande de brousse se vent plus cher que les viandes d'animaux domestiques. Ces prix n'indiquent pas la part de la viande de brousse dans la consommation totale, mais suggèrent incontestablement que la consommation est limitée par l'offre plutôt que par un quelconque changement dans les valeurs culturelles.

Dans une étude réalisée dans la zone pionnière de la route transamazonienne, Smith (1976) constate lui aussi que la consommation de viande d'animaux sauvages est limitée par les disponibilités plus que par les préférences alimentaires. Dans une région nouvellement colonisée, il a constaté que la viande de brousse représentait 20 pour cent (soit 21,033 kg) de la consommation totale de protéines animales (il notait aussi que cette estimation prudente prenait surtout en compte la consommation de gros gibier). Mais dans une autre région, quinze ans après l'arrivée des colons, le gibier ne représentait plus que 2 pour cent de la consommation totale de protéines animales. Cette baisse était imputable à la transformation de l'habitat et à l'effort de chasse excessif.

En général, ce sont les petits animaux qui comptent surtout dans la consommation de subsistance.

Dourojeanni signale qu'au Pérou, 41 pour cent des protéines animales consommées proviennent de quatre espèces animales sauvages de petite taille. En Amérique du Sud, la capybara, un rongeur géant, est un gibier très prisé. Cet animal présente une productivité 3,5 fois plus forte que celle des bovins, et son taux de reproduction est 6 fois plus élevé. Butynski (in de Vos 1977) estime que l'on consomme annuellement au Botswana 2 200 tonnes de lièvre africain, soit l'équivalent en viande de 20 000 têtes de bétail.

Les sources les plus importantes de viande sauvage en Afrique de l'Ouest sont le rat géant et l'aulacode. Une étude faite sur le marché d'Accra (Ghana) montre que l'aulacode est le principal des gibiers commercialisés: il représente 75 pour cent de la viande de brousse vendue, à savoir 117 226 kg sur un total de 155 979 kg. Parmi les autres rongeurs largement consommés en Afrique, on compte l'écureuil commun, l'écureuil du palmier, le porc-épic, et plusieurs espèces de souris (Ntiaoma-Baidu 1987).

TABLEAU 1 Prix de la viande dans certains pays d'Afrique de l'Ouest

Dollars E.-U./kg(1)(2)(3)(4)(5)(6)(7)
Lièvre (Lepu spp.)3,757,2     
Rat géant de Gambie
(Crycetomys gambianus)
 5,0 0,512,33  
Aulacode
(Thryonomys swinderianus)
 9,63,331,063,9610,001,00
Athérure
(Atherurus africanus)
4,30 3,661,063,04 2,50
Daman des arbres
(Dendrohyrax arboreus)
 6,4  3,66  
Céphalophe de Grimm
(Sylvicapra grimmia)
 6,8 0,88  4,00
Céphalophe de Maxwell
(Chephalophus maxwelli)
  2,83 3,75  
Céphalophe à bande dorsale noire
(Cephalophus dorsalis)
2,50  0,862,70  
Céphalophe noir
(Cephalophus niger)
 5,2 0,792,91  
Guib harnaché
(Tragelaphus scriptus)
 5,21,33 3,07 2,50
Potamochère
(Potamochoerus porcus)
  3,33 3,26 2,50
Hocheur
(Cercopithecus ascanius)
     3,472,50
Colobe bai
(Colobus badius)
3,75     3,00
Civettes
(Civeltictis spp,)
1,88    3,35 
Boeuf2,504,2 0,45 3,002,50
Mouton3,502,8 0,61 6,004,00

(1) Cameroun, Sabouang, 1978;
(2) Nigéria, Ibadan, 1975;
(3) Nigéria, Bendel State, 1977;
(4) Ghana, Accra, 1970;
(5) Ghana, Accra, 1985;
(6) Côte d'Ivoire, Abidjan, 1978;
(7) Libéria, Monrovia, 1979.
Source: Asibey, 1986

Malgré l'importance des espèces de petite taille, on estime souvent que la part prédominante du petit gibier et des rongeurs dans l'alimentation carnée tient plus à la rareté du gibier de plus grande taille qu'à une question de goût (de Vos 1977).

Les animaux sauvages sur les exploitations agricoles et les jachères.

Les terres agricoles, et surtout les champs en jachère, sont l'habitat de nombreuses espèces d'animaux sauvages. En Afrique de l'Ouest par exemple, l'aulacode, fort prisé, a étendu son aire vers le sud en direction des zones déboisées et laissées en jachère (Asibey 1986). Il est suggéré dans certaines études que l'un des avantages de l'incorporation des arbres dans les systèmes agricoles est qu'ils reconstituent un habitat pour la faune sauvage. Les agriculteurs de l'aire du palmier babassou dans le nord du Brésil ont très largement recours à la chasse pour se procurer des protéines animales. Les fruits du babassou sont un aliment important pour deux grands rongeurs, le paca et l'agouti. Les stipes des palmiers abattus sont souvent laissées en place pour attirer les larves de coléoptères, qui sont ensuites récoltées et cuisinées (May et al. 1985a).

Dans une étude consacrée aux arbres dans les rizières du nord de la Thaïlande, Grandstaff et al. (1985) ont constaté que les arbres plantés sur les diguettes et dans les rizières mêmes avaient de nombreuses fonctions, et en particulier celle de fournir un habitat pour la faune sauvage. On y capture pour les consommer lézards, rats, oiseaux et fourmis arboricoles. Au Pérou, dans la zone amazonienne, les agriculteurs installent des plateformes d'affût sur les vieilles jachères, à proximité des arbres dont se nourrissent les animaux. Bien entendu, les arbres aménagés sur les jachères le sont en partie parce qu'ils attirent et nourrissent les animaux sauvages les plus prisés pour leur viande et leur peau (Padoch et al. 1985).

Fourrage pour le bétail: la contribution de la forêt et de l'arbre

De nombreuses essences tropicales sont utilisées pour leurs produits d'affouragement, soit sur place, soit à l'étable. Wickens et al. (1985) estiment que 75 pour cent des essences d'Afrique tropicale, soit entre 7 000 et 10 000, sont utilisées comme fourrage. Les essences fourragères contribuent de diverses manières à la sécurité alimentaire des ménages: elles jouent un rôle appréciable dans la production animale, que l'homme utilise sous forme de lait et de viande; le fourrage permet aussi d'entretenir les animaux de trait, et donne du fumier qui améliore la production végétale. Les arbres fourragers fournissent des feuilles, des rameaux, des gousses et des fruits. Ces produits viennent en général en complément d'autres fourrages. Dans les régions arides, ce type de fourrage joue parfois un rôle crucial dans l'alimentation du bétail à la saison sèche. Au plan nutritionnel, les arbres fourragers constituent une composante importante, fournissant des protéines, des sels minéraux et des vitamines.

Le lait et la viande, qui sont les principaux produits animaux dont se nourrit l'homme, constituent une importante composante. A Keita, au Niger (en zone rurale), on a relevé une consommation quotidienne de viande de 14 g, tandis que dans les centres urbains du Sénégal (Dakar et Louga) elle se situe aux alentours de 25 grammes par personne et par jour. En revanche, la consommation de lait est plus élevée en Afrique de l'Ouest rurale que dans les villes: 70 g par habitant à Keita contre 15 g à Dakar.

Dans les zones arides, le fourrage produit par les arbres est particulièrement important à la saison sèche, quand les graminées viennent à manquer. Acacia albida par exemple compte parmi les essences fourragères importantes du Sahel. A la saison sèche, ses gousses arrivent à représenter de 30 à 45 pour cent de la ration totale de fourrage. Sur les marchés de la région on les vend comme aliment reconstituant pour les animaux affaiblis (Wentling in New 1984). Au Kenya, les Turkana utilisent 87 pour cent de la végétation environnante comme fourrage pour leur bétail, et pour eux, les essences fourragères sont particulièrement importantes (Morgan 1981).

Acacia albida, une essence fourragère importante

Certaines essences des régions tropicales humides sont aussi prisées pour le fourrage qu'elles produisent. Dans l'ouest de Java par exemple, les arbres fournissent jusqu'à 15 pour cent du fourrage que consomment les petits ruminants à la saison sèche. Ce fourrage est distribué à l'étable. Au Népal, nombreux sont les agriculteurs qui ont planté des essences fourragères sur leurs terres agricoles (Heuch et Shrestha 1986). L'importance relative des ressources fourragères forestières et agricoles varie fortement d'une région à l'autre. Dans certaines régions, on a dénombré jusqu'à 90 arbres fourragers sur une exploitation. Dans le sud-est du Nigéria, les essences fourragères sont de plus en plus importantes sur les terres agricoles et sur les jachères; les plus prisées sont Ficus sp., Baphia nitida, Acioa barteri et Newbouldia laevis (Okafor et Fernandes 1987).

Miel d'origine forestière: les abeilles butinent toute l'année

Le miel est un produit tiré des zones forestières très prisé dans le monde entier. Les arbres jouent souvent un rôle déterminant dans la production de miel car collectivement (en raison de leur floraison échelonnée dans le temps) ils procurent aux abeilles un approvisionnement constant en nectar. Newman (1975) a constaté que le miel est un aliment important pour les agriculteurs Sandawe, qui le récoltent trois fois l'an. Le miel de production locale est fort prisé et se vend un bon prix à Oman: 450 g peuvent coûter plus de 20 rials (soit environ 41 livres sterling) (Lawton 1984).

Le miel est précieux au plan nutritionnel, surtout pour sa valeur énergétique: 100 grammes de miel représentent plus de 280 calories (Sen Gupta 1980). La production de miel fait l'objet d'un artisanat important en Inde. En 1975–76, 33 000 villages ont produit 32 000 tonnes de miel et 13 tonnes de cire. Ces chiffres ne rendent compte que de la production de miel domestique; or on estime que la production de miel sauvage est beaucoup plus importante (Sen Gupta 1980). Suryanarayana et al. (1984) rapportent que les colonies d'Apis cerana produisent 5 000 tonnes de miel en Inde. Ils notent aussi que la présence de ruches dans le voisinage peut nettement améliorer les rendements des plantes oléagineuses, des légumineuses à graines et des arbres fruitiers, mais cela exige aussi la présence d'arbres mellifères pour alimenter les abeilles le reste de l'année.


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