Quoique cette étude ait essentiellement pour objet l'agriculture itinérante dans la zone tropicale humide, il convient de constater qu'à l'intérieur de cette classification régionale il existe des différences dans le climat, le relief et les sols, les populations, et les antécédents historiques, qui ont une forte incidence sur les systèmes agro-écologiques de culture sur brûlis qui y sont pratiqués.
Dans la zone tropicale humide, les différences régionales ont une forte incidence sur les systèmes de cultures itinérantes.
Le bassin amazonien est l'une des régions les plus humides du monde. La moitié environ du volume des précipitations provient du recyclage de l'eau à l'intérieur de la région, l'autre moitié ayant sa source dans l'Océan Atlantique. Les précipitations diminuent de façon générale d'est en ouest, les pluies les plus abondantes se produisant en juin au nord de l'Equateur et en janvier au sud (Hame et Vickers 1983). Le Bassin du Congo est plus sec; même en son centre une «saison sèche» peut se produire, et durer jusqu' à deux mois, tandis que les précipitations à la périphérie du bassin sont particulièrement instables au début et à la fin de la saison des pluies (Miracle 1973; Kowal et Kassan 1978).
Contrairement au Bassin amazonien, l'Asie du Sud-Est se présente comme une vaste zone où s'entremêlent l'océan, les îles, et les collines et vallées continentales. En superficie, la moitié environ de cette région se trouve sur le continent (Birmanie, Thaïlande, Viet Nam, Laos, Cambodge, Singapour et Malaisie péninsulaire), l'autre moitié étant insulaire (Indonésie, Philippines, Brunei, Sabah et Sarawak). Les précipitations en Asie du Sud-Est peuvent être classées en deux grandes catégories: une répartition pratiquement régulière des pluies sur l'année (Malaisie péninsulaire, Bornéo, Sumatra, Ouest de Java, Molluques et Est des Philippines d'une part, et d'autre part une pluviométrie plus classique de moussons, avec une saison de grosses pluies et une saison sèche caractérisée (péninsule thaïlandaise, côte de la Birmanie, Cambodge, Sulawesi et Ouest des Philippines). Les zones les plus sèches reçoivent moins de 1500 millimètres de pluies par an (Capistrano et Marten 1989). Comme il est fréquent dans les zones insulaires et montagneuses, à l'intérieur d'une même zone climatique on constate une variabilité d'année en année et de site en site. Ces variations climatiques locales par rapport aux moyennes régionales donnent naissance à divers micro-environnements. Les micro-environnements résultant des variations de la pluviométrie sont en outre différenciés par leurs sols, leurs forêts et leurs ressources d'origine fluviale ou maritime (Warner 1981).
Contrairement au Bassin de l'Amazone et à l'Afrique, le relief des zones où se pratique l'agriculture itinérante en Asie du Sud-Est est caractérisé par la présence de collines et de vallées. Les grosses pluies, tombant sur ce type de terrain, ne permettent guère de pratiquer une agriculture intensive à flanc de colline, l'érosion devenant extrêmement active, aux dépens des pentes et au bénéfice des fonds de vallées, où des sols alluviaux fertiles constituent la base exploitée par la riziculture irriguée dans la région (Capistrano et Marten 1986).
Dans le Bassin amazonien, les densités de populations sont faibles. Les populations autochtones, dans toutes les Amériques, ont été décimées par les maladies apportées d'Europe au moment où les contacts se sont établis. En Amazonie, les épidémies ont été suivies par la persécution et l'assujetissement de nombreux groupes indigènes. Sous l'effet de ces pressions, certains survivants ont cherché à éviter les contacts en se réfugiant dans des zones inaccessibles de la forêt. Une «détribalisation» s'est aussi produite, les résidents de certaines zones, quoique d'origine tribale, ayant cessé de suivre les coutumes indigènes ou de faire partie d'un groupe identifiable. Des populations disséminées ont été rassemblées par les missions chrétiennes et réinstallées (Roosevelt 1989).
Les faibles densités de populations actuellement constatées dans les zones tribales traduisent davantage les effets des pandémies et des persécutions du passé que la capacité de charge démographique des agro-écosystèmes indigènes amazoniens. Quelles connaissances ont été perdues du fait des épidémies et des persécutions qui se sont poursuivies jusqu' à l'époque actuelle? Cela est difficile à évaluer. Dans les petites sociétés, même s'il est admis que certaines personnes en savent plus que d'autres sur les plantes, les animaux, les substances médicinales, le rituel, etc., chacun en sait suffisamment pour accomplir toutes les tâches fondamentales qui incombent à l'homme ou à la femme dans cette société. Les connaissances qui confèrent l'autorité sont peut-être perdues, mais le savoir-faire quotidien demeure. Les études des peuplades amazoniennes font apparaître que les connaissances locales sont assurément assez complètes pour leur permettre d'élaborer et de maintenir toute une gamme d'activités de subsistance.
Comme le Bassin amazonien, certaines zones d'Afrique ont dans le passé subi une dépopulation sous l'effet du contact avec l'Europe. La traite des esclaves a joué en Afrique un rôle analogue à celui des maladies européennes introduites dans le Nouveau Monde. Actuellement toutefois, c'est l'Afrique qui a le taux interne d'accroissement démographique le plus élevé de toute la zone tropicale humide (2,6%). Les croyances et les structures conjugales autochtones qui favorisaient autrefois la constitution de familles nombreuses perdurent aujourd'hui. La fécondité reste élevée, et le fait que l'on ne meurt plus prématurément dans les guerres tribales et les razzias, combiné à la présence croissante de services médicaux modernes, ont entraîné une accélération de l'accroissement démographique. Ce phénomène pèse sur les systèmes d'assolement traditionnels (Pieri 1987). Le problème tient en fait moins à l'effectif absolu de la population qu'à son rythme d'accroissement. Si un village double de population en l'espace d'une génération, il n'y aura pas assez de terres pour poursuivre la pratique usuelle d'assolement, et les moyens traditionnels (notamment l'agression ouverte contre une autre tribu) ne peuvent plus être utilisés pour acquérir des terres nouvelles.
En Asie du Sud-Est, les densités de populations accusent de fortes différences d'un lieu à l'autre, selon le degré d'urbanisation et les systèmes d'utilisation des terres. Actuellement, les densités des populations pratiquant les cultures sur brûlis vont de 12 personnes par km2 (nord du Laos) à 35 personnes par km2 (nord de la Thaïlande) (Boklin 1989, Kunstadter 1978b). Comme leurs homologues amazoniens, les agriculteurs pratiquant la culture sur brûlis intégrale appartiennent aux populations tribales. Distincts des sociétés paysannes des «basses terres» sur le plan culturel, linguistique et religieux, ils disposent de peu de pouvoir politique, et sont considérés comme inférieurs. Les cultivateurs itinérants sont perçus comme des «squatters» plutôt que des propriétaires, et les litiges entre exploitants forestiers, migrants et cultivateurs itinérants sont de plus en plus nombreux. Les réponses aux pressions exercées par les populations migrant vers la forêt sont fréquemment l'émigration, l'embauche salariée, et, quand cela est possible, l'intensification des pratiques agricoles.
A certaines exceptions près, les populations autochtones d'Amazonie et d'Asie du Sud-Est sont essentiellement villageoises. La vie s'organise en petits établissements, plutôt que dans des fermes individuelles. Bien qu'une famille donnée puisse passer une fraction du cycle agricole dans une habitation temporaire installée dans le champ obtenu par brûlis, sa résidence permanente est au village. En Afrique, les habitations individuelles peuvent présenter toutes les caractéristiques d'un village en soi. Le ménage polygame, qui compte plusieurs épouses, les fils mariés et leurs épouses respectives, peut avoir la taille et les fonctions d'un village à part entière.
L'implantation du village peut elle-même être choisie en fonction de critères autres que la qualité des terres agricoles voisines. Dans toute la zone tropicale, dans les régions qui présentent plusieurs zones écologiques distinctes (montagnes, forêts, pâturages, zones inondables) le village sera souvent situé dans une zone intermédiaire qui assure l'accès à chacune des zones écologiques et à ses ressources (Posey 1983).
Dans certaines parties de l'Amazonie où prédomine une zone écologique donnée, la décision d'implantation du village a pour critère le bien-être de la communauté: présence de matières premières pour les rituels, abondance du gibier ou du poisson, bonne visibilité pour éviter d'être pris par surprise, et bon approvisionnement en eau. Ces critères peuvent l'emporter sur la fertilité propre des sols au voisinage du site villageois, non pas par ignorance des caractéristiques des sols mais grâce aux caractéristiques de la culture du manioc, qui est le produit vivrier de base de nombreux groupes amazoniens (Moran 1989). En effet, le manioc est bien adapté aux sols tropicaux et s'accommode d'une déficience en nutriments, de l'acidité, et même de la présence d'oxydes d'aluminium toxiques dans les sols. C'est donc la tolérance du manioc vis-à-vis des sols médiocres qui permet d'appliquer d'autres critères à la localisation des villages.
En Asie du Sud-Est, tant sur le continent que dans les îles, les agriculteurs pratiquant la culture sur brûlis sont le plus souvent des gens des collines, qui mettent à profit les pentes pour assurer le drainage des champs. Comme les pratiques amazoniennes et africaines le montrent bien, ce type d'agriculture n'est pas lié à une topographie tourmentée. La dichotomie colline-vallée, cultivateurs itinérants et riziculteurs que l'on constate en Asie du Sud-Est résulte de facteurs historiques plutôt que de principes agronomiques. Les cultivateurs itinérants ont été repoussés vers les collines et contraints de quitter les vallées par l'arrivée de migrants postérieure à leur installation dans la zone. Ils se sont adaptés aux terrains en pente, et ont fait des collines leur site agro-écologique de prédilection. Sur le continent, les cultivateurs pratiquant la culture sur brûlis intégrale établissent de préférence leur résidence dans des vallées drainées par un petit cours d'eau. Bien que les îles du milieu de l'archipel indonésien soient actuellement cultivées par des agriculteurs sédentaires, des cultivateurs pratiquant la culture sur brûlis intégrale sont établis sur beaucoup d'autres îles d'Asie du Sud-Est, et constituent l'élément dominant de la population dans certaines régions de Sumatra, du Sabah et du Sarawak.
Dans toute la zone tropicale humide, la règle générale est que chaque famille est responsable de son propre champ. Les ménages vivent dans une habitation communautaire, individuelle ou en village où un chaman ou un ancien choisit le périmètre forestier que le village exploitera en culture sur brûlis au cours de l'année, mais chacun prend de manière autonome ses propres décisions en ce qui concerne les cultures, la main-d'œuvre et l'utilisation des micro-sites. Même si, comme en Asie du Sud-Est, il existe des règles communautaires concernant les terrasses irriguées, les champs obtenus par brûlis sont considérés comme étant de propriété et de gestion individuelle (Prill-Britt 1986). Quoique les agriculteurs itinérants aient une organisation plus lâche que les paysans sédentaires, il existe cependant des communautés hautement structurées. Par exemple les opérations agricoles des Lua' et des Karen du Nord de la Thaïlande sont strictement réglées par les anciens exerçant le rôle de chaman, qui décident quelle zone de la réserve forestière sera défrichée pour être cultivée, à quelle période, et à quel moment elle sera brûlée (Kinstadter 1978c; Keen sans date). Il semble toutefois que l'usage le plus répandu veuille que les chefs du village ou du hameau aient autorité pour régler les litiges entre villageois, tandis que les activités agricoles, sauf si elles lèsent les droits d'autrui, sont l'affaire du ménage, individuellement (Weinstock 1986).
Le ménage pratiquant la culture sur brûlis, par conséquent, doit prendre une série de décisions en ce qui concerne la gestion de l'élément agricole de l'agro-écosystème. Ces décisions sont guidées par les ressources disponibles, les connaissances individuelles sur la manière de les utiliser, les règles et les préférences concernant le lieu de résidence, les croyances religieuses et les sanctions sociales ainsi que les ressources en main-d'œuvre disponibles au sein du ménage.
On peut distinguer six stades dans le cycle de culture sur brûlis, auxquels l'agriculteur doit prendre des décisions capitales concernant l'emplacement, le calendrier, le choix des cultures et les apports de main-d'œuvre: choix du site et défrichage, brûlis, semis, sarclage et protection, récolte, enfin succession. Une mauvaise décision à n'importe lequel de ces stades peut avoir pour conséquence une récolte réduite, voire nulle.
Défrichage d'un champ en vue du brûlis.
Compte tenu de la diversité qu'ils recherchent, comment les cultivateurs itinérants choisissent-ils leurs champs? Le cultivateur pratiquant la culture sur brûlis intégrale a normalement le droit d'établir son champ n'importe où dans la forêt. Le droit à la «rémunération» de la main-d'œuvre étant reconnu, la famille «possède» le produit de ses champs. En Asie du Sud-Est et en Amazonie, le partage des vivres se fait sur le lieu d'habitation, et il est encouragé, mais la récolte proprement dite «appartient» à ceux qui ont défriché et entretenu le champ. Comme ce champ peut se trouver, en théorie, n'importe où dans la forêt, le choix du site est limité par un minimum de contraintes liées à la disponibilité de sites potentiels. Du point de vue de l'agriculteur, qui vit environné de milliers d'hectares de forêt, au stade initial de la prise de décisions, la forêt tout entière est un champ potentiel.
Dans les zones humides de l'Asie du Sud-Est et de l'Amazonie, l'agriculteur pratiquant la culture sur brûlis a en général le choix entre la forêt primaire et la forêt secondaire, tandis qu'en Afrique il est de plus en plus rare qu'il reste une forêt primaire à défricher à ces fins. (Okigbo 1982). Comme dans beaucoup de sociétés pratiquant la culture sur brûlis un champ est ensemencé plusieurs fois, ce choix doit répondre aux besoins présents et futurs. Le choix du site dépend non seulement des exigences en matière de fertilité du sol, mais aussi de la distance de l'habitation ou du village, de l'accessibilité du site tout au long de l'année (selon qu'il est en bordure d'une rivière, au flanc escarpé d'une montagne, etc.), des cultures envisagées et des disponibilités de main-d'œuvre, ainsi que des contraintes surnaturelles (bosquets sacrés, présence d'esprits, etc.) (Dove 1983; Warner 1981; Brokensha et Riley 1980; Debasi-Scheng 1974; Nietschmann 1973) (Voir Figure 2).
Figure 2. Choix du site
L'agriculteur pratiquant la culture sur brûlis se rend compte que la fertilité du sol est liée à l'état de la forêt. Une forêt à maturité est habituellement considérée comme présentant des sols favorables aux cultures (Dove 1983; Warner 1981). Ceci est confirmé par la recherche pédologique qui établit la relation entre les nutriments et la biomasse de l'écosystème de la forêt tropicale humide; plus la biomasse est développée, plus il y a de nutriments disponibles pour les cultures (Richards 1952; Jordon 1982; Poulsen 1978). Alors que les agriculteurs itinérants préfèrent la forêt à maturité, les choix pourront varier d'un groupe à l'autre entre la forêt primaire et la forêt primaire et la forêt secondaire à maturité (Conklin 1957; Nietschmann 1973; Rambo 1983; Beckerman 1987).
De nombreux agriculteurs pratiquant la culture sur brûlis se contentent de choisir la forêt primaire, puis passent au stade suivant de décision concernant le site. D'autres groupes distinguent toutefois entre les sols ou les types de topographie de la zone et classent les sites en fonction de ces distinctions. Aux Philippines, le fait que les agriculteurs pratiquant la culture sur brûlis habitent sur les pentes des collines confère au relief une importance majeure (Voir Figure 3). Le site préférentiel pour les cultures sur brûlis se trouve à flanc de colline, sur une pente régulière, car un terrain accidenté augmente la difficulté du défrichage, du sarclage, de la surveillance, etc. (voir Conklin 1957).
Figure 3. Asie du Sud-Est: classification topographique locale
Terme | Signification | Appréciation locale | |||||
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Tiruray | • | datar | • | plaine (terrain plat) | • | convient à la culture sur brûlis | |
• | li'ung | • | plateau | • | convient à la culture sur brûlis | ||
• | keseligan | • | flanc de colline (pente jusqu'à 75 degrés) | • | site préférentiel | ||
• | 'uruk | • | sommet de montagne | • | convient à la culture sur brûlis | ||
• | kebah | • | falaise (pente de 75 à 90 degrés) | • | trop difficile à travailler, graves risques d'érosion | ||
• | lefak | • | lit de cours d'eau | • | ne convient pas à la culture sur brûlis | ||
• | layasan | • | marécage saisonnier | • | ne convient pas à la culture sur brûlis | ||
• | luwoluwon | • | marécage | • | ne convient pas à la culture sur brûlis | ||
Lieu: | Sud-Ouest de Mindanao (Philippines) (Schlegel 1979) | ||||||
Hanunóo | • | duruns-ulan | • | saillies rocheuses irrégulières ou blocs de pierre | • | trop rocheux pour la culture sur brûlis | |
• | ma?agwad | • | sol irrégulier, creux et crêtes | • | ne convient pas à la culture sur brûlis | ||
• | tagudtud | • | légèrement irrégulier, en sommet de colline | • | utilisé pour la culture sur brûlis | ||
• | ma?ambak | • | légèrement irrégulier, divisé par une ravine ou un changement brusque d'orientation | • | utilisé pour la culture sur brûlis | ||
• | danang (ou minsan) | • | régulier, sur un plan | • | terrain préférentiel pour la culture sur brûlis | ||
Autres classes: | • | pãtag | • | plat, horizontal | • | pas souhaitable pour la culture sur brûlis | |
• | banãyag | • | pente modérée | • | terrain préférentiel | ||
• | madirig | • | pente raide | • | pas souhaitable pour la culture sur brûlis | ||
Lieu | Mindoro (Philippines) (Conklin 1957) | ||||||
Bontok | • | chep-ras | • | relief rocheux | • | aucune culture possible | |
• | chao-wang | • | rivières, berges et abords | • | ne convient pas à la culture sur brûlis | ||
• | chetar | • | épaulement plan d'une colline ou d'une pente, habituellement herbeux | • | peut servir au pâturage | ||
• | chal-log | • | terrain en pente où l'eau ruisselle à la saison des pluies | • | peut servir pour la riziculture en terrasses | ||
• | tengab | • | falaises | • | ne conviennent pas aux cultures | ||
• | tik-kid | • | pentes raides, talus escarpés | • | idem | ||
• | chumachanak | • | terrain marécageux | • | possibilité de riziculture immergée | ||
• | karayakay | • | terrain propice à l'érosion | • | ne convient pas aux cultures | ||
Lieu: | Luçon (Philippines) (Prill-Brett 1986) |
La classification des sols par couleurs est courante dans toute la région tropicale. En Amazonie par exemple, les sols noirs ou sombres sont considérés comme les meilleurs, élément de sagesse ethno-agronomique que l'analyse en laboratoire confirme (Balée 1989; Johnson 1983). La texture du sol a aussi son importance; le manioc, en tant que plante racine, exige un sol assez meuble permettant aux tubercules de se développer (Voir Figure 4). Chez les Machinguenga, le couvert forestier n'est pas considéré comme un indice de sol de bonne qualité puisque «les arbres poussent toujours dans la forêt», quelles que soient les qualités du sol pour les cultures (Johnson 1983). Les Kuikuru distinguent la forêt qui s'élève sur des sols noirs de celle qui occupe des sols rouges, et défrichent la forêt sur sols noirs pour y cultiver le maïs, plus exigeant en nutriments. La saveur de la terre est aussi un indicateur, un goût «sucré» étant l'indice d'une meilleure qualité de sol (Hill et Moran 1983).
Figure 4. Amazonie: classification locale des sols
Terme | Signification | Appréciation locale | |||||
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Machiguenga | • | shimentyakpatsa | • | gravier | • | la meilleure, préférée | |
• | potsitapatsari | • | terre noire | • | bonne elle aussi | ||
• | kiraapatsari | • | terre rouge | • | convenable | ||
• | kitepatsari | • | terre jaune | • | ne convient pas pour les jardins | ||
• | imvanekipatsa | • | terre sableuse | • | facile à travailler | ||
Lieu: | Haute Amazonie | ||||||
Culture de base: manioc | |||||||
Sols: les meilleurs sont décrits localement comme noirs, sans grosses pierres, tendres (faciles à travailler) et bien drainés (Johnson 1983) | |||||||
Kuikuru | • | njonjo | • | sol rouge, sableux | • | utilisé pour le manioc | |
• | tumbutiiñi | • | terre noire | • | rare, préférée, utilisée pour le maïs | ||
Lieu: | Brésil central | ||||||
Culture de base: manioc | |||||||
Sols: les meilleurs sols sont appelés terres noires, et donnent des tubercules beaucoup plus gros que les terres rouges. On préférerait y planter le manioc, mais comme ces sols sont rares, on y plante le maïs, qui s'accommode mal des terres rouges (Carneiro 1983). | |||||||
Wakuenai | ---- | • | noir, brunâtre | • | bons sols, les meilleurs de la région | ||
---- | • | jaune | • | encore meilleurs, indisponibles | |||
---- | • | blanc, sableux | • | mauvais pour le bananier, le manioc et la patate douce | |||
Lieu: | Bassin du Rio Negro (Venezuela) | ||||||
Culture de base: manioc | |||||||
Sols: on choisit les sols selon leur couleur, leur profondeur et leur saveur. On goûte la terre: seules celles qui sont sucrées ou de saveur douce sont considérées comme propices aux cultures (Hill et Moran 1983). | |||||||
Ka'apor | • | iwi-te | • | bien drainé; sableux | • | «vrai sol» | |
Lieu: | Brésil, Etat de Maranhao | ||||||
Culture de base: manioc | |||||||
Sols: on choisit les sols bien drainés et sableux. Croyance que certains arbres sont indice de bons sols pour l'horticulture (Balée et Gély 1989). | |||||||
Arawete' | • | iwi-howi-me'e | • | «terre bleue» | • | «fait pousser le maïs» | |
Lieu: | Brésil, bassin du Xingu | ||||||
Culture de base: maïs | |||||||
Sols: on choisit les sols de couleur sombre. Les zones d'habitation manifestent les signes d'une longue succession d'habitat intermittent; la fertilité des champs pourrait tenir à la présence de fosses à déchets et à la conduite des jachères par les prédécesseurs (Balée 1989). | |||||||
Yukpa | • | nóno kurácask | • | terre noire | • | la préférée, convient le mieux au maïs | |
• | sásare | • | terre sableuse | • | très fréquente, pas la meilleure | ||
• | vipopa | • | terre sableuse fine | • | intérêt agricole marginal | ||
• | paráyape | • | terre argileuse humide | • | sert pour la canne à sucre | ||
• | pirápiraca | • | terre noire et dure | • | peu utilisée, difficile à travailler | ||
• | wayiku | • | argile rouge | • | ne sert que pour la poterie | ||
• | nóno siwiswikano | • | terre blanche | • | lessivée en profondeur, pas utilisée | ||
Lieu: | Nord du Venezuela et de la Colombie | ||||||
Culture de base: maïs | |||||||
Sols: on reconnaît que les sols noirs sont les meilleurs, mais il n'y en a pas assez pour toutes les cultures, aussi donne-t-on la priorité au maïs. La plupart des champs sont en sásare, qui n'est pas considéré comme propice au maïs, mais où l'on cultive néanmoins ce dernier la première année s'il n'y a pas de champ en terre noire (Ruddle 1974). |
Aux Philippines (Figure 5), on tente aussi d'établir une corrélation entre la couleur et la texture du sol et les besoins spécifiques des cultures. Ce système de classification distingue les sols en fonction des résultats que donnent des plantes spécifiques. On s'efforce par conséquent d'accorder les sols aux cultures pour obtenir la meilleure combinaison. Il ne s'agit donc pas de classer les sols par niveau de «fertilité», mais plutôt d'adapter les cultures aux types de sols.
Figure 5. Asie du Sud-Est: classification locale des sols
Terme | Signification | Appréciation locale | |||||
---|---|---|---|---|---|---|---|
Tituray | • | futé'fantad | • | terre blanche | • | absent dans la zone | |
• | farek | • | sable | • | ne convient pas aux cultures | ||
• | tiked | • | argile pure | • | ne convient pas aux cultures | ||
• | tamfur | • | limon sableux | • | convient aux cultures, surtout aux bananiers | ||
• | belatung | • | limon argileux sombre | • | convient aux cultures | ||
• | tintu fantad | • | limon argileux clair | • | convient aux cultures | ||
Autres classes: | • | senomor | • | sol meuble | • | particulièrement favorable aux racines et tubercules, moins utile pour la culture sur brûlis en général | |
• | batewan | • | sol très pierreux | • | impropre à la culture sur brûlis, mais apprécié pour les plantes rampantes (courge ou aubergine) | ||
• | filung | • | sol rocheux | • | jamais choisi pour être cultivé | ||
Lieu: | Sud-Ouest de Mindanao (Philippines), (Schlegel 1979) | ||||||
Hanunóo | • | barag?an | • | argile de teinte grise à brun sombre | • | convient le mieux aux racines et tubercules, haricots, autres légumineuses et canne à sucre: tendance à se craqueler et à devenir pulvérulente en surface par temps sec, ne peut donc être cultivée en culture sur brûlis aussi fréquemment que les deux types suivants | |
• | napunapu | • | argile sableuse claire | • | sont considérés ensemble comme les meilleurs sols pour les céréales et le bananier | ||
• | napu? | • | limon sableux clair, plus sableux et moins argileux que le type précédent | ||||
• | baras | • | sable | • | ne convient pas à la culture sur brûlis | ||
• | bagan-daga? | • | cuirasse latéritique rougeâtre | ||||
• | pará?u | • | types particuliers d'argile désignés par toponymes | • | présents dans des sites très spécifiques, pas assez étendus pour avoir une importance majeure | ||
• | bal~ugu | ||||||
• | kiraw | ||||||
• | punsu | ||||||
Autres classes: | • | maganit | • | excessivement dur | • | ne convient pas à la culture sur brûlis | |
• | ?ayan?an | • | ferme | • | utilisé en culture sur brûlis | ||
• | ragunrun | • | meuble | • | sur pentes très raides, ne convient pas à la culture sur brûlis | ||
• | mar~ira? | • | très meuble | • | ne convient pas, érosion trop forte | ||
Lieu: | Mindoro (Philippines) (Conklin 1957) |
Les termitières sont souvent des sites de choix pour les champs obtenus par brûlis. En Afrique, les agriculteurs savent que les cultures exigeant un sol fertile, comme l'okra et la courge, prospèrent sur ces monticules. Des études récentes sur les propriétés des termitières ont montré qu'elles présentent des teneurs supérieures en bases, une meilleure humidité du sol, davantage de matières organiques, de limon et d'argile que les sols adjacents (Nyamapfene 1986; Arshad 1982; Mielke 1978). Les cultures de rente en Afrique, en tant qu'élément de l'agro-écosystème, ont pu être développées grâce à la connaissance qu'avaient les agriculteurs des relations entre la couleur du sol, la végétation qu'il portait et sa fertilité. Au Ghana par exemple, les agriculteurs, quand ils choisissent l'emplacement où planter des cacaoyers, préfèrent les sols de plateau brun rougeâtre aux sols gris sableux, et recherchent la présence de certains arbres sur le site éventuel. La présence de Cylicodiscus gabunensis et Ricinodendron hendolotii est perçue comme indicatrice de sol favorable au cacaoyer, alors que les sols médiocres pour ces arbustes sont associés à Mallotus opposilifolius et Aracia pennata (Bennah 1972:252).
En Afrique, les agriculteurs savent bien que les cultures exigeant un sol fertile prospèrent sur les termitières.
Les agriculteurs savent que les champs installés dans la forêt primaire nécessiteront moins de sarclage et donneront des rendements supérieurs, mais qu'en revanche ce type de forêt exige davantage de travail de défrichage, et que le bois coupé met plus longtemps à sécher avant de pouvoir brûler (voir Dove 1983; Freeman 1970). Les utilisations futures du site envisagé sont aussi prises en compte; si, comme chez les Iban et les Tagbanwa, les champs doivent être cultivés une deuxième année, l'investissement en main-d'œuvre nécessaire au défrichage de la forêt à maturité pourra alors valoir la peine (Dove 1983; Warner 1981).
Trouver un site dans la forêt primaire (et le cas échéant, le sol ou le type de relief recherché) n'est qu'une étape du processus décisionnel relatif au choix du site. Le choix de l'emplacement exact du champ oblige à porter des jugements tenant compte de l'utilisation des autres ressources de l'agro-écosystème, des coutumes en matière de résidence, et de la disponibilité de main-d'œuvre. Les déplacements se faisant à pied (ou en pirogue dans certaines régions), le champ ne saurait être à une distance telle de la résidence du ménage qu'il faudrait consacrer trop de temps aux allées et venues. Le temps de trajet admissible peut se définir en fonction de critères culturels, et dépend aussi du coût d'opportunité, évalué intuitivement, de l'activité agricole en regard d'autres activités (Vickers 1983). Si d'autres activités (chasse, pêche, cueillette) doivent être menées parallèlement, le champ ne doit pas se trouver à une distance telle qu'elles risquent d'en souffrir. L'agriculture n'étant qu'un élément de l'agro-écosystème, le temps consacré aux activités de culture sur brûlis est nécessairement limité, et les activités agricoles ne peuvent absorber le temps consacré à d'autres fonctions économiques.
Les changements de résidence des individus, voire le déplacement des hameaux ou villages, se produisent lorsque certains éléments de l'agro-écosystème commencent à exiger un temps et une énergie qu'il convient de consacrer à autre chose. La stratégie des niches à multiples composantes économiques exige que les divers éléments soient en harmonie les uns avec les autres, afin que l'agro-écosystème garde sa stabilité. Si les champs sont trop éloignés pour permettre la pêche ou la chasse, ou si, par raréfaction du gibier, la chasse exige un temps qui devrait en partie être consacré à l'agriculture, un changement de résidence ou un déplacement des cultures interviendra. En Afrique, où les cultures sur brûlis sont habituellement pratiquées en complément des cultures sur des parcelles permanentes et, dans de nombreuses zones, parallèlement à des cultures de rente, le site doit se trouver impérativement à proximité du village ou de l'habitation. L'agriculteur doit donc rechercher le meilleur site des environs pour pratiquer la culture sur brûlis, mais là où la terre manque, c'est le chef de la famille élargie qui décidera en fin de compte, car le cultivateur devra obtenir son autorisation avant de fixer définitivement son choix (Engle et al. 1984).
Les ressources spécifiques d'un site potentiel dans la forêt sont aussi prises en compte. Les Chacibo, en Amazonie bolivienne, préfèrent les sites voisins des noyers du Brésil, afin que les femmes puissent cueillir des noix lorsqu'elles vont travailler aux champs (Boom 1989). Au moment du choix du site, il faut déjà prévoir la récolte, car la distance rendra pénible le charroi du champ jusqu'à l'habitation. Pour éviter des déplacements entre la maison et le champ, des abris peuvent être construits en bordure de clairière où les membres de la famille séjourneront de temps à autre pendant la campagne agricole, se partageant entre ceux-ci et la maison au village (Salick et Lundberg 1989). Dans certains groupes, les familles construisent des cabanes de guetteurs dans lesquelles on veille le jour pour éloigner les animaux et les oiseaux, mais les membres de la famille regagnent l'habitation principale chaque soir (Warner 1981).
Toutes ces variables (sol, distance, cultures, autres activités économiques, etc.) exigent de l'agriculteur pratiquant la culture sur brûlis qu'il ait non seulement les connaissances du milieu voulues pour juger de la qualité agricole du site qu'il choisit pour ses cultures, mais aussi les aptitudes de gestion nécessaires pour juger si sa localisation permettra d'exercer parallèlement d'autres activités économiques importantes.
Une fois trouvé un site potentiel répondant aux critères de qualité du sol et de distance, des facteurs surnaturels peuvent aussi entrer en ligne de compte. Dans certaines sociétés, des rites sont accomplis pour s'assurer que le champ présente les qualités voulues, à savoir s'il est exempt de mauvais esprits. Si les augures sont mauvais, on l'abandonnera, pour en choisir un autre (Warner 1981). Si le monde surnaturel exprime son approbation, l'agriculteur devra assortir les cultures ou les variétés dont il dispose aux caractéristiques propres du champ. Les pentes sont-elles un peu trop raides pour le riz? trop humides pour le maïs? Telle variété prisée de riz donnera-t-elle de bons résultats sur des sols mal drainés? Si le site répond aux critères fixés, le défrichage commencera.
Puis viennent les considérations de main-d'œuvre, qui déterminent la taille à donner au champ (voir Figure 6). Quoique des équipes communautaires de travail puissent être formées, le groupe de base pour la plupart des tâches est constitué par la seule main-d'œuvre familiale (Weinstock 1986). Normalement, s'il faut davantage de main-d'œuvre que le ménage ne peut en fournir, des arrangements d'échange de travail seront convenus. La main-d'œuvre ainsi constituée peut sembler communautaire, mais ce sont les individus formant ce groupe qui contractent une dette de travail, ou qui la paient. Les sociétés amazoniennes qui se livrent sporadiquement à des actes de guerre, comme les Yanoama, pratiquent parfois le défrichage communautaire de la forêt primaire ou à maturité, puis divisent la superficie et gèrent leur champ individuellement (Smole 1989).
Figure 6. Taille du champ
Dans les sociétés pratiquant la culture sur brûlis, ce sont toujours les hommes qui défrichent la forêt de haute futaie, quoique la taille définitive des champs soit déterminée également par d'autres facteurs que la capacité individuelle de défrichage. Des facteurs comme le temps qu'un homme peut consacrer au défrichage sans sacrifier d'autres activités économiques, ou comme la superficie que la main-d'œuvre familiale peut entretenir et protéger doivent être pris en considération (Debasi-Schweng 1974; Engel et al. 1984). Les ambitions de la famille jouent aussi leur rôle. Se tailler un grand champ est une nécessité sociale lorsque la famille veut acquérir du prestige, car il faut pour cela pouvoir donner des fêtes au cours desquelles les victuailles devront être particulièrement abondantes. S'il n'existe pas de limite inférieure à la superficie qu'une famille peut cultiver, il existe un plafond. Peu d'agriculteurs pratiquant la culture sur brûlis tentent de cultiver des champs d'une superficie supérieure à 2 ou 3 hectares, quoique certaines jachères de cette taille, voire plus grandes, soient parfois parcourues, désherbées de temps à autre et récoltées sporadiquement.
La décision concernant la superficie du champ à défricher s'articule habituellement sur une autre décision à quel moment défricher le champ. Il y a une relation entre le régime pluviométrique et l'attention apportée au calendrier de défrichage. On sonde les cieux et la terre pour déceler les signes indiquant que le temps est venu (voir Figure 7). Dans les régions où les pluies sont à peu près régulièrement réparties, les champs peuvent être défrichés toute l'année, selon les besoins, habituellement lorsque les autres activités en laissent le temps. Quand les précipitations ont un régime plus diversifié, ou qu'il existe une saison sèche marquée, on s'efforce d'utiliser la période sèche pour favoriser le brûlis. Les périodes sans pluie peuvent être irrégulières et de courte durée, quelques jours sans pluie ici et là, au cours d'une période généralement moins arrosée. L'objectif est alors de mettre à profit ces journées (voir Figure 8).
Le brûlis se pratique beaucoup plus efficacement là où il existe une saison sèche que dans les zones humides en permanence. Là où la saison sèche dure de 2 à 3 mois, les cultivateurs défrichent la forêt vers la fin des pluies et laissent sécher le bois coupé. Ils s'efforcent d'obtenir les meilleures conditions possibles pour le brûlis: si les arbres sont abattus trop tôt, et que les grosses pluies continuent, la végétation pourrira au lieu de sécher, et brûlera mal, tandis que si le défrichage est fait trop tard, elle n'aura pas le temps de sécher avant le brûlis et la plantation (Carneiro 1983; Johnson 1983).
Figure 7. Asie du Sud-Est: indicateurs du moment auquel commencer à défricher le champ
Indicateur | ||
Tiruray | Indicateur primaire: présence de la constellation «Seretar» à environ 20 degrés au dessus de l'horizon quand les étoiles apparaissent. Indicateurs secondaires: le vent megenihan commence à souffler de l'est, et certaines plantes sauvages commencent à fleurir. | |
Lieu: | Sud-Ouest de Mindanao (Philippines) ((Schlegel 1979) | |
Taubuid de l'Est | La floraison d'une plante grimpante (Maesa gaudichaudii A. DC) indique le début du cycle de culture sur brûlis, avec le défrichage d'un morceau de forêt. | |
Lieu: | Mindoro (Philippines) (Pennoyer 1981) | |
Iban | Quand les Bintang Banyak (les Pléiades) commencent à apparaître au dessus de l'horizon à l'aube, le moment est venu de commencer les rites manggol (c'est-à-dire la consultation des augures et le début du défrichage de l'étage inférieur au centre rituel du champ). | |
Lieu: | Sarawak (Freeman 1970) | |
Semai | Le temps est venu de commencer à défricher des champs quand un certain arbre, appelé perah (Elateriospermum tapos) met de nouvelles feuilles. | |
Lieu: | Malaisie (Dentan 1968) |
Figure 8. Calendrier agricole Desanâ
Les Desanâ, du haut bassin du Rio Negro au Brésil, vivent dans une zone humide (pluies réparties sur toute l'année). Ils font appel aux constellations pour déterminer la venue des périodes sèches, très courtes. La position des constellations règle donc un calendrier économique qui fixe l'époque des activités agricoles, de la cueillette et de la pêche. Il est difficile de déterminer si la «connaissance technique locale» des constellations «marche» vraiment. Ce qui compte davantage c'est que, dans un environnement plein d'aléas, en établissant une corrélation entre les changements atmosphériques et cosmologiques, la maturation des fruits, etc., un cadre conceptuel ait été établi pour ordonner les observations bioclimatiques et prévoir les périodes, fugaces mais vitales, où la pluie ne tombe pas (Ribeiro et Kenhíri 1989). | ||
Constellation* | Conditions météorologiques | Défrichage et brûlis |
OCTOBRE | ||
Vipère1 | Grosses pluies | Défricher le sous-étage; couper les arbres |
NOVEMBRE | ||
Vipère, ronde, queue | Grosses pluies | |
DECEMBRE | ||
Vipère, ronde, queue | Grosses pluies (crues) | |
JANVIER | ||
pas de constellation | Période sèche (5 jours) | |
Une autre période sèche: été «inga»2 vers la fin du mois: 8–15 jours | Vers la fin de la période sèche «inga», les champs défrichés en octobre sont brûlés (il faut au moins 7 jours de soleil pour que le brûlis se fasse bien) | |
Tatou, fémur | Pluies pas assez fortes pour provoquer des crues | |
FEVRIER | ||
Tatou | Pluies | |
MARS | Période sèche «cucura»3 - 4 jours | |
Petites pluies | ||
Suivies par deux semaines de temps sec: été du «palmier pêcher» | Les arbres coupés en novembre et décembre et le sous-étage coupé en janvier sont brûlés | |
AVRIL | Pas toujours pluvieux; quand le temps reste sec, l'été du «palmier pêcher» se poursuit jusqu'à la mi–avril | |
Crevette | ||
Jaguar, menton | Grosses pluies, inondations | |
Deux ou trois journées ensoleillées entrecoupées de pluies | ||
Jaguar, corps | Grosses pluies intermittentes | |
Période sèche, 4 ou 5 jours: Saison sèche des fruits «umari» | ||
Jaguar, queue, ronde | Grosses pluies | |
MAI-mi JUIN | ||
Etoile, morceau | Pluies intenses, crue permanente | Coupe du sous-étage |
Poisson, fumé | Pluies intenses, crues permanentes | |
Gourde avec pulpe d'umari, sur lattis | Pluies intenses, crues permanentes | |
JUIN | ||
Trois jours sans pluie | Brûlis de la végétation coupée en mai; semis du maïs | |
Ornement emplumé Adze | Pluies | |
JUILLET | ||
Loutre | Pluies | |
Oiseaux, très jolis | Pluies | |
Crabe, très joli | Pluies | |
AOUT | ||
Etoile, morceau | Pluies (rivières pleines) | Défrichage de la forêt pour ouvrir de nouveaux champs; coupe du sous-étage dans les champs anciens |
SEPTEMBRE | Deux à trois jours sans pluie: larve, vieil été | Brûlis de la végétation coupée en août |
Pluies | ||
5 jours sans pluie: larve, jolie, été | Brûlis de la végétation du sous-étage des champs anciens | |
Grue, crue | Pluies | |
5 jours sans pluie: été de l'épine | Si la végétation basse n'est pas brûlée à cette période, il devient impossible de dégager les champs, car les herbes commencent à pousser et il n'y aura plus assez de journées ensoleillées consécutives pour effectuer un bon brûlis. | |
Note: * Les noms des constellations sont les mêmes que ceux qui sont donnés aux pluies tombant au cours de la période où elles sont visibles: par exemple, les pluies qui tombent quand la queue de la vipère est visible sont les «pluies de la queue de la vipère». 1 Illumination de la vipère, puis tête, puis corps, puis oeufs de la vipère. 2 L'inga est un fruit que l'on cueille et consomme à cette période de l'année (Inga spp., Légumineuses) 3 Le cucura est un fruit que l'on cueille et consomme à cette période de l'année (Pourouma cecropiifolia, cecropiacées). Source: Ribeiro et Kenhíri 1989 |
Les méthodes de défrichage sont pratiquement les mêmes dans toute la zone tropicale. Le défrichage se fait en deux stades: on coupe d'abord le sous-étage, puis les arbres. L'abattage des grands arbres exige du temps et de l'adresse. Comme les agriculteurs pionniers qui viennent s'installer dans les zones boisées manquent souvent d'expérience pour l'abattage des arbres de grande taille à contreforts, ils font souvent appel aux cultivateurs pratiquant la culture sur brûlis intégrale pour les enlever. Même chez ces derniers, l'abattage des arbres est considéré comme une opération dangereuse qui exige de l'expérience, aussi les jeunes hommes demandent à des cultivateurs plus expérimentés de couper les plus gros arbres, ou louent leurs services pour ce faire (Warner 1981).
Le système de culture sur brûlis dit chitemene, en Afrique centrale, qui a été bien étudié, est fondé sur l'abattage ou l'élagage des arbres sur une vaste superficie, le bois ainsi coupé étant transporté jusqu'à une zone centrale, qui une fois brûlée deviendra le site du champ (Fosbrooke 1974; Schlippe 1956; Richards 1939; Peters 1950; Trapnell 1953; Manshard 1974). Ces champs sont en général circulaires et comportent souvent une termitière (Schultz 1976; Schlippe 1956; Mielke 1978). Quoiqu'il exige beaucoup de main-d'œuvre, le système chitemene est remarquable en ceci qu'il utilise les nutriments stockés dans la biomasse d'une superficie plus grande (le champ circulaire où les arbres sont coupés ou élagués peut être 8, 12 ou même 20 fois plus grand que le champ «intérieur» qui est brûlé puis cultivé) pour enrichir de cendres une parcelle de taille relativement réduite (Ruddle et Manshard 1981; Chidumayo 1987; voir aussi Haug 1983; Vedeld 1983).
L'abattage sélectif est une technique de gestion courante pour entretenir et favoriser la succession forestière. Les espèces prisées sont épargnées au moment du défrichage, certains sujets pouvant être recépés ou coupés à hauteur de poitrine (Fosbrooke 1974; Denevan et al. 1984). Les arbres qui donnent du bois de construction, des noix, de l'huile et des fruits sont naturellement respectés, qu'ils se trouvent en bordure de forêt ou dans le champ proprement dit. Ces arbres seront protégés pendant la durée des cultures et lorsque le champ sera livré à la jachère, ils formeront la base de la succession forestière à son premier stade (Denevan et al. 1984; Engle et al. 1984; Yandji 1982).
Pour résumer, les décisions se rapportant à l'implantation du champ et à la taille qu'on lui donne, puis à la manière et au moment de le défricher, exigent du cultivateur une connaissance intime du milieu physique, des disponibilités de main-d'œuvre pour l'élément de culture sur brûlis de l'agro-écosystème, des exigences des cultures, et des besoins futurs de produits agricoles et de matières premières de la famille. Les décisions à prendre sont liées à des décisions équivalentes, prises dans le passé ou à prendre dans l'avenir. Pour atteindre l'objectif de disposer de plusieurs champs à des stades successifs de jachère forestière, il faut prendre en permanence les bonnes décisions d'implantation du champ.
Brûlis d'un champ en vue des semis.
Le brûlis est essentiel pour obtenir une bonne récolte avec un minimum de main-d'œuvre. On peut lui attribuer six effets bénéfiques (Rambo 1981:5–9):
Les cultivateurs itinérants savent qu'un bon brûlis améliore les rendements des champs et réduit le temps nécessaire au désherbage. Mais le problème est le suivant: comment obtenir un bon brûlis? Si le choix du site et le défrichage sont des activités maîtrisables par le cultivateur, les résultats du brûlis sont dans une grande mesure affaire de chance. Le cultivateur peut faire un travail exemplaire en choisissant et en préparant la clairière, puis n'obtenir que des rendements médiocres parce que les pluies sont venues trop tôt pour que le champ brûle bien. Le choix du moment auquel pratiquer le brûlis appartient en général à l'individu, bien que dans certaines tribus des collines de Thaïlande, par exemple, la décision soit prise par les anciens, le village tout entier brûlant ses champs le même jour (Keen n.d.; Kunstadter 1987).
Le choix du bon moment est difficile, car pour obtenir un bon brûlis il faut que le bois ait eu le temps de sécher, mais il ne faut pas attendre le début des pluies. Dans la zone semperhumide, à proximité de l'Equateur, la saison sèche peut être tellement réduite qu'elle disparaît entièrement, ce qui rend le brûlis difficile (Harris 1973:252). Loin d'invoquer les dieux ou les esprits pour que la pluie vienne, dans la région équatoriale on souhaite plutôt l'arrêt des pluies pour que la végétation puisse brûler (Vickers et Plowman 1984). Cette décision, qui a une incidence sur tout le reste du cycle de culture sur brûlis, en ce qui concerne tant la main-d'œuvre que la productivité, est tellement importante que le choix du moment de brûler la végétation ne va pas sans angoisse.
Dans bien des sociétés pratiquant la culture sur brûlis, cette angoisse est apaisée par des pratiques rituelles ou, plus efficacement, par l'observation du milieu (pousse des feuilles, chant des oiseaux, etc.) qui «indique» que le moment est venu de pratiquer le brûlis (voir figure 9) (Richards 1985). Mais rituel ou pas, l'anxiété demeure.
Idéalement, le champ doit être brûlé juste avant que ne surviennent (ou s'intensifient) les pluies. S'il est brûlé trop tôt après le défrichage, la végétation ne sera pas encore assez sèche et les mauvaises herbes pourront commencer à se réinstaller sur le brûlis. Il faudra donc les éliminer avant de planter (Warner 1981:20). Un brûlis médiocre oblige à recommencer. La végétation qui n'a brûlé que partiellement sera empilée, parfois en monticules de bûches non calcinées, puis brûlée à nouveau. Dans certaines des zones les plus humides, l'opération devra être répétée à plusieurs reprises jusqu'à ce que le champ soit jugé suffisamment brûlé. Dans chaque communauté, il existe toujours des individus (plutôt nombreux que rares) dont les champs ont mal brûlé, et il est bien rare qu'en l'espace d'une vie, l'agriculteur itinérant n'ait pas fait cette mauvaise expérience (voir Encadré 1).
Si la coutume veut que chaque famille possède plusieurs champs, par exemple l'un ouvert dans la forêt primaire et l'autre réutilisant la clairière ouverte l'année précédente, il est possible que l'un d'eux soit brûlé plus tôt, afin d'accroître les chances qu'un champ au moins soit prêt pour la reprise des pluies (Warner 1981). Ils'agit encore ici d'une tentative de réduire les risques en pratiquant une stratégie de diversité et de variation.
Dans la plupart des sociétés pratiquant la culture sur brûlis, le brûlis incombe aux hommes. Si le champ est situé à flanc de colline, et entouré par la forêt, la technique la plus courante est d'allumer le feu en bas de la pente et de le faire remonter. A l'aide d'une torche, des foyers sont allumés dans tout le champ, et l'on veille tout particulièrement à la combustion des gros arbres abattus. Lorsqu'un champ jouxte une autre parcelle cultivée, le feu est allumé en commun sur la limite, et il est dirigé vers la clairière déboisée.
Mais le feu peut échapper à l'homme. On observe une certaine nonchalance vis-à-vis des incendies causés par les brûlis, et des dégâts qu'ils peuvent faire, cela dans toute la zone semperhumide. Cela s'explique en partie par le fait que la forêt y étant toujours humide, l'incendie ne peut pas beaucoup progresser et faire de gros dommages. En Amazonie par exemple, la superficie forestière est si grande que les incendies résultant des brûlis ne touchent qu'une petite partie de l'ensemble de la forêt. On estime que la forêt brûlée par accident est capable de se reconstituer rapidement, surtout en zone humide. Dans les zones plus sèches, cependant, les incendies peuvent ravager une plus grande superficie et causer des dommages importants, en brûlant les grands arbres qui finissent par tomber. Mais les populations locales ne s'en soucient guère. La chasse est bonne dans ces zones, et la forêt incendiée devient une ressource plus riche encore. On pourra même planter des jardins dans les zones où est passé l'incendie, avec un apport de main-d'œuvre limité par rapport aux rendements pouvant être atteints (Ruddle 1974).
A l'intérieur des champs, la végétation qui a été choisie pour être ensuite épargnée lors du défrichage sera protégée du feu. Les abords d'un arbre prisé, par exemple, seront bien nettoyés de façon à ce que le feu ne puisse s'approcher suffisamment pour causer à l'arbre des dommages durables. La végétation protégée restera donc sur pied pendant la période de culture, et amorcera ensuite la succession naturelle qui reconstituera la forêt.
Figure 9. Indicateurs locaux de la venue des pluies et du meilleur moment pour le brûlis
QUAND | INDICATIONS | ||
---|---|---|---|
AMERIQUE DU SUD | |||
Machiguenga | En règle générale, cinq jours consécutifs de soleil chaud permettent un bon brûlis | Quand les autres commencent leur brûlis, on se hâte de faire de même. Pas de rituel. | |
Lieu: | Haut bassin amazonien. Comme il pleut tous les mois, les jardins ne deviennent jamais vraiment secs, et ne brûlent jamais proprement. Quoique la plupart des jardins soient brûlés en septembre ou octobre après avoir été défrichés en avril ou mai, le brûlis se pratique à n'importe quel moment de l'année (Johnson 1983). | ||
Kuikuru | Après 2 ou 3 mois de saison sèche; le moment idéal est un mois avant le début des pluies, ce qui permet de mettre en place le manioc pour bien profiter des pluies. | Quand les tortues enfouissent leurs oeufs sur la plage et que la constellation «ofonjo», le canard, apparaît à l'est avant le lever du soleil, le moment est venu de semer, car les pluies sont imminentes. | |
Lieu: | Brésil central. Saison sèche marquée, sans pluies pendant deux à trois mois (Carneiro 1983). | ||
Yanomani | On ne peut guère espérer mieux que quelques journées ensoleillées et venteuses. | Pas de rituel. Il n'y a pas de moment privilégié de l'année où l'on puisse défricher et brûler les jardins plus aisément qu'à d'autres. «Le temps est si pluvieux qu'en désespoir de cause, les cultivateurs tentent de faire le brûlis après un ou deux jours seulement de temps ensoleillé et venteux.» | |
Lieu: | Plateaux Parima du Venezuela et du Brésil. Pas de vraie saison sèche. (Smole 1989:117) | ||
Siona-Secoya | Il n'y a pas de mois où la pluviométrie tombe au-dessous de 60 mm. On tente le brûlis le plus fréquemment au cours des trois mois les plus secs. | Le chaman invoque parfois les esprits pour que la pluie cesse et que l'on puisse brûler les champs. | |
Lieu: | Nord-Est de l'Equateur. Pas de vraie saison sèche. (Vickers et Plowman 1984:19) | ||
Yukpa | Saison sèche (décembre–mars) | Les premières pluies sont annoncées par le chant de la «tiripína» (cigale, Cicadidae spp.), et la floraison de la savane. La saison sèche est annoncée par l'arbre «tátrimo», dont les feuilles virent au brun et tombent. Comme les habitants croient que les fumées des champs provoquent les pluies, le brûlis se pratique en commun. Des rites sont accomplis avant le brûlis. | |
Lieu: | Nord du Venezuela et de la Colombie. Saison sèche marquée suivie par de petites pluies, qui précèdent les grandes pluies. Le maïs supplante le manioc comme culture de base. (Ruddle 1974) | ||
ASIE DU SUD-EST | |||
Tiruray | Après 3 à 4 semaines de séchage | Les étoiles indiquent la bonne période pour le brûlis: entre la culmination de Kufukufu, la constellation des Tiruray, et celle de Seretar. Le brûlis doit se faire soit un lundi, soit un samedi, car ces jours sont gouvernés par l'esprit du feu. Le vent souffle. | |
Lieu: | Sud-Ouest de Mindanao (Philippines) (Schlegel 1979) | ||
Lua' | Les champs sont brûlés quelques semaines avant les pluies. | Les Lua' évitent de pratiquer le brûlis quand la lune décroît, de crainte de la multiplication des herbes. Les villages voisins synchronisent le brûlis, aussi la date approximative en est-elle fixée plusieurs mois à l'avance. | |
Lieu: | Nord de la Thaïlande (Zinke, Sabashri et Kunstadter 1978) |
Encadré 1. L'anxiété et l'adaptation: le brûlis chez les Tagbanwa de Palawan |
Les Tagbanwa sont une peuplade pratiquant la culture sur brûlis intégrale et qui, convaincus que les sols de l'arrière-pays sont impropres à l'agriculture, vivent traditionnellement dans les zones bordant les côtes est et ouest de la partie centrale de l'île de Palawan, aux Philippines. Le relief y est caractérisé par de petites vallées escarpées descendant vers l'est et l'ouest des montagnes et des collines du centre de Palawan jusqu'aux plages du sud de la Mer de Chine. La côte est basse, avec des récifs avançant dans la mer. En raison du relief, les rivières sont courtes et leur pente est forte. |
La côte ouest est caractérisée, climatiquement, par une saison humide et une saison sèche bien marquées, de durées sensiblement égales. En principe la saison sèche commence en octobre et se poursuit jusqu'en avril. Après une période de transition marquée par des vents variables à faibles, les pluies de la mousson d'été commencent en juin et se poursuivent jusqu'en octobre. Mais les précipitations ne sont pas toujours conformes à ce schéma. Même si les mois d'hiver (novembre–décembre) sont en principe secs, il peut pleuvoir jusqu'en janvier, et la saison des pluies peut reprendre dès avril ou mai, s'interrompre en juillet ou août, puis reprendre en septembre et se poursuivre jusqu'en février. |
Non seulement il existe une certaine variabilité d'une année à l'autre, mais aussi d'un lieu à l'autre le long de la côte car, bien que la côte ouest soit en principe une entité climatique, les variations sont nombreuses à l'intérieur d'une zone aussi vaste. |
Le choix du moment où pratiquer le brûlis est donc capital - l'objectif étant de brûler un champ bien sec juste avant le début des pluies. Comme les champs ne sont en général pas contigus, la décision de brûler se prend individuellement. Cette décision comporte un fort élément psychologique. Quand on brûle le champ, la fumée est bien visible dans le ciel. Chacun sait qui brûle un champ, et où, et la tension monte chez les cultivateurs, qui observent chacun leurs parcelles défrichées et guettent le ciel. Les pluies viennent de l'est, d'énormes amas de nuages se formant sur la mer et obscurcissant l'horizon. Quand ces masses nuageuses commencent à apparaître, les champs qui n'ont pas été brûlés le seront en toute hâte, la fumée produite venant obscurcir un ciel déjà très assombri. Mais il arrive que certains attendent trop longtemps et soient surpris par les pluies. Il leur faudra alors recommencer l'opération, et arracher les mauvaises herbes pendant de longues heures. |
Source: Warner 1981