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Chapitre 2
ETUDES DE CAS DE PROJETS NIGERIENS DE FORESTERIE ET RESSOURCES FORESTIERES (continuer)

Les brise-vent et la gestion de l'environnement dans la région entourant la vallée

VUE D'ENSEMBLE

Les problèmes d'environnement dans la région de la vallée de Majjia ne se limitent pas à l'érosion éolienne des sols riches du fond de la vallée. Si cette question prévalait en 1974, les événements ultérieurs ont quelque peu dépassé la réussite des brise-vent. Les plateaux et les pentes qui s'abaissent jusqu'au fond de la vallée forment un énorme bassin versant où se concentrent des précipitations limitées jusqu'à atteindre des niveaux utiles non seulement pour des cultures pluviales en saison, mais aussi pour l'agriculture et l'horticulture de décrue pendant la saison sèche. Autrefois, les plateaux et pentes étaient couverts d'arbres, de brousse et d'herbages. La végétation forestière et les herbages ralentissaient le ruissellement des eaux de surface vers la vallée. Comme les eaux arrivaient progressivement sur le fond de la vallée, elles n'avaient pas alors acquis une vitesse suffisante pour creuser des ravines profondes. Les eaux de surface s'étalaient lentement et modérément sur la majeure partie des bas-fonds de la vallée, imprégnant complètement les sols riches et leur apportant des éléments nutritifs provenant des hautes terres. Ce régime formait la base d'une agriculture de décrue fort productive dans la vallée. La végétation forestière et les herbages facilitaient également l'infiltration et la recharge des nappes aquifères qui maintenaient la nappe phréatique de la vallée à un niveau suffisamment haut durant la saison sèche pour qu'il soit possible de remonter l'eau de puits peu profonds en la puisant à la main, stratégie peu coûteuse pour l'irrigation des jardins.

Cette situation n'existe plus. La plupart des hauteurs et presque toutes les pentes ont été dénudées. Les troupeaux locaux auxquels il a été interdit de paître dans le fond de la vallée, durant la période d'établissement des brise-vent, ont surexploité les pâturages sur les pentes. Les habitants de la vallée, à la recherche de bois de chauffage et de poteaux de charpente, ont également contribué à dénuder les pentes et les collines. Au cours des dernières années, les eaux de surface sont venues se précipiter en crues éclair sur le fond de la vallée, ce qui a eu deux conséquences. Dans la partie nord de la vallée en particulier, le chenal principal de la rivière Majjia s'est approfondi à un tel point que les eaux de crue ne débordent plus sur les rives. Au lieu de cela, elles s'écoulent rapidement dans ce chenal pour n'atteindre le seuil où elles sont assez lentes pour s'étaler que dans la moitié sud de la vallée. Aussi, les cultures de décrue ne sont-elles plus possibles dans la moitié nord. De plus, les nappes aquifères de la vallée ne sont plus rechargées par la lente infiltration des pluies sur les pentes et les hautes terres. En ce qui concerne la moitié nord de la vallée, cette eau disparaît sans enrichir le potentiel de production local.

Si l'on veut inverser cette tendance, il faut avoir recours à deux actions physiques: restauration d'une végétation permanente sur les pentes et plateaux, et installation d'un système de captage des eaux avec dispositifs de contrôle, capable de ralentir la précipitation des eaux de surface vers la vallée. Techniquement, ils'agit là de procédés relativement simples. Du point de vue institutionnel, ils sont beaucoup plus complexes. Avant d'achever cette section, il serait utile d'explorer ces deux points.

Il existe des preuves, résultant de travaux faits ailleurs au Niger et dans d'autres parties du Sahel, qu'il est possible de restaurer la végétation de vastes zones, à peu de frais, en interdisant simplement ou en restreignant le pâturage des animaux et le ramassage du bois dans les zones ciblées. Les herbes se rétablissent d'abord, puis les buissons et enfin les arbres. Une fois la couverture végétale restaurée, un système à rendement soutenu peut être mis en place, en établissant un contrôle sur le pâturage et le ramassage du bois. Mais il peut se révéler plus difficile de mettre en application les contrôles nécessaires, que de protéger les brise-vent contre les utilisations non autorisées.

Les exploitants agricoles locaux emploient déjà de simples techniques de captage des eaux sur nombre des coteaux et hautes terres de la vallée de Majjia, et dans certaines communautés ils ont mis au point au moins le noyau d'un système rudimentaire d'établissement des droits relatifs aux eaux de surface en ruissellement.11 Ces efforts pourraient être appuyés par des dispositifs plus complexes de captage des eaux sur les pentes des collines ralentissant l'écoulement de l'eau de pluie. Ils pourraient être complétés par des installations de répartition des eaux sur le fond de la vallée, afin de remplir de sédiments le chenal principal et les autres ravines trop affouillés, et permettre ainsi aux eaux de surface de franchir de nouveau les rives de la rivière Majjia pour inonder les champs environnants. Ces mesures, associées à la restauration permanente de la végétation sur une portion étendue du bassin versant qui entoure la vallée, recréeraient les conditions existantes avant le déboisement, stabiliseraient le système de doubles cultures du fond de la vallée, et pourraient de cette manière restaurer ou enrichir le potentiel de production de la région de Majjia.

Un examen de la nature des ressources en question et des institutions qui seraient éventuellement disponibles pour leur gestion permettrait d'effectuer une analyse préliminaire de la faisabilité d'une telle entreprise.

ATTRIBUTS DES BIENS ET SERVICES

Dans le cas présent, les ressources sont de deux sortes: couverture végétale et installations de captage et de contrôle des eaux. La couverture végétale du bassin versant de Majjia qui affecte le régime hydrologique de la vallée comprend des arbres, de la brousse et des herbages sur les hautes terres et sur les versants de la vallée. Les biens produits par la couverture végétale (pâturage, brout et produits ligneux tels que poteaux de charpente et combustible), sont actuellement des ressources d'accès libre pour ce qui est des utilisations de consommation (paître, brouter et récolter du bois). S'il est possible d'enclore de faibles superficies avec des méthodes traditionnelles, il ne serait pas économiquement praticable de clôturer de grandes sections sans une assistance extérieure. L'exclusion est peu pratique. Donc, tous les utilisateurs potentiels sont libres d'entrer dans la zone, du moins durant la saison sèche, et de prendre ce qu'ils y trouvent. La consommation est compétitive. Etant donné la demande croissante suscitée par une population humaine et un bétail en accroissement, et vu que la sécheresse a concentré cette demande sur le bassin versant, les ressources de la couverture végétale ont été gravement érodées.

La couverture végétale produit également un second type de bénéfice: le captage des eaux. C'est un service qui accroît le potentiel productif de toutes les terres en aval du site de la végétation, par une augmentation et une répartition de l'humidité du sol. Ce service a les attributs d'une propriété commune: le principal groupe de bénéficiaires est constitué par ceux qui exploitent les champs en aval et bénéficient de la lutte contre l'érosion et du captage des eaux. Ils ne peuvent être exclus; leur consommation du service est divisible.

Les installations de captage des eaux et de diffusion des eaux peuvent être séparées en structures qui sont essentiellement privées et structures ayant les caractéristiques d'une ressource de propriété commune. Les digues et bermes, faites de rocs ou de terre, les petits barrages de retenue et ouvrages semblables, qui peuvent être construits et entretenus dans les champs d'individus ou de familles, sont principalement des biens privés. Le service qu'ils produisent est le captage des eaux. Le cultivateur en tire directement la plus grande partie du bénéfice sous la forme de meilleurs rendements des cultures dans son champ.

Ces structures produisent souvent aussi des effets d'entraînement positifs pour ceux qui exploitent les champs plus en aval du bassin versant. En ralentissant la vitesse d'écoulement des eaux de surface, elles réduisent la menace d'érosion pour les propriétaires en aval, augmentent la probabilité d'une diffusion de l'eau suivant les contours topographiques de la vallée de Majjia et reconstituent l'approvisionnement des nappes aquifères souterraines qui entretiennent la haute nappe phréatique de la vallée. Ces effets ont les attributs de ressources de propriété commune parce que les propriétaires en aval ne peuvent être exclus de leur jouissance, tandis que la consommation — sous la forme d'une utilisation accrue de l'eau pour améliorer le rendement des cultures — est séparable. Toutefois, les bénéfices privés liés aux bermes, digues et petits barrages de retenue, l'emportent probablement sur les bénéfices de propriété commune.

Un autre ensemble de structures de contrôle hydrologique constitue nettement une ressource de propriété commune. Il s'agit souvent de barrages plus importants, c'est-à-dire de taille moyenne. Ils servent un groupe plus étendu d'utilisateurs, soit en protégeant du ravinement les champs sur les versants, soit en provoquant la diffusion et l'infiltration des eaux dans les champs des bas-fonds. Leur construction exige des intrants plus sophistiqués et coûteux. Ces structures ont les caractéristiques des ressources de propriété commune parce que le service qu'elles fournissent — la facilitation de la diffusion des eaux — est accessible principalement à ceux dont les champs se trouvent dans le lit majeur. Là encore, ces individus utilisent l'eau selon un mode divisible pour produire des cultures privées sur leurs propres champs.12

Se reporter à la Figure 15 à la page qui suit.

Figure 15
Types de biens et services

PROJET DE LA VALLEE DE MAJJIA
Gestion de l'environnement dans le bassin versant de Majjia

Attributs des biens et services
compte tenu de la technologie et en l'absence de règles

 FACILITE D'EXCLUSION 
 DifficileFaisable 
 Biens et services publicsBiens et services à péage 
Conjointe     
CARACTERE DE LA CONSOMMATION     
Biens et services d'usage communBiens et services privés 
Accès libre(sur le site) 
(couverture végétale)-digues et bermes 
-arbres-barrages de retenue 
-arbustes-captage des eaux dans les champs 
-herbages-lutte contre l'érosion dans les champs 
 SéparablePropriété commune  
 (sur le site)  
 -eau répandue sur les champs de la vallée et érosion du sol contrôlée par digues et barrages  
     

Dispositions institutionnelles pour la construction et l'entretien des travaux hydrauliques et du couvert végétal

A l'heure actuelle, les dispositions institutionnelles pour construire et gérer des ouvrages hydrauliques sont étudiées et prises sur une base ad hoc, en général au niveau du village. A ce jour, cet effort a été extrêmement limité. La couverture végétale du bassin versant de la vallée de Majjia est une ressource d'accès illimité. Personne n'en contrôle l'accès et la consommation des produits de la couverture végétale est divisible. Dans les deux cas, il faudra, dans une large mesure, mettre au point de toutes pièces des arrangements institutionnels pour traiter ces deux problèmes naissants, liés par des rapports multiples.

L'actuel sous-préfet de Bouza, tout comme les techniciens nigériens (forestiers, ingénieurs du génie civil, et professions analogues) et les assistants techniques employés par CARE, se sont interrogés sur les solutions institutionnelles répondant à ces problèmes. Ces mêmes problèmes et solutions ont été également brièvement examinés avec les habitants de la vallée comme on le verra plus loin. Le sous-préfet souhaiterait saisir la plus grande partie possible des revenus des récoltes de brise-vent. Pour arriver à ses fins, il propose de se servir de l'union coopérative de la vallée. Dans ce cas, l'union coopérative affecterait la plus grande partie ou la totalité de ces fonds, probablement sur l'ordre et sous la supervision de l'administration, au financement des installations de captage des eaux sur les pentes du bassin versant. La question de la restauration et de la protection de la couverture végétale, bien qu'elle joue probablement un rôle critique en ce qui concerne l'efficacité et la capacité de survie des travaux hydrauliques, n'a pas été beaucoup débattue. S'il est vrai que le sous-préfet n'a pas spécifiquement mentionné les questions d'entretien, on présume toutefois que l'entretien des travaux hydrauliques et la protection de la couverture végétale du bassin versant pourraient être financés tous les deux par la même source, en supposant pour les produits forestiers un marché stable et des prix satisfaisants.

On peut prévoir que cette proposition soulèvera plusieurs problèmes. Tout d'abord, si l'on prélève la totalité des ressources engendrées par la récolte et la vente des produits des brise-vent, ou même la part du lion, pour les affecter au captage des eaux, on court le risque de voir de nombreux individus des communautés locales perdre tout intérêt au soutien du plan de gestion des brise-vent et commencer à les exploiter en violant ce plan. Cette réaction pourrait, à moyen ou long terme, signifier la mort des brise-vent.

Deuxièmement, en traitant la vallée comme un tout, sans distinctions, cette proposition dilue les incitations qui pourraient pousser tout individu, communauté ou groupe de communautés, à mettre sur pied des efforts à long terme pour créer et exploiter un système de gestion de bassin versant sur la portion des escarpements de la vallée de Majjia se trouvant en amont de leurs terres. Le sous-préfet augmenterait son contrôle sur les ressources de la vallée disponibles pour le financement de mesures de protection de l'environnement, mais au risque d'affaiblir sérieusement les institutions de gestion des brise-vent. Même en conservant l'allocation d'un quart des recettes de la récolte aux propriétaires de champs à brise-vent, il est probable qu'il faudra assurer des patrouilles de garde pour protéger les brise-vent durant au moins une partie de l'année. Les fonds pour financer cette protection ne peuvent être levés par une fiscalité locale. La seule source apparemment fiable de deniers publics semble être le produit des récoltes des brise-vent. Canaliser la plupart de ces fonds vers des projets écologiques de mérite, sans prendre de dispositions pour la protection et l'entretien de la ressource dont proviennent ces fonds, semble relever d'une politique douteuse.

La part mise à disposition pour une utilisation locale, c'est-à-dire l'emploi par l'unité coopérative de la communauté ou par les cadres du conseil de développement villageois, devrait être au minimum d'un tiers. Une part des deux cinquièmes ou de la moitié fournirait une marge additionnelle pour consolider le soutien apporté aux brise-vent. Si l'une ou l'autre de ces proportions pouvait être consacrée comme règle fondamentale statutaire, les possibilités d'autogestion des brise-vent et des autres ressources du niveau local seraient considérablement renforcées.

Cette règle ne devrait être sujette à modification que par un processus spécial, par exemple par un scrutin extraordinaire des conseils de développement villageois de la vallée, ou des chefs de village, votant en faveur du changement de la proportion, suivi d'un vote d'approbation, à la majorité, ou aux deux tiers, exprimé par les populations d'au moins 60 pour cent des villages. Cette situation n'empêcherait aucunement un village quelconque de décider de dépenser une partie ou la totalité de sa quote-part réservée à l'effort de gestion de l'environnement, par exemple, dans son propre bassin versant (voir ci-dessous).

Ceci permettrait de remettre pratiquement la moitié des produits de commercialisation de la coupe à l'union coopérative pour qu'elle l'investisse selon les orientations retenues dans la gestion de l'environnement (ainsi que dans d'autres activités, pouvant être liées à la production agricole). Cette affectation d'une quote-part des recettes provenant de la vente des produits des brise-vent au financement de la gestion ou de la mise en place de ressources de propriété commune d'intérêt public général, constituera une réplique coupant court à toute assertion selon laquelle les habitants de la vallée seraient cupides et ne penseraient qu'à leurs intérêts propres, à court terme.

Pour que fonctionne le principe d'un contrôle local important, associé à une contribution locale à l'effort de gestion de l'environnement dans la vallée, il faudra l'appliquer à toute la vallée en tant que condition générale à respecter. Ceci signifie que toutes les coopératives devront réserver le même montant de financement pour le fonds collectif. Sinon, certaines communautés pourraient bien être tentées de réduire le montant de leur contribution à l'effort de gestion de toute la vallée, pour favoriser des intérêts plus locaux.

Une autre option, suggérée par un ancien du village de Karayé, serait d'organiser la vallée en trois subdivisions des unions coopératives. Elles pourraient être constituées des parties est, centre et ouest de la vallée. A l'heure actuelle, les 26 villages de la vallée sont organisés officiellement en une seule union coopérative locale. Ce choix réduirait probablement les coûts de transaction lorsque l'on décide des activités concernant l'environnement, étant donné qu'au sein de ces trois sous-régions, les intérêts communs ou partagés semblent plus nombreux et plus susceptibles de motiver un comportement positif, que lorsqu'on considère la communauté d'intérêts de tous les habitants de la vallée (par exemple, la régularisation des eaux dans les sections de la vallée de Majjia qui font partie de l'arrondissement de Bouza).

Une troisième option dans ce cadre serait de définir les limites physiques des bassins versants qui constituent la vallée de Majjia, et d'assigner les responsabilités de leur gestion au (ou aux) village le plus proche. Cette mesure de simplification renforcerait également l'intérêt personnel motivant les individus à participer à la gestion du bassin versant, et à respecter les règles de gestion de cette ressource de propriété commune. On accomplirait ainsi un raccourci entre la cause et l'effet, en matière d'investissement dans la gestion des ressources hydriques et forestières, et des pâturages. On réduirait ainsi les risques d'échec des organisations à ce niveau. On augmenterait les probabilités de réussite d'un système qui diffuserait les eaux dans le fond de la vallée jusqu'aux champs de ceux qui ont participé au travail de gestion environnementale.

Le système devrait incorporer un arrangement par lequel les districts de gestion des sous-bassins versants auraient la possibilité de se faire aider par des unités voisines, ou même par une portion majeure de la population de la vallée, ainsi que par des services techniques des ONG (notamment l'Agence de génie civil rural) lorsque leurs propres ressources se révèlent insuffisantes pour effectuer les travaux nécessaires à l'aménagement des eaux.

Tout comme l'établissement des brise-vent n'a pas donné naissance à un mouvement de redistribution des terres, permettant à tous les habitants de la vallée qui désiraient des terres agricoles fadama d'y avoir un accès égal, il faut de même reconnaître et respecter les droits et le régime fonciers en vigueur sur les versants. Le sous-préfet actuel appuie cette position. S'il en était autrement, les coûts de transaction entraînés par l'établissement d'un plan cadastral de la vallée et par une redistribution des exploitations existantes d'après ce plan, constitueraient certainement un obstacle impossible à surmonter politiquement.

Il incomberait aux populations locales de formuler et faire respecter leurs propres règles relativement au niveau de participation requis et aux sanctions en cas de non observation. Les procédures à suivre pour la résolution des infractions aux règles devraient être fixées au sein des communautés locales, ceci étant une condition préalable à l'exercice d'une autorité locale dans ce domaine.

Ce point revêtira une importance particulière dans les situations où de non résidents sont impliqués dans des poursuites judiciaires, en raison de la pratique de longue date, au Niger, de n'accepter de jugement qu'émanant de son propre chef politico-administratif (chef de village sédentaire, chef de groupe pastoral, etc…). Aux termes de cette règle, les affaires d'infractions ne peuvent être entendues que par un juge qui coiffe les dirigeants des deux, ou de tous les plaideurs.

Un tel arrangement pourrait conduire à des coûts de transaction extrêmement élevés dans certains des cas les plus difficiles comme par exemple ceux qui impliquent des exploitants de la vallée et des pasteurs fréquentant la vallée, mais qui sont enregistrés à toutes fins fiscales et politico-administratives dans l'arrondissement de Madoua.

S'il faut des dirigeants locaux pour juger les cas locaux, il pourrait être souhaitable de créer des instances judiciaires spéciales pour décider des cas qui surgissent à propos des activités de gestion de l'environnement. Ces instances devraient être conçues pour fournir une représentation équitable de toutes les classes de plaideurs. Il faudrait également étudier et fixer les modalités des procédures d'appel, pour que le recours se déroule dans des conditions prévues. Ces règles devraient être consignées par écrit et proclamées par le crieur municipal. Une copie devrait en être déposée dans les dossiers de l'arrondissement et au greffe de la Cour de première instance — le premier niveau du système des tribunaux nationaux.

L'administration devrait s'engager publiquement à soutenir ces unités locales de gestion de l'environnement ainsi que les règles qu'elles se proposent d'appliquer, tant qu'elles observent les normes établies d'impartialité (des règles et des décisions reposant sur ces normes ne doivent pas être prescrites contre les non résidents ou contre des classes particulières d'utilisateurs des ressources de la vallée).

L'administration devrait également faire un effort exceptionnel pour honorer cet engagement dès le début du système. Ceci exigera des administrateurs et des techniciens un sacrifice spécial en ce qui concerne leur temps au moment de la mise en route, mais une fois que les gens auront vu que l'état soutient un certain degré d'autonomie locale dans la gestion des ressources et la résolution des conflits liés à toutes ces questions de gestion, on rencontrera moins de cas où les gens seront tentés de contester les règles locales et les décisions équitables prises localement.13 A ce point, le fardeau que représente le soutien de base, disparaîtra.

Le rôle des pasteurs dans la gestion des bassins versants et des pâturages doit faire l'objet d'un «réglage fin» et leurs intérêts doivent être pris en compte dans la mise au point des systèmes. C'est une nécessité dans une situation où les pasteurs disposent d'un pouvoir notable de destruction des systèmes de gestion, des investissement matériels qui leur ont été consacrés, et des produits que l'on s'attend à en voir découler.

NOTES

1 James M. Delehanty, Marilyn Hoskins, et James T. Thomson, «Rapport sociologique final: étude pour l'évaluation de la vallée de Majjia» (7 novembre 1984), p. 68.

2 Delehanty....pages 80 et suiv.

3 Timothy Resch, employé du Service forestier des Etats-Unis, s'est rendu dans la vallée de Majjia en juin 1988, et a fourni des renseignements sur l'évolution des règles de gestion des brise-vent et des procédures de récolte. Il constitue la source d'information la plus récente à ce sujet. Ses commentaires ont été incorporés dans ce passage et dans le texte sur les récoltes.

4 Il semble que cette règle ait été rendue officielle par un conseil formé de cadres administratifs de Bouza, de techniciens et de représentants des habitants de la vallée au printemps 1988.

5 La première année, la rangée sous le vent de la ligne I est récoltée par une taille d'étêtage (éliminant toutes les branches en raccourcissant jusqu'au niveau du haut du tronc d'arbre). La deuxième année, la rangée sous le vent de la ligne Il est étêtée. La troisième année la rangée au vent de la ligne I est étêtée, et enfin, la quatrième année, la rangée au vent de la ligne Il. La cinquième année, on recommence la rotation. Ce plan de récolte assure une protection adéquate des sols de la vallée, une régénération régulière des brise-vent et un apport de produits pouvant être commercialisés ou utilisés dans l'économie locale. Ce système sera étendu à toute la vallée, au fur et à mesure que les lignes de brise-vent arriveront à maturité.

6 On ne dispose pas, au moment de la rédaction de ce document, de données précisant si la part du propriétaire doit être calculée comme le quart des produits bruts de la récolte, ou comme le quart de la recette nette après déduction des coûts de récolte. Ces derniers frais comprendraient par exemple les salaires de ceux qui supervisent la récolte, la coupent, la gardent, transportent le bois au marché, les éventuelles commissions de vente et autres frais de commercialisation, etc…

7 Voir la note précédente

8 La question de compétence est soulevée ici en partie parce que le Code forestier nigérien a fait des forestiers les premiers responsables de la mise en vigueur du régime de propriété des arbres depuis un demi siècle. Ce n'est que récemment, la pénurie de bois se faisant sentir, que certains nigériens des milieux ruraux ont commencé à assumer un rôle plus combatif pour la défense des ressources ligneuses sur leurs champs. Ceci inclut des actions en justice, tout aussi bien que la simple surveillance et la dissuasion en ce qui concerne les coupes non autorisées sur leurs champs.

9 Par ordre de priorité, d'abord dans les villages, ensuite dans les zones proches de la vallée, puis à Bouza, et enfin hors de l'arrondissement.

10 Tel était le système adopté par Garadoumé Kware au moment de la première coupe d'essai. Des variantes sur ce schéma ont été suggérées dans un certain nombre de villages où des interviews ont eu lieu.

11 Le principe fondamental de ce système semble imposer aux propriétaires en amont le devoir de ne pas - sans raison ou par malveillance - gaspiller ou détourner de l'eau qui, sans cela, s'écoulerait vers les propriétaires en aval, capables et désireux d'en faire bon usage.

12 Certains bénéfices de la diffusion de l'eau peuvent être disponibles en tant que ressource d'accès illimité durant la saison sèche, sous la forme de supplément de fourrage lorsque les animaux ne peuvent être exclus facilement des champs. Il y aura plus de fourrage pour les animaux errant librement ou pour le bétail gardé selon que les exploitants recueillent les résidus de culture et les herbes fourragères pour les stocker dans des réserves privées ou qu'ils les laissent sur les champs après la récolte, à la disposition de tous.

13 De nombreux résidents locaux sont fort sceptiques en ce qui concerne leur capacité à contrôler collectivement le comportement des usagers des ressources.


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