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Chapitre 2
ETUDES DE CAS DE PROJETS NIGERIENS DE FORESTERIE ET RESSOURCES FORESTIERES (continuer)

• Etude de cas 3
PROJETS DE FORESTERIE FAC ET BNUS POUR LA PROMOTION DU GAO — DEPARTMENT DE DOSSO

Introduction

Les deux projets mis en œuvre dans le département de Dosso, dans l'Ouest du Niger, durant les années 80, pour la promotion du gao1, sont des activités d'agroforesterie très prometteuses. Tous deux étaient axés sur la réduction des coûts de reboisement en ayant recours, chaque fois que c'était possible, à la régénération naturelle. Pour venir en aide aux zones où la régénération naturelle était impossible, le personnel du projet a mis au point des techniques de production des jeunes plants qui, du point de vue des villageois, comportent de faibles dépenses de temps et d'énergie. Ce personnel s'est également efforcé d'élaborer des systèmes fiables et peu coûteux de protection des jeunes plants. Cependant, malgré des réussites techniques évidentes et une claire conception des changements institutionnels qui seraient désirables, le concept du Projet du gao continue à se heurter à un régime forestier et à des règles d'organisation locale qui sont définis par le gouvernement et sont très inappropriés. Les règles sont actuellement en cours d'examen et de révision par les autorités nigériennes. Il se peut que l'on mette au point très prochainement des réglementations mieux adaptées. Comme il s'agit d'une évolution à la fois critique et problématique, elle doit être énergiquement soutenue chaque fois qu'on le peut.

Contexte

Les projets du gao au Niger — FAC/CCCE2–3 (1981 – 1985) et BNUS (1984 – 1988) — ont tenté de sensibiliser les producteurs ruraux et de leur faire comprendre l'importance d'une augmentation des peuplements d'Acacia albida (gao) sur leurs champs. Les projets encourageaient les exploitants à protéger la régénération naturelle des gaos là où elle était possible, et les aidaient à planter des jeunes plants là où les peuplements existants et les conditions pédologiques ne favorisaient pas la régénération naturelle. Dans les deux cas, la logique était la même: ces arbres jouent un rôle vital en stabilisant la productivité des systèmes agricoles mixtes avec cultures et pastoralisme. Le personnel du projet a entièrement fait sienne la sagesse populaire nigérienne qui voit dans les arbres gao les pourvoyeurs de bénéfices multiples. Plus que les producteurs ruraux, les techniciens du projet sont capables de décrire ces avantages en détail. Ils mettent l'accent sur la protection contre l'érosion éolienne, les éléments nutritifs attirés vers la surface, et l'ombrage clairsemé procuré par les branches sans feuilles, qui protège les cultures de la séchersse durant la saison de végétation, ainsi que sur la grande diversité de produits de consommation fournis, tels que fourrage pour le bétail, matériaux de construction et bois de chauffage.

Le but commun à ces projets était d'augmenter les concentrations d'arbres gao sur les champs des exploitants, en partant d'un taux de six par hectare pour atteindre 35 à 50 par hectare là où la régénération naturelle était faisable, et jusqu'à 100 par hectare là où on avait dû avoir recours à des techniques artificielles de plantation.4 Les évaluations initiales du Projet du gao FAC/CCCE faisaient état de progrès considérables dans les 94 villages où le personnel du projet avait activement appuyé la réalisation de l'objectif. Après trois années, le compte moyen des jeunes plants sur 7 500 hectares environ était supérieur à 30 par hectare.5 Une diminution progressive est prévue; elle se produit durant les premières années. Pratiquement 30 pour cent des jeunes plants de végétation spontanée disparaissent durant leur première année (sécheresse, sarclage peu soigné quand les plants sont très petits, et broutement sont les causes mentionnées par les exploitants). Les taux de dépérissement sont plus élevés dans les zones où l'on doit réétablir artificiellement le gao, parce que les conditions, pédologiques et autres, y sont en général moins favorables. Une plantation initiale de 100 jeunes plants par hectare peut, avec des soins appropriés et de la chance, produire 50 jeunes arbres sains par hectare, cinq ans plus tard.

Les coûts encourus pour la protection de la régénération naturelle, au titre du projet, ont été fixés en 1985 par un évaluateur de la CCCE à 5 800 FCFA par hectare, soit 140 FCFA par arbre protégé, en tenant compte d'une densité moyenne dans les villages aidés par le projet atteignant quarante et un (41) jeunes plants gao à l'hectare. Les coûts par hectare et par arbre de cette forme de reboisement ne représentent qu'une faible fraction des coûts entraînés par les plantations industrielles sous régime pluvial dans la même zone qui exigent un minimum de 100 000 FCFA par hectare.6 Les arbres gao sont très bien adaptés aux systèmes d'agroforesterie. Ces arbres se rencontrent bien moins fréquemment dans les zones de brousse que dans les champs cultivés. Les producteurs ruraux de tous genres reconnaissent leur valeur, et un tel projet a donc de bonnes chances d'être durable. Les sites d'essai du projet indiquent que le rendement du mil cultivé sous une frondaison de gaos est 1,78 fois supérieur au rendement de parcelles comparables mais dépourvues de ces arbres.7

Le Projet FAC/CCCE s'attachait principalement à encourager les exploitants individuels à identifier, jalonner et piqueter, et à éviter de couper les jeunes arbres d'Acacia albida se produisant par régénération naturelle. Les exploitants étaient payés 30 FCFA (0,10 dollar E.-U.) pour chaque jeune plant gao identifié. Ils recevaient 10 FCFA par an pour les deux années suivantes, s'ils entretenaient le jeune plant — le sarclant, le taillant, le piquetant de nouveau si nécessaire — et s'il survivait.

Il existe une controverse pour savoir s'il était judicieux de verser des commissions aux exploitants pour cette activité. Certains soutiennent que les exploitants ne devraient pas être payés pour protéger les gaos, étant donné qu'ils reconnaissent tous la valeur de l'arbre et son rôle dans les systèmes de production locaux. Des commissions seraient peut-être justifiées, d'après ce groupe, pour les essences qui sont moins appréciées des producteurs, mais qui néanmoins sont capables de rehausser la productivité.8 L'autre position est fondée sur les conclusions d'une équipe de recherche nigérienne, composée d'un sociologue et d'un forestier. Cette équipe maintient que, bien que le montant par arbre semble minime, les producteurs peuvent gagner jusqu'à 20 000 ou 30 000 FCFA en une année, en identifiant un nombre d'arbres sur leurs champs allant de 666 à 1 000.9 Même 5 000 FCFA (16 dollars E.-U.) représenteraient une somme importante pour la plupart des producteurs ruraux de la zone de Dosso. De plus, les interviews effectuées pour l'enquête dans 18 villages où le personnel du Projet GAO/FAC/CCCE ou celui du Projet BNUS ont conduit leurs activités, ont indiqué qu'environ la moitié des adultes ont identifié des jeunes plants de gao dans leurs champs. Parmi ceux-ci, seulement deux tiers avaient reçu des commissions (le tiers non rémunéré était, disait-on, mécontent). La moitié de ceux recevant des commissions ont indiqué que, pour eux, l'argent constituait une incitation importante les encourageant à persévérer dans leur entreprise.10

A ce point, il faut faire plusieurs observations. Payer pour obtenir une modification du comportement des bénéficiaires, pour ensuite supprimer progressivement le soutien, a pour effet, en général, de saper l'initiative locale et de détruire la durabilité du projet. Les producteurs concluent, avec raison, que si des étrangers, ou le gouvernement les ont payés une fois, ils peuvent être incités à payer de nouveau, si les producteurs sont prêts à faire une grève jusqu'à ce qu'ils obtiennent «le tarif en cours». Payer des producteurs ruraux pour qu'ils poursuivent des activités qui leur rapportent un bénéfice direct, les encourage à dissimuler leurs vraies préférences — en l'occurrence pour de meilleurs rendements de culture sous une frondaison de gaos—afin de soutirer un gain à court terme supplémentaire. Cette critique, toutefois, ne résoud pas la question de la motivation, qui est complexe. La gestion de l'environnement risque de ne représenter qu'une préoccupation de faible priorité dans des zones sujettes à la séchersse, où les ressources vivrières sont incertaines et les niveaux des services essentiels (services médicaux, approvisionnement en eau potable, intrants agricoles, enseignement, etc) sont inadéquats.11

Les chargés de recherche nigériens soutiennent que des incitations monétaires directes sont nécessaires pour obliger les producteurs à concentrer leur attention sur le problème à long terme de la protection, par des dispositifs tampon, des systèmes de production contre la sécheresse, l'érosion éolienne, l'épuisement des éléments nutritifs, la réduction progressive des sources de fourrage pour le bétail, etc. Durant les premiers stades du projet, certains exploitants s'inquiétaient de ce que le gouvernement pouvait prétendre à des droits de propriété sur leurs champs. Ils protégeaient les jeunes plants mais ne réclamaient pas leur commission par crainte des implications que cela aurait pu avoir sur le régime de propriété: ils pensaient que les autorités allaient prétendre qu'ils avaient «vendu leurs arbres» au gouvernement. De plus, les coûts des tournées annuelles effectuées par les cadres du projet, pour vérifier à l'improviste, dans des champs choisis au hasard, les chiffres rapportés par les exploitants pour le compte de leurs jeunes plants, dépassaient probablement les montants des commissions. Mais, si les gens ont des soupçons à l'égard des activités du projet, des contacts positifs continus avec le personnel du projet auront le double effet d'écarter les soupçons et de confirmer les droits des producteurs sur les arbres. La question des droits à la propriété des arbres gao, a une importance primordiale et est étudiée plus loin. Certains des interlocuteurs ont également déclaré qu'ils comprenaient bien la valeur des jeunes plants gao, mais qu'il n'en était pas de même pour leurs enfants. Quelques francs CFA ont considérablement augmenté l'acuité de vision de la jeune génération.

Durant les premières années du Projet Gao FAC/CCCE, un certain nombre de mini-pépinières ont été organisées dans certains villages pour produire Acacia albida (et plusieurs autres espèces) en vue de les transplanter dans les champs des exploitants.

Le Projet Gao BNUS est mis en œuvre par du personnel détaché du Bureau départemental de Dosso, du Service nigérien des Forêts et de la Faune, le financement étant fourni par la SIDA au BNUS. L'assistance technique est assurée en partie par le PNUD, et en partie par un cabinet privé de consultants, Swedeforest, aux termes d'un contrat passé par le BNUS. Ce projet comporte trois composantes distinctes:

Comme pour les autres études de cas figurant dans le présent rapport, les éléments présentés ci-après sont organisés selon le schéma théorique d'ensemble convenant à la conception et à l'analyse des institutions:

Les projets

ATTRIBUTS DES BIENS ET SERVICES

Biens privés. Les attributs des biens — arbres de l'essence Acacia albida sur des terres agricoles — ont, dans les deux projets un caractère qui est surtout privé. Les arbres sont stationnaires. L'exclusion est faisable pour les services les plus importants, mais elle ne l'est pas pour les biens de consommation. La consommation des produits de foresterie, ainsi que des principaux services touchant à l'environnement et à l'agriculture, est séparable. Lorsque le personnel du projet exhorte les exploitants à planter et à protéger ces arbres, il a recours à des motivations qui insistent nettement sur leurs aspects de bien privé. Les biens et les services privés associés aux arbres Acacia albida peuvent être groupés en deux catégories: services sur place et biens de consommation. Les services privés sur place comprennent les éléments suivants:

Biens d'accès libre qui ne sont pas de propriété commune. Contrairement aux services produits par les arbres gao, dont le caractère prédominant est privé, les produits de consommation engendrés par les arbres sont, dans le contexte de Dosso, des biens d'accès libre. Les biens d'accès libre sont sujets à l'exploitation par un groupe d'utilisateurs sans définition exacte; la consommation des biens et des services est compétitive. Les biens de consommation dont le caractère est celui de biens d'accès libre, comprennent notamment:

Durant la période de six mois allant des premières pluies à la moisson, ces biens de consommation peuvent être plus facilement soumis à l'exclusion, parce que les exploitants qui cultivent les champs où ces biens poussent, peuvent en contrôler l'accès et le font. Mais durant la longue saison sèche de six mois, de décembre à mai, tous les propriétaires de bétail sont libres de permettre à leurs animaux de vagabonder à travers champs, à leur gré. De la même manière, les gens se déplacent librement sur les champs dénudés. Durant cette période, le caractère d'accès libre des biens de consommation d'Acacia albida est souvent très marqué. A moins d'avoir entouré les arbres de clôtures, posté des gardiens, ou à moins qu'une personne intéressée ne survienne au bon moment, rien n'empêche les animaux et les humains d'utiliser à leur gré les arbres et leurs produits.

Lorsque les arbres arrivent au stade de la production des graines, de novembre à février, ils produisent un autre bien d'accès illimité: des gousses à graines riches en protéines, que le bétail errant consomme dès qu'elles tombent sur le sol. Les gousses sont des biens d'accès illimité parce qu'il est difficile de les récolter dans des conditions contrôlées. Elles tombent de l'arbre quand elles sont mûres, en quelques semaines. Comme les champs ne sont pas clôturés, il est difficile d'en exclure les animaux. L'utilisation (la consommation) des gousses est séparable et fortement compétitive.

Bien public. Les arbres d'Acacia albida sont également capables de produire un bien public sous forme de stabilisation généralisée ou d'amélioration du climat local. Il s'agit là simplement de l'effet cumulatif de l'amélioration dérivant du microclimat créé par chaque arbre. Si les densités d'arbres sont supérieures à 35 par hectare, sur un bon nombre d'hectares contigus, il y a des chances pour que le climat local devienne dans l'ensemble plus salubre, aussi bien pour les humains que pour les animaux et les plantes. L'amélioration du climat est un bien public, parce que ceux qui se trouvent dans la zone ne peuvent être exclus de la possession des bénéfices découlant de conditions climatiques améliorées offertes à tous, tandis que la consommation du bien par ces mêmes personnes est conjointe ou non compétitive.

INSTITUTIONS

L'institution fondamentale qui régit maintenant l'accès aux produits d'Acacia albida, ainsi que leur exploitation — le Code forestier nigérien — traite les arbres comme un bien de propriété commune au niveau national. Le Code forestier fait figurer Acacia albida parmi les 15 arbres de la liste des essences protégées. Le Service nigérien des Forêts et de la Faune est chargé de la gestion des arbres en tant que propriété commune nationale, et l'accès à ces arbres est officiellement contrôlé par le Service des Forêts et de la Faune. Toute personne souhaitant tirer de ces arbres protégés une récolte pour usage personnel ou commercial doit obtenir un permis de coupe. Les propriétaires de champs peuvent obtenir ces permis gratuitement s'ils ont l'intention de faire un usage non commercial du bois récolté. Les permis autorisant l'utilisation commerciale doivent être achetés. Des amendements récents au Code forestier ont augmenté le prix des permis commerciaux pour Acacia albida, le portant à 5 000 FCFA par arbre récolté.

Figure 16
Types de biens et services

PROJETS DU GAO - FAC/CCCE et BNUS, 1981–1988

Attributs des biens et services d'Acacia albida
compte tenu de la technologie, en l'absence de règles

 FACILITE D'EXCLUSION
 DifficileFaisable 
 Biens et services publicsBiens et services à péage 
Conjointe (sur le site)  
CARACTERE DE LA CONSOMMATION-amélioration d'ensemble du climat local  
Biens et services d'usage communBiens et services privés 
Séparable Accès libre(sur le site toute l'année) 
 (produits de consommation en saison sèche)-lutte contre érosion 
 -bois de chauffage-reconstitution du sol 
 -poteaux-microclimat amélioré près des arbres 
 -matériaux de clôture(produits de consommation hivernage) 
 -outillage en bois-bois de chauffage 
 -brout-poteaux 
 -gousses de graines-matériaux de clôture 
   -outillage en bois 
   -brout 
   

La communauté des utilisateurs potentiels est en principe internationale: on peut remettre un permis à quiconque le demande. Le Service des Forêts et de la Faune, en théorie, garantit le droit de tout membre de cet ensemble international, exercé contre tous les autres membres, et qui soumet ces derniers au devoir d'éviter d'exploiter la ressource pour des utilisations de consommation, à moins d'en avoir reçu l'autorisation par les autorités appropriées. En outre, tout membre de l'ensemble international peut obtenir une liberté d'exploitation limitée, pour un usage personnel ou commercial, en faisant l'acquisition d'un permis de coupe. Tous les membres de l'ensemble sont exposés aux conséquences des libertés d'exploitation autorisée, exercées par tout autre membre de l'ensemble. Le Service des Forêts et de la Faune est censé réglementer l'usage — le retrait du capital forestier sur pied d'Acacia albida, d'éléments d'utilisation partiels ou totaux (branches ou arbres entiers) — pour garantir que le capital de la ressource Acacia albida sera maintenu ou augmenté au cours du temps.

En fait, en stipulant le moment, le lieu ou le nombre d'arbres Acacia albida pouvant être coupés, le Service des Forêts et de la Faune se trouve habilité à gérer la ressource. Du point de vue juridique, la ressource est définie, non pas comme un bien de caractère principalement privé, comme semble l'indiquer l'analyse de la nature du bien, mais comme une ressource de propriété commune. Le Service des Forêts et de la Faune est également habilité à protéger les services privés produits sur le site par l'arbre (conservation et enrichissement du sol) et le bien public de protection de l'environnement engendré par les arbres, en tant qu'autre service sur le site.

Aux propriétaires des champs où poussent les arbres gao, incombe, selon le Code, un devoir spécial. Ils sont requis d'empêcher les récoltes non autorisées sur les arbres, acte défini comme exploitation sans permis officiel. Ce règlement concerne l'ensemble des 15 essences placées sur la liste des essences protégées. Si un arbre est coupé sur le champ d'un individu et qu'un forestier repère l'infraction, le propriétaire du champ est personnellement responsable du paiement de l'amende, à moins qu'il n'identifie la personne responsable de l'infraction; l'amende n'est levée qu'à ce moment-là. Cette clause du Code a pour effet de créer un droit dévolu à tous les autres: les arbres de propriété commune doivent être préservés à moins de récolte légale.

L'intention évidente est de promouvoir un système local de mise en vigueur du règlement, qui doit fonctionner pour assurer la protection des arbres chaque fois que les forestiers ne sont pas matériellement présents dans un champ donné. Toutefois, dans la pratique, la réalisation de cette intention reste très imparfaite. Les propriétaires individuels des champs, ou les membres de leur famille, peuvent empêcher les coupes illégales s'ils surprennent un individu qui récolte illégalement du bois de gao dans leurs champs. Mais il semble extrêmement rare que des efforts soient déployés pour organiser des patrouilles de surveillance parcourant les champs et protégeant les arbres. Ceci reflète en partie les effets des obstacles à l'organisation au niveau local imposés par le gouvernement, situation étudiée plus en détail dans la section traitant des «Recommandations».

Selon les termes officiels du Code, les arbres peuvent être émondés jusqu'à la hauteur qu'un homme peut atteindre avec une hache. Ceci encourage l'arbre à pousser plus haut, et par conséquent à atteindre plus vite sa maturité, de sorte qu'il commence à produire les biens et services souhaités plus rapidement. Il est également officiellement permis d'élaguer des touffes de pousses d'Acacia albida, pour encourager la croissance du meilleur plant dans la touffe. Enfin, les règlements officiels permettent aux utilisateurs de couper des branches d'Acacia albida pour obtenir du fourrage ou des poteaux de charpente, tant que l'operation ne présente pas de danger pour l'arbre.

Ces règles officielles — qui n'ont jamais été traduites en textes écrits dans les langues locales — sont comme d'habitude sujettes à interprétation par les forestiers locaux, qui exercent leurs pouvoirs déterminants, considérables, en prenant des décisions relatives à des cas particuliers. Les pratiques adoptées par des forestiers représentatifs détachés localement seront examinées ci-après, suivant un schéma décrivant les institutions du Projet FAC/CCCE/BNUS du gao, concernant les droits de propriété et la gestion de l'Acacia albida.

Le personnel du projet BNUS a travaillé en partant de l'hypothèse tacite que les arbres d'Acacia albida plantés, et/ou protégés, en tant que régénération naturelle dans les champs de particuliers, doivent appartenir aux individus concernés.

Des interviews ont été réalisées dans sept communautés12 où les villageois avaient soit planté, soit protégé Acacia albida; elles ont révélé des attitudes très variées en ce qui concerne la conscience des droits de propriété sur les arbres en question. La tendance d'opinion exprimée par les interlocuteurs dans tous les villages indique une conviction fondamentale selon laquelle les arbres appartiennent à ceux qui les plantent ou les protègent. Dans certaines communautés, une minorité parmi ceux qui ont été interrogés a indiqué que les arbres protégés ou plantés moyennant une commission, appartiennent en fait aux cadres du projet, aux forestiers, ou au gouvernement nigérien. La plupart d'entre eux ne s'attendaient pas à ce que les cadres viennent revendiquer les arbres, et comptaient bien continuer à bénéficier des avantages sur place et peut-être même de quelques utilisations de consommation.

La plupart des interlocuteurs semblaient estimer qu'ils possédaient un droit selon lequel tous les autres éviteraient de couper ou de tailler les arbres qu'ils avaient plantés. Beaucoup ont déclaré qu'ils ne rencontraient guère de difficulté à faire valoir leurs droits et à obliger les autres, en particulier les pasteurs Foulbé, à respecter les devoirs correspondants et équivalents d'abstention de coupe imposés aux non propriétaires, s'ils découvraient ceux-ci en train de couper ou tailler. Obtenir en temps voulu des informations sur les utilisations non autorisées pose cependant un sérieux problème. La question de l'exclusion n'a pas été résolue, aussi le bois et les produits forestiers demeurent-ils, en ce qui concerne les règles opératoires, des biens d'accès illimité.

La question de l'exploitation pour des utilisations de consommation a fourni la gamme la plus étendue de réponses. Certains exploitants ont déclaré qu'ils pouvaient utiliser les arbres de la manière qu'ils voulaient et quand ils le voulaient. Mais, dans l'état actuel de la législation, mettre en pratique cette supposition constituerait une infraction au Code forestier. D'autres ont indiqué qu'ils pouvaient exploiter le bois mort d'Acacia albida, mais qu'ils s'abstiendraient purement et simplement d'en couper le bois vert. D'autres encore ont déclaré qu'il leur faudrait obtenir la permission du forestier (ou du personnel du projet) avant de pouvoir utiliser des arbres vifs. Enfin, certains semblaient croire que les arbres ne leur appartenaient pas réellement, puisqu'ils avaient été «vendus» au personnel du projet. Les libertés dont ils disposaient en matière d'accès et d'exploitation, étaient donc limitées strictement aux services sur le site (protection contre l'érosion éolienne, enrichissement du sol, etc…) tant que les «propriétaires» laissaient les arbres sur leurs terres.

Au cours de ces interviews, le personnel du Projet BNUS a indiqué qu'il espérait que le Code forestier serait modifié pour inclure des dispositions assurant la propriété individuelle des arbres Acacia albida que les exploitants plantent ou protègent sur leurs champs. Ils comptent voir de telles modifications intégrées dans le nouveau Code rural, que le gouvernement nigérien doit publier d'ici trois ans. Si le Code rural répond à l'attente du personnel du Projet, les exploitants qui procèdent à la plantation et à la protection d'Acacia albida, et ont le sentiment que les arbres leur appartiennent, seront confortés dans leur opinion.

Le Code rural peut changer les règles existantes et reconnaître comme propriété privée les arbres Acacia albida poussant sur les terres privées. Cela impliquerait que les propriétaires pourraient être autorisés à en réglementer l'accès aux conditions dictées par eux et, entre autres, imposer à tous les autres l'interdiction d'utiliser les arbres et de les exploiter pour la consommation, sans qu'ils aient à obtenir d'autorisation préalable des autorités d'Etat (Service des Forêts et de la Faune). Si cette modification était apportée, elle alignerait la définition légale (institutionnelle) des arbres sur leur nature principalement privée, c'est-à-dire caractérisée par l'exclusion et la consommation séparable. Elle se traduirait également par une augmentation sensible de la valeur des arbres Acacia albida pour les exploitants, augmentation qui porterait non seulement sur les utilisations de consommation qu'ils pourraient faire des arbres, mais aussi sur la possibilité de vendre ou d'échanger ces droits, et de protéger les arbres des récoltes non autorisées afin de maintenir leur valeur pour la production d'usages sur le site.

Il reste à voir si un tel déplacement des droits de propriété serait accepté de plein consentement et respecté par les autres utilisateurs actuels, par exemple les pasteurs transhumants Foulbé, ainsi que ceux qui, sans autorisation, ramassent du bois n'importe où dans une certaine zone, pour leur usage personnel (transformant de ce fait Acacia albida, officiellement propriété commune, en une ressource d'accès libre), et que les coupeurs de bois commerciaux armés de permis de coupe.

Un principe local, très répandu dans les zones rurales du Niger, veut qu'un individu qui investit un effort dans une ressource, crée de ce fait un droit privé à la ressource. Ce principe peut aider à réduire l'utilisation non autorisée des arbres. La plantation et la protection des arbres, ou la protection seule, représentent des investissements en vue de la production de nouveaux surcroîts de la ressource Acacia albida. Quel que soit le caractère juridique des arbres Acacia albida situés hors des champs privés, ceux qui sont situés dans les champs devraient en théorie être reconnus comme des biens privés, si les modifications du Code prévues se réalisent. Une appropriation sans autorisation, par ceux qui sont assujettis au devoir d'éviter les usages de consommation sans la permission du propriétaire, serait en fait équivalente à un vol. Il y a là une interprétation morale très différente de l'acte qui est vu actuellement comme l'appropriation d'une partie d'une ressource effectivement non gérée (d'accès libre).

Il reste à voir si l'existence de ce principe normatif, ainsi que l'inclusion des arbres Acacia albida des champs privés dans l'ensemble des biens qu'il couvre, suffiraient à valider des droits de propriété. Les pasteurs transhumants rejettent souvent ce principe lorsque les biens privés des exploitants sédentaires — les cultures dans les champs et les jardins aussi bien que les arbres -sont en cause.13 Ils opèrent selon un principe rival qui leur donne le droit d'utiliser les ressources se trouvant sur ce qui était autrefois des terres de pâturage ou des terres ouvertes aux pasteurs et à leurs troupeaux durant la saison sèche. Du fait de l'accroissement de la population, de la conversion d'anciens pâturages dans les zones marginales à une agriculture de plein champ, et en particulier, de la nouvelle pratique des exploitants, qui ramassent et entassent les résidus des cultures, il devient de plus en plus difficile pour la plupart des pasteurs de trouver assez de fourrage pour leurs animaux. Dans ces conditions, la tentation de s'approprier ce qui, officiellement, est la propriété privée des exploitants, devient très forte.14

INTERACTIONS

Les stratégies que les cultivateurs adoptent en ce qui concerne les activités promues par les deux projets d'Acacia albida semblent être très variées. Cette variation reflète probablement les différentes estimations que les villageois donnent à la valeur des utilisations des arbres Acacia albida, sur le site, dans chacun de leurs champs particuliers. Elle traduit aussi probablement les différentes préoccupations des individus, en ce qui concerne les conséquences sur les droits de propriété, qu'ont les programmes de commissions des projets, ainsi que les règles du Code forestier.

En général, les villageois rapportent avoir planté et/ou protégé, plus d'arbres Acacia albida sous l'égide du projet qu'ils ne l'avaient fait dans le passé. Certains interlocuteurs ont déclaré qu'il s'agissait dans une large mesure d'une augmentation de l'intensité des activités de protection plutôt que d'un comportement entièrement nouveau. Un examen rapide de plusieurs champs dans un certain nombre de communautés indique que dans les villages participant aux deux projets du gao, FAC/CCCE et BNUS, il existe des zones où l'on trouve de jeunes Acacia albida en nombre considérable et à des âges divers. Les personnes interrogées ont rapporté que ce phénomène était généralisé. Par manque de temps, la mission n'a pas été en mesure de vérifier ce point.

De nombreux interlocuteurs ont déclaré qu'ils ne rendent pas compte des jeunes Acacia albida au personnel du projet, mais qu'ils n'en assurent pas moins la protection. Ils laissent entendre qu'il n'y a pas de raison de marquer les arbres, s'ils veulent les garder dans leurs champs, parce qu'eux et leurs familles savent à quoi ressemblent de jeunes Acacia albida et savent éviter de les endommager durant le sarclage.

D'autres personnes interrogées, tout comme le personnel des deux projets du gao, FAC/CCCE et BNUS (forestiers nigériens), disent que de nombreux exploitants sous-estiment dans leurs rapports les arbres qu'ils ont identifiés. Pourquoi les exploitants se comportent-ils ainsi? On peut suggérer plusieurs raisons:

La crainte que l'organisation du Projet ne revendique les arbres est sans fondement. Toutefois, du point de vue des producteurs ruraux, une telle crainte n'a rien d'irrationnel. Les exploitants et les pasteurs savent que les forestiers, comme les projets, se succèdent et changent. Les planteurs-protecteurs des arbres ne se voient pas accorder systématiquement des titres écrits pour les arbres gao qu'ils laissent pousser dans leurs champs. En fait, ceci serait une violation des termes du Code forestier actuel.

Au point où nous en sommes, l'étendue des droits des planteurs et des protecteurs d'Acacia albida, vis-à-vis de tiers, n'est pas clairement définie. Disposent-ils d'un droit exercé contre tous les autres, et ces derniers sont-ils assujettis au devoir d'éviter l'utilisation des arbres protégés ou plantés, à moins d'avoir obtenu une autorisation de leurs propriétaires? Ou bien, est-ce que les planteurs-protecteurs courent un risque en cas d'exercice par d'autres de leur liberté d'exploitation du gao — par exemple, les pasteurs exerçant les droits traditionnels d'usufruit, leur permettant d'élaguer des branches, ou bien les bûcherons armés de permis? La plupart des forestiers ne délivrent pas d'autorisations spécifiques à des détenteurs de permis pour la coupe de branches ou d'arbres entiers sur les champs des exploitants agricoles. Selon leurs déclarations, ils disent aux bûcherons de couper du bois dans la brousse. Mais les zones de brousse sont en voie de disparition, et de toute façon, les gaos poussent le plus souvent dans les champs cultivés. Il se peut que les forestiers ne soient pas capables de faire respecter par de tels individus le devoir d'une abstention de coupe, de sorte que les règles appliquées, ou règles opératoires, rendent les planteurs et protecteurs de gao vulnérables. S'ils sont exposés à ce point, l'étendue de leurs droits de propriété est fortement réduite. La valeur des arbres doit être réduite en proportion.

Dans quelle mesure les planteurs et protecteurs sont-ils libres d'exploiter les arbres gao dans leurs propres champs pour leur usage personnel? Peuvent-ils les exploiter à leur gré, de la manière et au moment où ils veulent, ou leur faut-il obtenir l'autorisation des forestiers? Si leur liberté d'exploitation est limitée par le devoir d'obtenir une permission avant d'exploiter les arbres, ce fait augmente nettement les coûts de transaction encourus pour la conversion des arbres en produits de commercialisation, et rend ainsi la plantation d'arbres moins prometteuse.

L'exercice normal des pouvoirs déterminants des forestiers risque d'augmenter l'incertitude du régime de propriété relatifs aux arbres. Si, dans les zones du projet, les forestiers locaux exercent le même type de pouvoir déterminant que celui exercé par les forestiers ailleurs dans les zones rurales du Niger, il règne une grande incertitude au sujet des droits des planteurs et des protecteurs de gao. L'interprétation des droits peut changer chaque fois qu'un nouveau forestier est affecté à une zone. S'il choisit d'exercer ses pouvoirs déterminants d'une manière différente de son prédecesseur, les étendues respectives des droits et des devoirs, des libertés et de la vulnérabilité, seront modifiées en conséquence. Les contestations sur l'interprétation des droits ont de fortes chances d'être résolues au cours d'audiences administratives, par le forestier qui a identifié l'infraction. Comme dans cette situation, le forestier est en fait juge et partie, l'ambiguïté des droits sur les arbres gao est intensifiée. Les règles du Code forestier n'ayant jamais été traduites, imprimées et diffusées dans les langues locales, il faut s'attendre à rencontrer, en ce qui concerne le régime de propriété des arbres, incertitudes et informations erronées. Ceci a pour effet général de refroidir l'intérêt des producteurs en matière de reboisement et d'agroforesterie.

Un renseignement intéressant a été fourni par un forestier du projet. Il a indiqué, sans fournir de noms, de chiffres ou de lieux, que les forestiers n'appartenant au projet, exerçant leurs fonctions dans des bureaux de foresterie d'arrondissement, ont à l'occasion imposé des amendes à des protecteurs d'arbres gao, pour avoir coupé ou élagué leurs «propres» arbres. Si c'est exact, ces fonctionnaires ne font qu'appliquer le Code forestier au pied de la lettre. Toutefois, quelques décisions de cette sorte peuvent avoir des incidences dévastatrices sur les efforts futurs de promotion d'une gestion en participation du gao, et éventuellement d'autres essences. Pour les producteurs ruraux, comme pour la plupart des êtres humains, les actes l'emportent sur les paroles.

C'est à juste titre que les exploitants sont conscients et méfiants vis-à-vis des pouvoirs déterminants que les fonctionnaires chargés des forêts peuvent exercer en de telles situations. Il est normal que les paysans évitent d'affronter les autorités. De telles interactions sont bien trop dangereuses, lorsque les paysans sont relativement sans pouvoir et que les fonctionnaires sont très puissants. Quand le projet aura pris fin et que de nouveaux forestiers seront affectés aux postes du département de Dosso, dans le cadre des mutations de fonctionnaires qui font partie de la pratique administrative, quelles garanties les planteurs et protecteurs ont-ils que les nouveaux responsables vont reconnaître leurs droits? Ou qu'il en sera de même pour leurs successeurs? A l'heure actuelle, la réponse, en toute sincérité est que les producteurs ruraux ne possèdent pas ces garanties, et que le Projet du gao BNUS n'est autorisé à leur en donner aucune. Dans ces circonstances, le scepticisme dont les producteurs font preuve, est réaliste.

Le Code rural, qu'un comité ad hoc du gouvernement du Niger est en train de rédiger, pourrait être publié dans les années qui viennent. S'il en est ainsi, cette publication pourrait changer le régime des droits de propriété sur les arbres d'une façon spectaculaire. Mais les producteurs ruraux ne le savent pas. Et il n'y a pas non plus de garantie que le Code rural recevra effectivement l'approbation officielle et sera diffusé. Le Projet demande aux producteurs ruraux de prendre un risque dans ce domaine.

RESULTATS

Les effets produits en matière d'équité et d'efficacité par l'organisation actuelle de gestion des ressources forestières dans le cadre du Projet du gao BNUS, sont complexes et difficiles à estimer sur la base d'une visite limitée. Les remarques qui suivent ont un caractère spéculatif et doivent être interprétées en tant que telles.

Acacia albida joue un rôle important dans les systèmes d'exploitation mixte, agricole et pastorale que l'on rencontre couramment dans le département de Dosso. Au moment des enquêtes sur le terrain, les Projets du gao, FAC/CCCE et BNUS, poursuivaient leurs activités depuis sept ans au total. Dans la zone de Dosso, ces années ont été caractérisées par des précipitations médiocres ou faibles, et les arbres gao ont été assaillis par les insectes nuisibles. Il se peut que cette situation ait été provoquée par l'abaissement des nappes phréatiques dans la région qui a eu pour conséquence d'affaiblir la capacité des arbres de résister aux attaques des insectes. En tous cas, on observait des arbres gao morts ou dépérissants à tous les degrés de maturité. Si l'on tient compte de leur importance dans les systèmes de production, on peut espérer une vague d'intérêt populaire visant à encourager l'accroissement de la population des arbres gao.

En dépit de cet intérêt populaire, les critères d'équité et d'efficacité semblent n'avoir été atteints que d'une façon imparfaite. Les causes de cette insuffisance ne résident pas dans la nature du projet, mais dans les contradictions existant entre la nature du bien d'une part, et le caractère des règles régissant les interactions concernant les arbres, d'autre part.

Critère d'équité

Un des aspects de la question d'équité, figurant dans la sylviculture du gao, concerne la mesure dans laquelle ceux qui ont fait des investissements en régénérant les plants de gao, peuvent s'attendre à tirer des bénéfices de ces arbres. Si un arbre planté ou protégé est taillé et protégé jusqu'à sa maturité sans subir de broutement ou d'ébranchage inopportun de la part d'utilisateurs humains et animaux, celui qui cultive le champ où pousse l'arbre retirera des bénéfices importants des services d'amélioration de l'environnement sur le site. Ces services comprennent notamment la réduction de l'érosion éolienne et des dommages aux cultures, l'augmentation des éléments nutritifs dans le sol, etc. Si d'autre part, les tentatives pour faire pousser des gaos plantés ou protégés, sont entravés par des broutements non autorisés et des coupes intempestives, le critère d'équité sera violé.

La question de savoir si ceux qui essayent de cultiver des gaos sur leurs champs estimeront, à long terme, que leur travail en vaut la peine, ne peut trouver qu'une réponse empirique. De toute évidence, il faut que les exploitants considèrent que la combinaison de bénéfices à court et à long terme fournis par la sylviculture du gao, est — après ajustements pour risques et décompte pour le temps passé — assez avantageuse pour justifier les investissements, si l'on veut qu'ils s'engagent et persistent dans une entreprise de régénération du gao.

Dans ce calcul, le rôle du bétail et des propriétaires de bétail est significatif. Si des animaux qui broutent détruisent les jeunes arbres, et si les pasteurs font des coupes excessives sur les arbres ayant atteint la maturité, en s'efforçant de fournir à leurs animaux des protéines vertes durant la saison sèche, les cultivateurs des champs où se produit la régénération du gao, vont très probablement penser que les pasteurs ont tiré inéquitablement profit de leurs efforts sylvicoles. Si les individus engagés dans la production du gao sont des exploitants de production mixte, ayant leurs propres animaux, on doit penser qu'ils s'indigneront encore plus des usages non autorisés.

Aux yeux des propriétaires de bétail, en particulier des pasteurs transhumants, les considérations d'équité sont perçues dans une optique un peu différente. Elles doivent être placées dans le contexte plus large de l'action continue des agriculteurs qui convertissent en des champs cultivés des terres marginales qui autrefois formaient des pâturages d'accès libre. Les pasteurs ont souffert du fait que ces terres se sont transformées, et que les réserves de pâturages ont cédé la place aux champs dominés par des agriculteurs individuels. Ils peuvent soutenir que la réduction des zones de pâturage d'accès libre les a lésés. Il se peut qu'ils tirent autant d'éléments nutritifs utilisables par leurs animaux, des résidus des cultures sur les terres qui autrefois formaient des pâturages. Toutefois, les cultivateurs engrangent maintenant de plus en plus les meilleurs résidus de cultures pour fournir du fourrage à leurs propres animaux, ce qui réduit sensiblement l'accès des pasteurs aux résidus.

Il n'est pas facile de trouver une solution conciliant ces deux points de vue opposés. On pourrait mettre au point des stratégies pour les harmoniser dans une certaine mesure, mais il faudrait pour cela apporter plusieurs modifications à la structure des règlements guidant pour le moment les interactions relatives aux arbres gao. Il faut signaler que le choix des stratégies devrait être guidé par un souci d'efficacité en matière de régénération des ressources en arbres gao dans les zones des projets, et même dans toutes les zones du Niger méridional où ces arbres peuvent pousser.

Critère d'efficacité

L'analyse ci-dessus suggère que les arbres gao devraient être produits, cultivés et gérés, en grand nombre, partout où cela est possible sur des terres arables. Ces arbres ont un haut degré de compatibilité avec tous les systèmes de production locaux. Ils réduisent la dégradation environnementale et soutiennent, ou améliorent, la productivité des entreprises d'agriculture et d'élevage. De plus, ils rendent possible la construction de clôtures et de maisons. Il est beaucoup plus efficace de charger les exploitants agricoles de produire, gérer et cultiver ces arbres que de compter sur les forestiers pour ces besognes.

Si la situation actuelle est analysée à la lumière de cette définition de l'efficacité, les règles existantes découragent les producteurs ruraux d'y répondre. Le personnel du Projet du gao, y compris les forestiers nigériens détachés pour aider l'opération, essaient de promouvoir l'investissement dans la régénération des ressources en gao, par les méthodes appropriées. La production de jeunes plants de gao dans les pépinières, et la plantation dans les champs ont une plus haute intensité de main-d'œuvre que la simple protection de la régénération naturelle, possible quand il existe des sols appropriés et une source naturelle de graines. Mais là où les graines ne se trouvent pas disponibles localement, il peut être indispensable de planter. (Des graines pourraient être rassemblées ailleurs, données en nourriture à des animaux élevés en étable sur des sites ciblés pour la régénération, rejetées avec les excréments dans des conditions encourageant la pousse et pourraient atteindre la maturité avec comme seul investissement la protection). Il est clair que le projet met l'accent sur les deux approches. Dans l'un ou l'autre cas, la culture du gao par des producteurs est bien plus efficace que ne le sont les investissements directs faits par le Service forestier pour régénérer le capital forestier en gao. Etant donné que les deux projets ont cherché à promouvoir une entreprise d'agroforesterie en gao par les producteurs, les méthodes des projets comprennent un élément important d'efficacité.

Et pourtant, en dépit d'efforts soutenus par le personnel du projet, la participation sans réserve des exploitants de la zone de Dosso, tout comme la protection et l'exploitation à rendement soutenu d'arbres gao et autres essences locales de valeur sur leurs terres, demeurent hésitantes. Il se peut que les contradictions d'ordre pratique entre les règlements du Code forestier et les règles anti-code des projets du gao, en ce qui concerne la propriété des arbres gao et autres essences de la liste des essences protégées, dissuadent les producteurs ruraux de s'engager plus fermement dans une entreprise d'agroforesterie faisant appel à ces arbres. Les préoccupations des producteurs qui se demandent qui possède les arbres, qui en contrôle l'accès, qui jouit de la liberté d'utilisation et dans quelles conditions, et à qui incombent les coûts de renouvellement du capital forestier local, sont parfaitement justifiées. Si les règles opératoires applicables aux arbres tendent à faire courir des risques aux exploitants, plutôt que de les investir de droits pouvant être défendus, et laissent en même temps d'autres personnes libres d'exploiter les gaos cultivés, plutôt que de leur imposer le devoir de s'abstenir, les exploitants agricoles vont trouver cet investissement risqué. Si les règles opératoires du régime de propriété des arbres permettent aux forestiers locaux d'exercer des pouvoirs déterminants importants, là encore les exploitants trouveront que l'investissement comporte des risques.

Lorsque les règles du régime de propriété des arbres sont appliquées par des forestiers itinérants, il semble qu'il se produise des incidents au niveau local; des amendes sont imposées aux exploitants qui ont planté ou protégé des arbres gao sur leurs champs par des forestiers n'appartenant pas au projet, pour avoir taillé ces arbres. Aux yeux de la plupart des producteurs, ceci suggère que le régime n'a pas changé, et que les vieilles pratiques juridiques décourageant les investissements en faveur du capital forestier, subsistent.

RECOMMANDATIONS

Les recommandations portent sur les moyens d'augmenter la participation des producteurs à l'agroforesterie du gao (production et gestion des arbres). Dans une large mesure, nous réitérons dans ces recommandations les propositions qui sont déjà à l'étude par ceux qui révisent le Code forestier, et élaborent une législation-cadre — le Code rural — pour la gestion de l'utilisation des sols en milieu rural. Les présentes recommandations cherchent à éliminer les contradictions et les ambiguïtés qui entourent la propriété des arbres gao. Elles cherchent aussi à augmenter la probabilité de voir les producteurs protéger suffisamment les jeunes plants gao, et bien gérer les arbres en vue d'un rendement soutenu. Deux éléments entrent en jeu ici: (1) préciser le régime de propriété des arbres gao (et par extension, les droits de propriété sur les autres essences, actuellement protégées ou non protégées); (2) faire baisser les coûts subis par les producteurs pour l'organisation d'un effort local de promotion d'une agroforesterie et d'une gestion forestière plus efficaces. Cette recommandation tient compte de préoccupations tant en matière d'équité que d'efficacité, mais c'est l'efficacité qui domine.

Régime de propriété des arbres

Le contrôle sur les ressources renouvelables, y compris les arbres gao et les autres essences, protégées ou non, devrait être transféré aux producteurs. Cette recommandation reçoit maintenant un soutien généralisé dans les milieux officiels nigériens.

Des questions se posent à propos de la sélection à faire parmi les types de producteurs capables de gérer les arbres, et de la mesure dans laquelle il faut leur transmettre le contrôle. Le contrôle pourrait être dévolu à des personnes sédentaires, ou encore à des pasteurs transhumants. Le contrôle pourrait être assigné à l'un ou l'autre type de producteur, au niveau individuel, par exemple: propriétaire de champ ou utilisateur de champ. Le contrôle pourrait également être dévolu à une juridiction publique existante, telle que le hameau, le quartier, le village ou la tribu, le canton ou le groupe pastoral, ou l'arrondissement. Sinon, il pourrait être confié à un nouveau type de district spécial, qui pourrait être créé dans le but spécifique de servir de juridiction pour la gestion des arbres ou de l'utilisation des sols, en commençant peut-être par des zones de projet sélectionnées. Chacune de ces options comporte des avantages et des inconvénients.

Quel type de producteur — sédentaire ou transhumant — devrait être investi de l'intérêt dominant dans les arbres gao cultivés? Les considérations pratiques désignent les producteurs sédentaires comme étant les dépositaires les plus appropriés des droits à investir pour la propriété des arbres. Ils ont des droits de propriété reconnus et très étendus sur les terres cultivées, ainsi que sur les terres en friche, dans certaines conditions. Les familles locales d'exploitants agricoles fonctionnent comme des unités de production sédentaires. Les membres peuvent, individuellement, être plus mobiles que ne le sont les pasteurs transhumants, et sont susceptibles de quitter la région pour de longues périodes en tant que travailleurs migrants, mais le noyau familial reste à la maison, sauf pendant les années d'extrême sécheresse.

Les familles agricoles et les éleveurs de bétail locaux peuvent produire et protéger les arbres gao d'une manière plus efficace que les pasteurs transhumants. En effet, ils maintiennent une présence régulière dans la région, cultivent les champs où les arbres peuvent se régénérer, et se trouvent dans les zones concernées durant au moins la moitié de l'année. La protection des arbres est, dans une certaine mesure, un sous-produit gratuit d'autres activités. En outre, ils sont plus au courant des institutions locales, en particulier des mécanismes de résolution des conflits, connaissent les instances locales et les procédures judiciaires des tribunaux civils; il est donc probable qu'ils auront davantage recours à ces institutions, parce que les coûts de transaction sont moins élevés pour eux qu'ils ne le sont pour les pasteurs transhumants.

A l'opposé, les pasteurs se déplacent sur les pâturages selon un circuit annuel, et ne restent jamais longtemps dans une même zone. Ils n'ont pas de droits de propriété reconnus sur les zones locales (au mieux, ils ne jouissent maintenant que de droits usufruitiers très limités). Ils sont moins familiers avec les institutions locales, et par conséquent, doivent envisager des coûts de transaction plus élevés lorsqu'ils essaient de résoudre des conflits.

Les questions qui se posent actuellement concernent l'attribution aux populations sédentaires du contrôle sur les ressources forestières. Quelle est l'unité qui conviendrait le mieux?

Les réponses devraient faire ressortir la nature du bien qui constitue un facteur important des interactions subséquentes intervenant à propos de la ressource. Comme nous l'avons noté dans la partie examinant les «Attributs des biens et services», les arbres gao, tout particulièrement, produisent des services d'un caractère principalement privé. Ces services — protection contre la dégradation de l'environnement et amélioration du microclimat — aident surtout à produire des biens dont l'appropriation est privée, c'est-à-dire de meilleurs rendements des cultures. Toutefois, si les cultures dans les champs sont privées, ce n'est pas parce que l'exclusion est facile à accomplir. Mais plutôt, si elles ont le caractère de biens privés, c'est parce que les exploitants sont normalement dans leurs champs durant la saison de végétation, et qu'ils sont capables d'empêcher par leur seule présence la plupart des infractions à la règle opératoire très forte et généralement respectée qui traite les cultures dans les champs comme des biens privés.

Le caractère privé des cultures est renforcé par les règles nationales qui convertissent effectivement le caractère des champs, de ressources d'accès libre durant la saison sèche, à propriété privée durant la saison de végétation et jusqu'à la fin de la récolte. Les règles nationales réalisent cette alternance en rendant les propriétaires de bétail responsables de tous dégâts que leurs animaux peuvent causer aux cultures sur pied. Une telle situation semble constituer une raison pour transférer le contrôle sur les arbres gao plantés et protégés, aux propriétaires de champs ou utilisateurs de champs (individus ou familles).

Institutions de gestion des ressources forestières

Déclarer simplement que les arbres gao constituent une propriété privée n'élimine pas le problème de la mise en vigueur des règles. Si les propriétaires individuels sont laissés à eux-mêmes pour la défense de leurs arbres contre les utilisations non autorisées, il y a de fortes chances pour que le braconnage du bois se produise durant la saison sèche qui suit les récoltes, lorsque les habitants sédentaires se rendent moins fréquemment dans leurs champs.

Le contrôle pourrait être également confié à une juridiction existante, à objectifs multiples, ou à une juridiction spéciale, qui reste à créer, pour la gestion des ressources forestières ou de l'utilisation des sols. Le choix à faire ici est complexe. Un tel transfert convertirait les arbres gao de ce qu'ils sont maintenant officiellement, une ressource de propriété commune nationale, en une ressource de propriété commune à un certain niveau sous-national. La gestion du gao au niveau de l'arrondissement risquerait de souffrir des mêmes incapacités que celles qui affectent actuellement l'opération de propriété commune au niveau national, parce qu'elle reposerait sur le même personnel. Le canton offre une autre possibilité, mais les coûts de transaction pour l'obtention des approbations et la résolution des conflits seraient toujours élevés pour la plupart des producteurs, étant donné la distance qui sépare leur village du chef-lieu de canton. De sérieux problèmes concernant les mécanismes de mise en vigueur des règles, et le contrôle de l'accès aux arbres gao de propriété commune en vue de la consommation, se poseraient aussi parmi les résidents sédentaires du canton.

Aux niveaux du village, du quartier ou du hameau, la gestion des arbres gao, en tant que ressources privées ou de propriété commune, est toutefois plus faisable. Le groupe d'utilisateurs sédentaires éventuels est bien plus réduit. Ils se connaissent tous. Le contrôle mutuel a des chances d'être un peu plus efficace, car l'échange d'information est plus intense. Des problèmes relatifs aux mécanismes d'application des règles d'accès et d'usage, et de coercition si nécessaire, se poseront néanmoins à ce niveau tout comme aux niveaux supérieurs.

La question de l'accès des pasteurs aux arbres gao est une question fondamentale, et il importe d'obtenir leur coopération en ce qui concerne la préservation des arbres jeunes et adultes, si l'on veut arriver à une solution durable à long terme. Les propriétaires et éleveurs de bétail locaux auront probablement la priorité sur les pasteurs transhumants, en matière d'accès au fourrage de gao durant la saison sèche. Pour assurer que ce dernier groupe ne soit pas privé des sources locales de fourrage, il semblerait possible d'établir une loi leur en garantissant l'accès. Toutefois, une telle loi serait difficile à faire respecter si elle rencontrait la résistance des populations sédentaires. A tout prendre, les pasteurs auront plus de chances de renouer des rapports amicaux avec les communautés ou exploitants locaux, si on les laisse négocier des arrangements d'une manière informelle. Les troupeaux transhumants offrent certainement une source additionnelle d'engrais aux communautés sédentaires, aussi les pasteurs ne sont-ils pas entièrement démunis d'atouts dans les négociations en vue de déterminer les rapports mutuels.

Pour faire respecter les règles locales de propriété applicables aux arbres, il existe au moins quatre options. Elles comportent toutes l'engagement d'un ou plusieurs gardiens pour faire des rondes dans les zones de gestion du gao et d'autres essences éventuellement. Dans le cas où le contrôle sur les arbres serait dévolu à des individus ou à des familles, les membres de la famille pourraient être affectés à la protection des terres familiales, mais la petite taille de la plupart des propriétés foncières rendrait cette solution en général peu économique. Une seconde option, dans le cadre d'un régime de propriété privée pour les arbres, serait de financer des gardiens payés à la tâche, c'est-à-dire rémunérés par les propriétaires ou utilisateurs de terres en espèces ou en nature pour le gardiennage des arbres. Une troisième option, possible dans le cas où les arbres gao seraient transférés en tant que ressource de propriété commune à la communauté locale, et à condition que la juridiction de gestion en obtienne l'autorisation, comporterait le financement de services de gardiennage des arbres sur les recettes de vente aux enchères des droits de pacage du chaume sur les terres gérées. Une quatrième option, qui suppose aussi un régime de propriété commune pour les arbres, résoudrait le problème du financement en autorisant les juridictions de gestion à établir et percevoir des taxes parmi leurs ressortissants.

Les contributions volontaires semblent être une solution inefficace, étant donné qu'il s'agit d'une question à long terme: la protection doit être assurée sur une base continue, tout au long des saisons sèches successives, jusqu'à ce que l'on puisse disposer de techniques de clôture économiques.

Dans le contexte politique actuel du Niger, le village semble être la seule unité locale viable pour la gestion des arbres gao en tant que ressources de propriété commune. Les conseils de village et de canton sont officiellement reconnus comme unités de prise de décision, mais il reste à voir dans quelle mesure ils pourraient être capables de gérer efficacement des ressources forestières.

Un autre problème critique concerne la mesure dans laquelle les fonctionnaires de l'Etat, probablement les forestiers, conserveraient le pouvoir de superviser l'exercice des droits de propriété, privée ou commune, ainsi que les pouvoirs associés de mise en application de la loi, au niveau local. Il est évident que le pouvoir de supervision de l'Etat est justifié dans certaines limites, pour veiller à ce que la mauvaise gestion d'une communauté locale n'ait pas d'effets néfastes sur les juridictions voisines. Toutefois, si ces pouvoirs de supervision sont trop étendus, ils décourageront rapidement les efforts locaux de gestion. La règle opératoire demeurera celle d'une gestion des arbres gao par l'Etat.

NOTES

1 Le terme «gao» se réfère à l'essence d'acacia Acacia albida. Le terme est le même en zarma et en haoussa, les deux principales langues indigènes de la zone du projet.

2 Subvention FAC: 301/C/DDE/79/NGR

3 Crédit CCCE: 58 27 00 79 10 0

4 République du Niger, Ministère de l'Hydrologie et de l'Environnement, département de Dosso - Projet GAO/FAC/CCCE. Rapport annuel 1984, rédigé par Inchaou Galadima Mamane, Contrôleur des Eaux et Forêts. Dosso, Niger, 1984, p.2.

5 République du Niger, Ministère de l'Hydrologie et de l'Environnement, Projet forestier GAO - Dosso - Convention de financement; I Rapport d'activité; II Programme technique; III Budget de fonctionnement. Dosso, Niger, 1984, p. 33.

6 Caisse centrale de coopération économique. Département d'appui aux opérations. Division des politiques sectorielles et des évaluations. «Evaluation rétrospective du Projet Acacia albida dans le département de Dosso au Niger.» Rédigé par C. Barrier. p.8.

7 République du Niger, Ministère de l'Hydrologie et de l'Environnement, Projet forestier GAO - Dosso - Convention de financement ....., p. 24.

8 Caisse centrale de coopération économique…, p.8–9

9 Le décompte aux pièces et sans limite crée pour les exploitants une incitation économique peu judicieuse, les poussant à conserver des touffes de jeunes plants, plutôt qu'à sélectionner le plant le plus fort dans un groupe et éliminer tous les autres. Les jeunes plants spontanés tendent à pousser en touffes parce que leur «plantation» se fait par l'intermédiaire des excréments de chèvres, moutons et vaches, après passage dans le tube digestif. Les plantes doivent être fortement éclaircies pour limiter la concurrence. Pour modifier le système d'incitations, il faudrait des règles limitant le nombre de plants par hectare et exigeant un espacement raisonnable. La mise en application ne serait cependant pas plus difficile que pour le système actuel.

10 République du Niger, Ministère de l'Hydrologie et de l'Environnement, Projet forestier GAO - Dosso. «Etude sociologique: dégradation des ressources forestières.» Doka Marthe Diarra, Institut de recherches en sciences humaines, et Mounkaila Goumandakoye, Ministère de l'Hydrologie et de l'Environnement. Niamey, avril 1986, p. 23.

11 République du Niger, Ministère de l'Hydrologie et de l'Environnement, Projet forestier GAO - Dosso, «Etude sociologique: dégradation des ressources forestières», p. 29.

12 On donne ici les noms des villages où se sont passés les interviews, par arrondissement (tous dans le département de Dosso), suivis d'une indication du groupe ethnique dominant et des pratiques adoptées par le projet:


Arrondissement de Dosso (Projet BNUS):


Kargui-Bangou (Zarma; pépinière plus plantation, suivi de protection des jeunes arbres par paniers d'osier fournis par Projet BNUS);


Sarkin Daji Kwara (Zarma; pépinière plus régénération artificielle, suivi de protection des jeunes arbres par paniers d'osier tressés localement et «encouragés» par Projet BNUS au taux de 200 FCFA par panier);


Tondigamé Kaniké (Beriberi; pépinière plus régénération artificielle, suivi de protection des jeunes arbres par paniers d'osier tressés localement et «encouragés» par Projet BNUS au taux de 200 FCFA par panier).


Arrondissement de Birnin Gaouré (Projet BNUS):


Guillarmé Peul (sylvo-agro-pastoralistes Foulbé; identification des jeunes plants régénérés naturellement de six essences, y compris A. albida, marquage par rubans de plastique coloré attachés, suivi de taille pour encourager croissance, sans effort de protection).


Arrondissement de Dogon Doutchi (Projet FAC/CCCE):


Uban Dawaki II (populations agro-forestières Haoussa; petit bétail; identification de jeunes plants naturellement régénérés de six essences, dont A. albida, marquage par rubans de plastique coloré attachés, suivi de taille pour encourager croissance, sans effort de protection);


Madai (populations agro-forestières Haoussa; petit bétail; identification des jeunes plants naturellement régénérés de six essences, dont A. albida, marquage par rubans de plastique coloré attachés, suivi de taille pour encourager croissance, sans effort de protection);


Unguwal Makera (forgerons et agro-forestiers Haoussa; petit bétail; identification des jeunes plants naturellement régénérés de six essences, dont A. albida, marquage par rubans de plastique coloré attachés, suivi de taille pour encourager croissance, sans effort de protection).


13 James T. Thomson (1986) «Aspects politiques de la désertification au Sahel: centralisation, non participation, inaction» (Politics of Sahelian Desertification: Centralization, Nonparticipation, Inaction), Divesting Nature's Capital: The Political Economy of Environmental Abuse in the Third World, publié sous la direction de H.Jeffrey Leonard (New York: Holmes and Meier, 1985) pages 227–262.

14 Les cultivateurs nigériens ne cessent d'affirmer que les pasteurs sont toujours prêts à placer leurs animaux dans les cultures ou les jardins pour augmenter les taux de survie du bétail. Ordinairement, ces pasteurs, s'ils sont surpris, paient des amendes sans trop de résistance, mais comme bergers et troupeaux sont mobiles, les exploitants pensent qu'ils minimisent le risque d'être surpris. De plus, ils réduisent souvent ce risque d'identification en travaillant de nuit. En termes formels, ils traitent les substances végétales nourrissantes comme des biens d'accès illimité et, selon une logique de «ruée sur les biens communs», cherchent à s'en approprier la plus grande partie possible.

15 La somme moyenne réclamée comme commission par les exploitants pour avoir identifié et protégé des arbres gao en 1983, était de 3 600 FCFA. Ce montant était supérieur aux montants précédents, (2 500 FCFA en 1982, et 1 300 FCFA en 1981). Se référer à l'ouvrage: Caisse centrale, «Evaluation rétrospective..», p. 9.


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